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L'Espagne à la suite des élections

Dimanche, les Espagnols voteront et, au vu des sondages, éliront le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy. Ce scrutin révèle des aspects géopolitiques au sujet de l'Espagne mais aussi de l'Europe.

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1/ La grande majorité du PP intervient dans un pays déboussolé, avec plus de 20 % de chômeurs et une gueule de bois après des années d'expansion flamboyante. La crise est le principal acteur de la campagne et M. Rajoy bénéficie du simple programme : "sortons les sortants". Ceci justifie l’ambiguïté de son programme puisqu'il ne dit rien précis de son action future, ce qui lui permet de assembler de la droite la plus profonde aux déçus du zapatérisme.

2/ En fait, contrairement au titre du Figaro, ce n'est pas la "droite" qui vient au pouvoir : c'est une sorte de neutralité plus ou moins centriste et technicienne. Même s'il est encarté, M. Rajoy porte la même signification politique que les nouveaux gouvernants de Grèce (M. Papademos) et d'Italie (M. Monti) voire d’Irlande (M. Kenny), où un troisième homme avait été élu. Au fond, les électeurs non seulement désavouent les gouvernements en place, mais ils affirment leur défiance des politiques classiques. C'est particulièrement vrai en Espagne où la force du mouvement des indignés ne se dégonfle pas.

3/ Or, outre les difficultés financières, M. Rajoy va avoir des responsabilités fort politiques. En effet, pour la première fois depuis la sortie du franquisme, un parti bénéficiera de tous les leviers du pouvoir : municipalités, régions et bientôt gouvernement. Cela signifie que la pression budgétaire va avoir des traductions politiques : en effet, 20 % du déficit espagnol est imputable aux région (voir ici)s qui ne réussissent pas à réduire leurs encours : dès lors, l'Etat va devoir faire pression et au besoin gommer certaines autonomies, trop dispendieuses. Autrement dit, la crise d'une part, et l'homogénéisation politique d'autre part, vont favoriser un mouvement de recentralisation de l'Espagne, conformément à ce qu'égéa vous explique depuis longtemps.

4/ Deux écueils s'opposent toutefois à cette tendance : d'une part, le cas de la Catalogne où les indépendantistes et la gauche sont toujours au pouvoir, à la tête de la région à la fois la plus riche, la plus endettée et la plus indépendantiste. Par ailleurs, le risque de cette concentration des pouvoirs est justement l'absence de contrepouvoir : dès lors, en cas d'échec, les alternatives ne sont pas évidentes : remous sociaux, éclatement, ....

5/ La baisse de la croissance rend visible l'implosion démographique : en effet, celle-ci était masquée les dernières années par l'immigration, venant notamment d'Amérique du sud. Avec le chômage, on s'aperçoit que ces immigrés quittent le pays : mais l'abime démographique n'en est que plus flagrant. Est-il besoin de rappeler l'importance d'une démographie assez vigoureuse pour relancer la croissance ? quand une population réduit, elle est en décroissance ce qui a forcément des conséquences sur l'économie.

Et si les taux de natalité participaient à la notation des Etats ?

NB : on appréciera cet article du Monde : où il apparaît que la vertueuse Allemagne maquille ses comptes comme un vulgaire État du club méd....

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 19 novembre 2011, 19:43 par starshiy

Bonjour
Pour être un petit-fils d'immigré espagnols en terre marocaine (espagnole puis française), je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre ce début du 21ème siècle et le début du 20ème siècle.
Il faut se souvenir que les famines existaient en Espagne au début du siècle dernier (comme en Irlande d'ailleurs), ce qui a provoqué une très forte immigration, notamment vers les "colonies" françaises d'AFN et vers l'Amérique du Sud. La misère de certaines campagnes jusqu'au début des années 50 était indescriptible.
L'abîme démographique que vous décrivez aujourd'hui va très certainement s'accroître avec un renouveau d'immigration, vers les USA et l'Allemagne, à mon avis.
Cordialement

égéa : oui, dans le monde de vendredi daté samedi, entièrement consacré à l’Espagne, un reportage sur la casa de Espana, à Saint Denis : et alors que ce foyer rassemblait surtout des retraits, l'animatrice voit revenir des jeunes venant d'Espagne et décidés à trouver du boulot en France...

2. Le samedi 19 novembre 2011, 19:43 par

Bonjour,

Belle analyse qui me rend par ailleurs pessimiste car lorsque j'observe tous les gouvernements ayant sauté récemment (Irlande, Grèce, Portugal, Italie et Espagne), leurs sucesseurs n'ayant comme seule et unique solution qu'une augmentation de la dureté des mesures budgétaires.
Tout cela pour mettre en poste des technocrates proches des instances bruxelloises ou d'anciens responsables/conseillers d'instituts bancaires, organismes qui sont à l'origine de notre marasme. Un peu fort de café tout de même!

L'exemple de l'Islande est très utile à observer pour plusieurs raisons. Concernant celle de la crise financière elle a démontré qu'un pays qui conserve les leviers de sa souveraineté peut remonter la pente, sans faire payer les contribuables pour les errements de dirigeants publics et surtout privés coupables de déraison et légèreté. Ailleurs, le mot d'ordre est le même : rembourser une dette en saignant le pays, et notamment ses forces vives : ménages, entreprises, jeunes en âge d'entrer sur le marché du travail.

Le sort de l'Espagne, qui a pour premier client commercial la France je me permets de le souligner, est triste à observer car il est annonciateur de notre propre avenir. Non point qu'il n'y ait aucune autre alternative, mais l'on ne désire en aucune manière en chercher une.

Cordialement

3. Le samedi 19 novembre 2011, 19:43 par Panou

Tout à fait d'accord le "sortez les sortants" n'aménera pas de grands changements économico-financiers.La classe politique espagnole marquée par le souvenir de la guerre civile ne développe pas des antagonismes aussi grands que chez nous.Le PC avant de changer de nom a accepté la royauté,tous les partis et syndicats ont signé le pacte de Toléde sur la protection sociale,Rajoy a voté la régle d'or proposée par Zapatero.PP et PSOE ont compris que les politiques des autonomies étaient dispendieuses.Dans son programme le PSOE souhaitait la disparition des "diputaciones" équivalentes à nos conseils généraux.Nul doute que Rajoy suivra cette voie.Certes celà conviendra aux tendances centralistes traditionnelles de la droite espagnole.
Je ne pense pas que le séparatisme catalan(à noter que depuis un an la Generalitat est gouvernée à droite même si elle n'est pas PP) soit revigoré à court terme et on n'est pas prêt de voir des prisonniers politiques catalans.
En revanche ce pb des prisonniers politiques va être un écueil pour Rajoy au Pays Basque.Seuls dans toute l'Espagne les basques ont augmenté leur participation électorale et le nouveau parti Azmuir héritier de Batasuna et ses appendices a fait une remarquable percée rivalisant avec le plus modére Parti National Basque.Deux raisons semble-t-il:Eta et Batasuna préconisaient auparavant l'abstention.Bon nombre d'électeurs ont voulu remercier les dirigeants d'Azmuir dont le rôle a été primordial pour ramener ETA-militaire à la raison même si qqes pas restent à faire pour le désarmemenr contrôlé.Pour l'atteindre Rajoy devra revenir sur les positions du PP hostile jusqu'ici à toute concession sur le pb du rapprochement géographique et de la libération des prisonniers.Or les plus emblématiques d'entre eux ont soutenu la pacification de la situation.La question va trés vite se poser pour le PP car en 2013 est l'année des élections locales en Euzkadi et un prisonnier politique libéré peut parfaitement devenir patron de l'exécutif.Un processus à la nord irlandaise mais qui obligerait la droite espagnole à avaler son chapeau.Enfin au niveau bilatéral et en dépit d'une position similaire sur l'échiquier politique des dirigeants Paris risque de trouver moins de complicité avec Madrid.La droite espagnole est nationaliste avec des tendances francophobes:pour elle la guerre d'indépendance est la lutte anti napoléonnienne.Ce n'est pas le cas pour la gauche qui a un sentiment de reconnaissance pour le refuge accordé durant le franquisme.Alors les discussions sur le dumping agricole,la rivalité des pêcheurs et le raccordement des lignes à grande vitesse(plus de kms aujourd'hui en Espagne qu'en France) vont être plus vives.En plus Rajoy n'est pas le Bambi souriant,surnom de Zapatero.Notre Président devra découvrir la froideur et la réserve d'un Galicien plus enclin à regarder outre Manche que Tras los Pirineos.

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