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Plaidoyer pour BHL ??

Oui, c'est un faussaire. Oui, il est insupportable. Oui, sa morgue hautaine, sa suffisance et sa dominance m'exaspèrent. Oui, ce gars-là n'est pas sérieux même s'il ne rit jamais et qu'il a toujours l'air grave du type qui porte tous les malheurs du monde, affligé professionnel. Oui, sa richesse médiatique m'insupporte. Non, je ne le lis pas, ou plus depuis un lointain "la barbarie à visage humain" où j'appris que le monde était structurellement divisé entre les bons et les mauvais, entre les fascistes (et les Français en étaient, "naturellement") et les opprimés, découverte philosophique qui ne bouleversa pas ma vie. Oui, sa suffisance à coup de vagues concepts philosophiques et de plagiats botuliens suffisent, effectivement, à disqualifier intellectuellement le bonhomme.

source

Et non, il ne lira pas ce billet, habitué qu'il est aux injures et aux moqueries des blogueurs et du public, ignorance qui sera de sa part la manifestation ultime de cette distance entre l'élite dont il fait partie et le bon peuple qu'il assimile au public télévisuel de Vivement dimanche et de Téléstar. Et évidemment, je ne dirai même pas du mal de son dernier bouquin, parce qu'il ne mérite pas, c'est évident, une quelconque critique, même pour dire que c'est n'importe quoi. Bref, je suis d'accord avec ce que vous pensez, et je le dis tout haut, histoire que nous soyons temporairement débarrassé de notre ressentiment.

Une fois qu'on a dit ça, n'y a-t-il pas qq chose d'intéressant au-delà de BHL, malgré BHL ? Un je ne sais quoi, un presque rien, avec lequel le géopolitologue pourrait être d'accord ? Peut-être....

1/ En effet, il ne s'agit pas de critiquer son action en Libye ou ses positions diplomatiques. L’absurde "diplomatie du perron" a suffisamment fait l'objet de gloses pour que je n'ajoute pas ma pierre à l'édifice. Bref, il ne s'agit pas ici de s'interroger sur les motifs de tel ou tel, car au fond ils ne m'intéressent pas.

2/ En revanche, il y a un côté "bouc émissaire" chez BHL qui est particulièrement intéressant (signalé par Michel Crépu sur France Inter samedi) : comment ce gars là réussit-il à susciter autant d'antipathie unanime ? Bien évidemment à cause du décalage entre sa puissance médiatique et l'assurance de son discours, d'une part, et l'impunité dont il bénéficie par rapport à ses nombreux à-peu-près, d'autre part. BHL illustre clairement la logique girardienne du désir mimétique. Cette figure médiatique extrême résume tous les fantasmes de notre société ultra-médiatisée, et baignée en permanence du flux de communication de toute sorte : télé, radio, presse, pipolisation, Internet, réseaux sociaux que nous consommons à haute dose. BHL symbolise la mutation de la figure de "l'intellectuel engagé", celui qui lit et qui écrit : mais alors qu'autrefois un Voltaire, un Zola, un Gide ou un Sartre n’intervenaient dans le débat que par la seule force de l'écrit, BHL invente deux choses :

  • une communication au sens propre "multimédia", puisque ce n'est pas seulement par les livres ou les articles, mais aussi les films, les photos et les interviews de toute sorte que BHL intervient non pas "dans le débat", mais "sur la scène".
  • une entrée dans l'action qui est la frontière ultime entre l'intellectuel engagé et l'acteur politique (cf. Michel Crépu qui oppose Stéphane Hessel, restant extérieur à l'événement, et BHL, qui entre dans l'histoire) : en transgressant la limite entre le commentateur et l'acteur, BHL innove.

3/ En effet, si l'intellectuel commentait, si Sarte a manifesté ou s'est juché sur un fût pour parler à Billancourt, cela restait de l'ordre du verbe. L'intellectuel à la française demeurait extérieur à l'événement. BLH rompt la glace, il agit sur l'événement, il veut faire l'histoire. Et il ne s'agit pas, comme d'autres intellectuels, de se contenter d'un ministère de la culture. Il s'agit au contraire de la grande politique, celle qui définit la position de l’État. Et alors que Malraux avait été au rendez-vous de l'histoire, BHL veut lui l'écrire, la susciter, l'initier.

4/ Il bénéficie à l'évidence du contexte : celui où la politique n'est plus Politique, mais d'abord et avant tout médiatisation. Il y a confusion non des sentiments, mais des intérêts. Les médias ne sont pas le quatrième pouvoir, ils sont devenus le pouvoir.

5/ Certes, me direz-vous. Mais pourquoi ce mot de plaidoyer que vous placez au titre du billet ? Parce que paradoxalement, BHL renoue avec l'essence du politique, et rompt avec le consensus moraliste des médias, lui qui en est pourtant un des archanges (des médias, et du moralisme). En effet, par delà sa posture morale, au nom même de cette posture morale (la lutte contre le tyran, le soutien au peuple opprimé qui se soulève), et au-delà de l'utilisation du "devoir d'ingérence" et de la "responsabilité de protéger" qui constituent deux atteintes fortes au régime politique traditionnel (celui de la souveraineté), BHL réintroduit un fait passé inaperçu. C'est d'ailleurs l'ultime métamorphose de cette union de la moralisation, de la médiatisation et de la politique dont il est le symbole. En effet, BHL réintroduit l'utilité de la guerre dans le champ politique.

6/ On est loin de J. Chirac qui disait que "la guerre est, toujours, la plus mauvaise des solutions". Eh! non, la guerre est une solution parmi d'autres, la plus souvent mauvaise, surtout quand on entre dans des conflits symétriques, industriels, totaux. Mais la guerre, en soi, est une décision politique. BHL a prôné la guerre au long des 20 dernières années, en Bosnie, au Kossovo, en Irak, en Libye. BHL est un va-t-en-guerre. Au moins n'a-t-il pas la fadeur vertueuse d'un Rony Brauman qui lui reprochait justement cette acceptation de la guerre au nom d'une guerre juste toujours à considérer (voir le débat entre eux ici).

7/ Ainsi, BHL pratique une posture schmitienne, ce qui est savoureux, on en conviendra. Il accepte que la politique consiste à désigner l'ennemi. Il fait de la politique au sens léniniste du terme : la politique, c'est la continuation de la guerre par d'autres moyens. Ce qui est une forme de réalisme qu'il faut savoir reconnaître.

8/ Encore un petit effort, M. BHL. La question n'est plus seulement d'accepter le fait de la guerre, il est de savoir pourquoi on la fait. Bientôt, vous parlerez des intérêts du pays, au lieu de vous abriter derrière vos justifications moralisatrices..... Mais non, BHL acceptant d'être immoral, cela ne se peut pas !

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par Midship

magnifique article d'un Egea fort en forme, et armé ce soir d'une plume au style raffiné ! Merci pour cet agréable lecture.

égéa : euh.... merci. Je suis ben content et j'essaierai de faire mieux la prochaine fois.

2. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Ton analyse est très intéressante et comme le dit Midship très agréable à lire.

3. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Les idées sont effectivement intéressantes. Et on ne peut comme tu le fais, ignorer l'existence de BHL tant son omniprésence médiatique est évidente.

Je me demande moi, s'il n'y a pas un peu de Livingstone ou de Stanley dans ce style explorateur/aventurier/écrivain/journaliste/envoyé de l'Etat dénonçant les horreurs du monde tout en regardant la populace de haut.
Il est peut-être un explorateur du nouveau monde de l'information. Faute de remonter le Congo ou le Nil, il visite le petit écran et en découvre les richesses.

RM

égéa : oui: BHL, c'est Tintin à la sauce Spielberg....

4. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Mouais... BHL, comme tous les intellos post-maoistes, néocons ou autres, réduit la politique à la guerre, mais surtout, comme ses anciens des années trente faisant le voyage de Rome ou Berlin, est littéralement fasciné par les armes, même pas la puissance, non, les armes. Le chapitre grotesque d'"American vertigo" de la visite de Norfolk (les gros porte-avions, les gros canons, les grooooosssses torpilles, docteur Sigmund au secours), et sa double page dans le Monde en pleine guerre du sud-Liban à la gloire de Tsahal et de ses artilleurs qui sentent si bon le sable chaud, étaient au-delà du vulgaire et de l'obscène.

Ce type est donc méprisé à juste titre parce que méprisable, car il prend le contre-pied de ce pour quoi la France et l'Europe se sont faites : que la guerre existe, nul ne le conteste, et le bon sens commun n'a jamais cru, contrairement à nos élites fukuyamesques qui nous disent le contraire aujourd'hui, à la Fin de l'Histoire. Mais comme le rappelle le vieux maréchal de Lauzun aux diplomates béhachéliens dans ce magnifique monologue à la fin de "Saint-Germain ou la négociation" (de mémoire): Vous ne savez pas de quoi vous parlez. Pour vous, la guerre n'est qu'un mot. Mais la première chose que vous voyez à la guerre, c'est que ça pue. La guerre, c'est avant tout de la charogne. Etc...

BHL et quelques autres bushiens ou sarkoziens, non militaires et dont les états de service militaire ne doivent pas être très glorieux, ne savent pas de quoi ils parlent. C'est pour cela qu'ils en parlent tant.

Et de la Révolution, messieurs, qu'en pensez-vous, des charrettes et des têtes au bout des piques...? Faut vous y préparer.

5. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par Nono

Intéressant, tout ça. Mais je me pose toujours une question à son propos (BHL, le fumiste): d'où tire-t-il son pouvoir médiatique, comment est-il encore aussi présent malgré tout? Et ça, je n'arrive toujours pas à le comprendre...

6. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par Olivier SASTRE

Merci pour ton article clairvoyant et spirituel, Olivier. J'irai même au delà de ton dernier paragraphe d’ouverture en me demandant à la fois :
1/ si ce fameux clerc, qui a rafraîchi à lui seul la palette des trahisons intellectuelles les plus récentes,ne va pas, à force de girations qui le rapprochent de l’œil du pouvoir, finir dans la peau maroquinée d'un nouveau Malraux...?
2/ si notre pays n'est pas finalement un havre pour un certain style d'intellectuels qui partout ailleurs dans le monde seraient demeurés - pour manger quotidiennement - dans les métiers beaux et honorables de professeur de philo, d'histoire, d'arts visuels ou de tango ? ( The first moral duty of an intellectuel is to be intelligent - Sydney Hook) .

égéa : peau maroquinée ... ça me fait penser aux réducteurs de têtes, aux embaumements, aux statues incas et aux momies égyptiennes : un côté veiux rite primitif et presque cannibale. Lei-Strauss dirait des choses intelligentes sur le sujet.

7. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Sourire, Vous aussi vous revendiquez le droit à l’indignation, c’est à la mode, je trouve votre billet savoureux, que vous êtes beau dans l’indignation ! Indignez-vous ! Indignons-nous ! Cela fait du bien.. BHL permet un je ne sais quoi d’exaspération et d’outrance envers lui C’est une affaire de chemise, blanche et dégrafée sur un torse que l’on devine velu.. Un mâle donc.. BHL a des idées, y compris sur DSK, vous avez remarqué, il est de ces personnages qui ont droit à des abréviations.. DSK, BHL, difficile de dire dG pour de Gaulle, Donc BHL le 17 mai 2011 a pris la défense de DSK, en ces termes : « le Strauss-Kahn dont je suis l’ami depuis vingt cinq ans et dont je resterai l’ami, ne ressemble pas au monstre, à la bête insatiable et maléfique, à l’homme des cavernes, que l’on nous décrit désormais un peu partout : séducteur, sûrement ; charmeur, ami des femmes et, d’abord, de la sienne, naturellement ; mais ce personnage brutal et violent, cet animal sauvage, ce primate, bien évidemment non, c’est absurde » BHL est fidèle en amitié, ce qui rend parfois C.. BHL est d’actualité, il a un avis légitime sur tout.. Il fait partie comme le dirait feu Coluche de ceux qui ont un avis autorisé. Car BHL ne doute pas, il affirme, il est donc mûr pour conseiller au plus haut niveau. BHL est un publicitaire, il soigne son image, sa mise en scène, son look branché. BHL est philosophe, écrivain, grand reporter d’ailleurs dès son plus jeune âge, il profite d’un voyage au Mexique pour écrire en 1969: « Mexique, nationalisation de l'impérialisme » dans la revue les Temps Moderne: article d’intellectuel fait pour les intellectuels et dont personne ne se souvient. Bernard ne fut jamais Bernard, il est né BHL. Il fait partie dès 1976 du groupe des experts au service de la Mitterranderie, et Mitterrand écrit de lui : "« J’ai connu Bernard-Henri Lévy alors qu’il venait d’entrer à Normale supérieure. Je me flatte d’avoir pressenti en ce jeune homme grave le grand écrivain qu’il sera. Un danger le guette : la mode. Mais la souffrance, amie des forts, le sauvera. Tout l’y prépare. Je ne m’inquiète pas de ce goût de plaire qui l’habite et l’entraîne aujourd’hui hors de son territoire. Quand il s’apercevra qu’il possède en lui-même ce qu’il cherche, il reviendra à sa rencontre » BHL courre donc après Bernard qui courre après BHL et il finira n’en doutons, pas par se rencontrer». BHL est un optimiste, il croit, je cite : « à une providence laïque » qui mènerait les hommes vers une « Société bonne » méthodiquement « épurée » de ses éléments « corrupteurs. BHL commet parfois dans ses ouvrages quelques erreurs historiques mais qui pourrait lui en vouloir ? Bref BHL m’exaspère, mais il a fait pour Sarkozy et la Libye ce qu’il avait fait pour Mitterrand et Sarajevo ? Bref, BHL se Dombasilise, BHL se nombrilise, BHL se BHL et m’épuise.

8. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par panou

Bravo pour votre article qui démontre que la com' est une arme même si elle n'est que du vent.Merci aussi pour votre renvoi sur le débat dans le Monde entre BHL et Rony Brauman.Je connaissais un BHL philosophe,géopoliticien etc mais dans son vif débat avec Brauman il se révéle être le futur théoricien de la lutte anti-char moderne.Selon lui, de nuit, les insurgés plaçaient des tapis de priére enduits d'huile sous les chenilles des chars ennemis pour les rendre plus vulnérables.Il garde néanmoins secréte la nature de l'huile:olives,arachide,tournesol,colza.
Pour être plus sérieux ...que BHL j'ai remarqué que dans ses interventions Rony Brauman met en doute les images des dommages humains et matériels de cette guerre civile.Celà m'a rappelé que certains intervenants sur ce blog avaient eu les mêmes doutes lors du déroulement même du conflit.
Or seule la chaine qatarie Al Dzajira a suivi seconde par seconde les événements et a été la source principale des vidéos....avec trés peu de plans larges et aucune vue aérienne.Comme par hasard ce sont les finances qataries qui ont appuyé les rebelles et il semble aujourd'hui que des spécialistes qataris ont instruit au plus prés les insurgés.Comme quoi la com'.....

9. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par yves cadiou

Suite au commentaire n°8 (panou): les doutes quant aux dommages humains et matériels de cette guerre en Libye persistent. Il y a autour de cette affaire une interrogation concernant l’information : les journalistes ont visiblement un problème avec la Libye. On peut en parler sur ce blog qui n’est pas journalistique : le 22 octobre JDMerchet proposait un billet au sujet de la Libye, accompagné d’une photo montrant d’importantes destructions.
http://www.marianne2.fr/blogsecretd...
.
J’ai voulu savoir l’origine de la photo car ça ne correspond pas du tout à la multitude d’images que l’on a pu voir ces derniers mois, mais ça correspond plutôt aux commentaires catastrophistes et sans preuves qui ont été déversés par la presse. J’ai donc posté cette question le 23 octobre :

« Cher JDM, voudriez-vous nous préciser d’où vient votre photo et ce qu’elle représente ? A ma connaissance, c’est la première fois que l’on voit des destructions qui évoquent de véritables combats. On a beaucoup apprécié vos confrères envoyés spéciaux de la télé qui nous expliquaient que d’intenses combats avaient eu lieu à l’endroit d’où ils nous parlaient… mais dans des paysages où tout était intact. De la même façon, l’on n’a jamais vu aucun des cinquante mille cadavres annoncés par le CNT. Si vous avez des infos crédibles sur ce qui s’est réellement passé en 2011 en Libye, elles seront les bienvenues. »
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A ce jour (1er décembre), la photo n’a pas été authentifiée.
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J’appartiens à une génération à qui la presse en mai 68 voulait faire croire qu’on assistait à une guerre civile, alors qu’en réalité ce n’était qu’un chahut, même pas une émeute. Dans cette affaire libyenne, initiée par le faussaire dont parle ce billet, la plupart des informations qu’on nous a servies étaient, et restent, douteuses.
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La conclusion provisoire qu’il faut en tirer est grave : notre intervention en Libye fut faite sur décision d’un président incontrôlé qui s’est emparé du pouvoir exécutif dans l’indifférence générale de notre classe politique installée. Cette affaire libyenne pose de façon criante la question de nos institutions. On peut parler de Monsieur Lévy si l’on veut, mais c’est un mauvais sujet. L’on doit cependant lui reconnaître une utilité (je ne dis pas un mérite) : avoir mis en évidence la dérive de nos institutions.

10. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Bon.. Pour ceux qui considèrent que l'intervention en Libye était une erreur, je leur conseille de lire le commentaire de Carlo Santulli, professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), cela les confortera et les anti-sarkozystes qui ont pour tout viatique un certain aveuglement pourront applaudir. Ce point de vue professoral permettez que je n'y souscrive pas tant je le suspecte comme étant, comment dire, orienté ? Ses positions et autres pétitions démontrent pour le moins que notre université est ouverte à toutes les tendances et à toutes les idées. Mais de grâce, ne tombons pas dans le piège des semeurs de doutes et des négationnistes de tous bords.
Au total, les aéronefs français auront réalisé plus de 5600 missions, détruits un millier d’objectifs, représentant 25% des sorties de la coalition dans le ciel libyen. Serait-ce donc une gesticulation ? Ce qui voudrait dire que nos pilotes ont effectué des bombardements fictifs sur des objectifs fictifs ? Que la photo diffusée sur le site secret défense soit une photo d’archive ou une photo d’actualité ne démontre rien, ne prouve rien, sinon qu’il faut toujours citer ses sources. Le sujet au-delà de BHL est bien celui de la solidarité envers nos institutions et celui de savoir si la France reste une nation qui compte ou pas. Oui ou non, la population de Benghazi était-elle menacée ? Sur le plan du droit, soyons simple, il n’y a pas eu ingérence de notre part, « l’ingérence est le fait pour un Etat de violer la souveraineté d'un autre Etat en utilisant la force pour mettre fin à des violations graves des droits de l'homme. » Car les résolutions de l'assemblée générale de l'Organisation des Nations unies (ONU) ne consacrent qu'un droit d'assistance humanitaire. Par contre, l’intervention militaire a été justifiée par des raisons humanitaires, et de protection contre la violence d’un Etat fou dirigé par un fou. Cette intervention est légale puisque autorisée par le Conseil de sécurité qui était dans son rôle. Avons-nous outrepassé le droit ? Probablement. Est-ce immoral ? Chacun jugera. Mais à tout prendre, entre une campagne irakienne menée par les EU sur un mensonge pour faire tomber un tyran, et une intervention qui aura duré 5 ans et une campagne aérienne en aide à un soulèvement qui a duré 6 mois, pour arriver au même résultat, je préfère la seconde. La Libye choisira désormais son devenir, et nous n’avons désormais aucun droit d'ingérence pour la suite. Quant à dire que le président n’était pas dans son rôle c’est faux. Le président n’est pas incontrôlé, il est président légitime et l’article 15 lui donne le pouvoir d’utiliser la force y compris dans le cadre des accords internationaux. Ce dont avait usé en son temps tous ses prédécesseurs.

11. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par yves cadiou

Continuons alors (commentaire n° 10) à parler des institutions, ça nous permettra de sortir, par le haut, du mauvais sujet initial de ce billet.
Le principe de base de la République, comme d’ailleurs celui d’une monarchie constitutionnelle, a été énoncé depuis longtemps, au Siècle des Lumières, par Montesquieu dans son œuvre majeure : l’Esprit des lois (1748).
http://fr.wikipedia.org/wiki/De_l'e...
On aurait tort de perdre de vue ces principes et notamment celui de la séparation des pouvoirs
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A...
C’est pourtant ce qui se passe en ce moment : on oublie les principes de base.

Par la Constitution de 1958 le Président est incontrôlé, c’est-à-dire qu’il n’a de comptes à rendre ni au pouvoir exécutif, ni au pouvoir législatif, ni au pouvoir judiciaire. Tout va bien dans la mesure où il n’a pas d’autre prérogative que celles que lui donne son prestige d’homme d’Etat, voire d’écrivain, d’historien ou autre référence respectable qui éclaire son passé : peu importe qu’il soit incontrôlé s’il ne gouverne pas.

Au contraire ça ne va plus si ce personnage s’arroge un pouvoir exécutif parce qu’alors l’Exécutif, aux mains du Président, n’est plus sous le contrôle du Législatif ni du Judiciaire. C’est la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, avec un Président qui gouverne sans contrôle.

Du fait que le personnage qui occupe le poste aujourd’hui n’a aucune ligne politique, se borne à réagir aux faits divers en politique intérieure et se ranger à l’avis du dernier qui parle en politique extérieure, nous sommes dans une situation qui fut celle du Second Empire dans les années 1860 qui se termina de la façon que l’on sait, dans la pagaille.

L’on ferait bien de revenir aux fondamentaux avant que ça tourne mal.

12. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par oodbae

+1 pour Pietrini (comm 10).

Je n'ai pas eu le temps de poursuivre le débat suivant l'analyse de HMDH de l'autre fois mais en ce qui concerne M. Henri-Lévy, on peut voir dans son immiscion (ou immixion?) dans le travail géopolitique de la France le passage de la théorie à la pratique, ce qui est à son honneur.
Il expose ainsi sa pensée (ou sa pseudo-pensée) à la confrontation avec l'observation de ses propres actes et rend ainsi service à toute bonne volonté qui voudrait connaître les limites des lecons moralistes. En cela, il fait preuve de plus de courage que l'immense majorité des journalistes et intellectuels de tout crin qui pondent des livres acerbes sur tous les sujets possibles, s'insurgeant contre l'imperfection de notre société humaine, sans pour autant avoir à en assumer ni les conséquences matérielles (formatage du discours politique en réaction aux polémiques à propos de telle remarque ou de telle blague, chômage local en réaction à la fermeture d'une usine non-conforme, défaite militaire suite à une démilitarisation du pays), ni les conséquences intellectuelles (impossibilité de confronter les lecons de morale et les conseils avec leur application sur le terrain).
M. Henri-Lévy attire sur lui la haine à cause de son caractère de star en contradiction avec la posture modeste et humble que l'on attend d'un intellectuel intelligent. Mais qu'il soit idole ne relève pas seulement de la starification de son personnage, cela relève aussi de l'exception qu'il constitue, en se rendant sur place lorsqu'il parle des conflits.
Lorsqu'il se rendit en Géorgie et rédigea son bouleversant (lol) récit de la traversée des barrages militaires, tenus par des sergents russes sentant la vodka, et lorsqu'après une diplomate de l'UE expliqua qu'elle n'avait jamais connu BHL et qu'il lui avait forcé la main pour le raccompagner, on a bien pu comprendre que son récit fut en grande partie produit par ses fantasmes. Il est en cela exceptionnel que sa manière de procéder l'expose à la critique et à l'humiliation alors que l'immense majorité des intellectuels s'enferme dans un carcan protecteur de bien-pensance.

13. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par oodbae

@cadiou: bonjour,. Très bien, mais alors que proposez vous précisemment? une article 1 de la Constitution "les lois de la République s'inspireront de 'l'esprit des lois' de Montesquieu"?

14. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par yves cadiou

A question directe (n°13) réponse directe : il est superflu d’inscrire dans la Constitution le principe de Montesquieu, pour les deux motifs suivants.

1 parce que ce principe sous-tend visiblement l’ensemble du texte constitutionnel, notamment les titres II à X, http://www.assemblee-nationale.fr/c... et il est connu de tous ceux qui ont quelques notions dans le domaine du droit constitutionnel. Malheureusement ces notions se trouvent rarement chez les militaires dont l’ignorance juridique est souvent d’une profondeur abyssale (c’était aussi mon cas quand j’étais sous l’uniforme). Beaucoup de militaires connaissent de la Constitution seulement le bref article 15, certains ignorent même que le Président ne fait pas partie du Gouvernement et n’a aucun pouvoir exécutif en dehors de l’article 16 : une confirmation de ces lacunes a été donnée en novembre 2010 par six généraux en retraite, présidents d’associations, qui ont cru bon de publier un texte erroné où ils affirmaient « l’emploi des armées est légitime dès lors que le Président de la République décide leur engagement ». http://www.saint-cyr.org/fr/edito-d... Cette affirmation est contraire à la Constitution qu’il faut lire au-delà de l’article 15, en lisant notamment les articles 20 et 21 pour ce qui concerne la subordination des forces armées.
« Article 20 : le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.
Article 21 : le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la Défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Il supplée, le cas échéant, le Président de la République dans la présidence des conseils et comités prévus à l’article15.» C’est clair mais il faut l’avoir lu avec attention au moins une fois.

2 Superflu de citer Montesquieu aussi parce qu’un principe reste lettre morte si l’on ne prévoit pas de sanctions contre ceux qui le transgressent.
On me demande ce que je préconise : au lieu de citer Montesquieu, il serait préférable de compléter l’article 20. Après « le Gouvernement dispose de l’administration et de la force armée », il faut ajouter qu’à l’exception de la situation prévue à l’article 16 tout agent de l’Etat qui se soumet à une autorité autre que celle du Gouvernement commet une forfaiture et se rend de ce fait passible de sanctions prévues par la loi.
L’affaire libyenne est pleine d’enseignements qui donnent une sorte d’utilité au personnage dont parlait ce billet.

On oublie trop souvent que, de ce côté-ci de l’Atlantique, présider n’est pas gouverner : dans les pays d’Europe la personnalité qui est chargée d’incarner la Nation est placée au-dessus des trois pouvoirs et ne gouverne pas. En France sous la V° République deux Présidents seulement, Charles de Gaulle et François Mitterrand, ont respecté le principe en n’intervenant que pour les affaires qui en valaient la peine et sans se substituer au Gouvernement.

15. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Il est vrai qu’après avoir lu le commentaire N°14, je n’ai pas beaucoup avancé sur la légitimité d’exécuter un ordre donné par le président de la république ou non. Il est vrai que je n’ai pour toute référence qu’un faible niveau de capacité en droit, c’est dire mon ignorance. Cependant, dans le cas précis qui nous intéresse, la Libye. Le gouvernement se serait-il opposé au président de la république ? Et l’assemblée nationale aurait-elle sanctionnée le gouvernement ? Quelque chose m’aurait donc échappé ? Si ce n’est le cas, c’est donc que le président de la république a pris cette décision avec un certain nombre de conseillers, le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre de la défense, après avoir échangé avec un certain nombre de chef d’Etat, dont Obama..

Quant à Montesquieu, et « De l’esprit des lois », cet écrit sauf erreur remonte à 1758 et se compose de 31 parties en 8 livres, que je n’ai pas lu, par contre Montesquieu vivait avec son époque celle de l’esclavage et si son jugement sur les restes de ses lumières et aussi éclairant que son jugement sur l’esclavage, alors j’ai quelques doutes de sa clairvoyance : Je cite :
« Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s’en servir à défricher tant de terres. Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves. Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de les plaindre. On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir. » Sans commentaire

égéa : le dernier argument, cher RP, me semble un peu faible : ce n'est pas parce que quelqu'un dit des sottises, dues en l'occurrence aux conditions de son temps, que les idées de principe qui justement dépassent les conditions de son temps sont invalidées. Platon aussi avait soutenu l'esclavage, ce qui n'empêche pas le reste de son œuvre. Gardons nous de ce genre d'argument : Nous tous disons sans arrêt des bêtises, au sein desquelles nous produisons, parfois, une pépite. Et surtout, Montesquieu est un des premiers géopolitologue français, et son esprit des lois est plus un livre de géopolitique que de philosophie politique : mais il est vrai, et vous le soulignez, bien peu l'ont lu......

16. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par

Oui EGEA vous avez raison, cet argument est de mauvaise foi et fallacieux, ce pan pan cul cul est salvateur, mais qu'est ce que cela fait du bien: Pas le pan pan cul, la mauvaise foi.. Pour le reste, je constate que vous avez compris le sens de mon propos, c'est donc que ma maladresse voulue est relative et pardonnée?

égéa : je ne sais faire que ça, pardonner : surtout quand il n'y a aucune blessure.

17. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par oodbae

@cadiou. merci pour votre réponse

18. Le dimanche 27 novembre 2011, 21:43 par Nono

" Malheureusement ces notions se trouvent rarement chez les militaires dont l’ignorance juridique est souvent d’une profondeur abyssale "

Pour compléter la réponse d'Yves, je dirai que de manière générale, l'ignorance juridique de nos concitoyens, civils ou militaires, pour ne pas parler de notre classe politique, est complètement médiocre. Mais c'est vrai que ce n'est pas dans le cadre de l'enseignement scolaire qu'on apprendra la moindre chose dans ce domaine.. :-(

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