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Communication, maîtrise et liberté par oobdae

égéa avait publié il y a quatre mois un billet sur la maîtrise de la communication. Yves Cadiou l'avait commenté. Oodbae, un autre commentateur prolifique, lui adresse ce long texte de fond : je ne résiste pas au plaisir de l'ériger en billet, car il suscite un débat qui va bien au-delà des aspects opérationnels où je m'étais placé. Et en plus, c'est un moyen de rendre hommage aux lecteurs qui n'hésitent pas à venir écrire sur égéa. Alors : faut-il maîtriser la communication ? Mais ça veut dire quoi ?

source

O. Kempf

M. Cadiou,

j'ai eu l'occasion de lire plusieurs de vos commentaires desquels émanait une apologie de la liberté d'expression inconditionnelle. J'aimerais rapidement et en toute humilité interpréter cette inconditionnalité de la liberté d'expression comme une liberté d'expression à tout prix, notamment le prix de l'ordre public, donc débouchant sur la révolution continuelle, puisque si la révolution s'arrête, l'ordre public revient, donc la maîtrise de la communication fonctionne.

De fait, ce petit raisonnement repose sur l'idée que la maîtrise de la communication se corrèle avec l'ordre public, dans un sens général. Placons nous, je vous prie, dans un état d'absence de maîtrise de la communication. A moins que vous ne supposiez que toute communication ne serait que spontanée voire dénuée d'arrière-pensée prosélyte, vous convenez que toute communication peut potentiellement être suscitée par quelque intérêt financier, privé, économique, inavouable, et qu'il y a des "flots" de communications qui seraient essentiellement motivés par des intérêts mercantiles voire nuisibles à dessein.

Or, c'est sur la base de toutes ces communications qu'on vote, qu'on élit, qu'on donne son avis dans un sondage, qu'on fait tomber un ministre, qu'on contraint un maire à la démission, bref qu'on ordonne la société publique, dans une société démocratique.

Par conséquent, l'absence de maîtrise de la communication (par l'état, je suppose) signifie la possibilité pour toute puissance économique de financer une campagne médiatique pour poursuivre tout but sans autre contrainte que de s'assurer la neutralisation des avis contraires, chose aisée si ils sont le fruit des réflexions individuelles d'un certain nombre de citoyens particulièrement curieux. Imaginons comme buts par exemple " l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament contre l'obésité", "la pénétration d'un marché national d'automobiles en moyenne gamme", " la lutte contre la pédophilie".

On ne cherchera pas à convaincre toute la nation, juste à se créer un marché local et captif, captif parce que soumis à la communication exhaustive de cet intérêt économique, exhaustif parce que le seul contre-pouvoir serait un autre intérêt économique d'égale puissance. ... la libre concurrence libérale comme garde-fou ... oui mais, l'entente sur les prix...

La communication anarchique mais globale, sans maîtrise par la puissance publique, permet donc au plus fort d'imposer ses vues dans son domaine, dans son périmètre, dans son fief, sur son marché captif, sans autre contrainte que d'alimenter régulièrement la communication par des annonces et des fausses alertes. On en revient à une société ordonnée localement par la loi du plus fort local, comme aux temps médiévaux des vassaux, suzerains, duchés, seigneurs, etc, soit à un abandon de l'ordre public (national). Une société à l'américaine tendance parti républicain.

Est-ce un progrès? une régression? un statu quo? une révolution continuelle?

En tout cas, on a vu avec l'affaire d'Outreau ce que l'absence de maîtrise de la communication produisait. On voit avec BHL ce que l'absence de maîtrise de la communication a produit.

On peut souhaiter, et je le souhaite, que chaque citoyen se forme, s'enrichisse intellectuellement et librement, et tout et tout. Mais tôt ou tard, ces citoyens doivent trouver des points de convergence, parce qu'ils sont citoyens de quelque chose. Or plus ils sont fortement confortés dans leurs certitudes personelles grâce à leur liberté d'information, plus grossiers et simples devront être ces points de convergence, vous en conviendrez je suppose.

Typiquement, en France, le dieu, ou les droits de l'homme, sont des points de convergence non négociables. Le patriotisme, par contre, est généralement honteux.

Plaçons nous à présent dans la situation d'un conflit entre peuples, qui peut être militaire, mais peut aussi être simplement politique avec des enjeux économiques de l'ordre d'un pourcent de PNB. L'absence de maîtrise de l'information permet, d'un coté, à une majorité de citoyens d'apprendre que l'enjeu politique est en fait économique. " on est encore le jouet d'intérêts privés". Veut on soutenir le gouvernement pour préserver l'avantage économique en jeu? Or il n'y a pas de maîtrise de la communication, rappelons-nous en. Peut on croire que la puissance adverse refusera de laisser croire, par le financement d'une campagne de communication, que soutenir l'option A est dans l'intérêt national alors que c'est l'inverse?

On peut essayer de remplacer les termes avec "Turquie", "Renault", "Adhésion à l'UE", "France", " renflouement de Renault", etc. Mais aussi "USA", "Halliburton", "Rumsfeld", "seconde guerre d'irak", "armes de destruction massive cachées", "Irak".

Encore une fois, la non-maîtrise de la communication (par l'état), donc une communication anarchique (du point de vue de la maîtrise par la puissance publique par opposition aux entités privées), est elle un progrès? une régression? Soutiendrait elle un statu quo ou une révolution continuelle?

En enfin, question à la mord-moi-le-noeud, l'état en général et les élus en particulier sont issus d'un système démocratique, ils sont mandatés par le peuple, notamment dans l'exercice de cette maîtrise de la communication, non?

Quoique vous répondiez, ma position est que d'une part cette révolution de l'exercice de la liberté de penser par la disponibilité potentielle de l'humanité à l'écoute de notre petite voix personnelle a débuté dès le milieu des années 90 mais cette révolution n'a ni empêché la guerre du Congo de perdurer, ni permis de vendre plus de Rafale malgré sa supériorité notoire, ni permis de cantonner BHL à la dédicace au salon du livre, ni permis d'imposer la construction de prisons supplémentaires malgré leur insuffisance numérique et surtout leur délabrement, ni permis d'empêcher le remplacement de Napoléon par quelque empire malien au programme d'histoire du collège. Je trouve d'autre part que cette révolution est comparable à la télévision par satellite, à la radio sans fil, et même à l'apparition de la "Gazette", sous Louis XIII si mes souvenirs sont bons et celles-ci n'ont déjà pas rendu l'humanité moins mauvaise ou plus heureuse.

Je trouve enfin que cette liberté d'expression n'améliore en rien la situation de l'humanité en ce qui concerne sa plus importante lacune: la stupidité humaine . Toutes ces révélations qu'on apprend sur Internet ont essentiellement une unique conséquence pour chacun d'entre nous (je m'inclus par humilité): en quoi vais-je croire à présent?

D'où ma question que je répète: progrès, régression, statu quo ou révolution continuelle?

oodbae

Commentaires

1. Le dimanche 15 janvier 2012, 20:06 par yves cadiou

Oodbae a raison. Du moins il a raison à moitié. Raison parce que la liberté totale, dans ce domaine comme dans tous les autres, débouche facilement sur la loi du plus fort, la liberté de la jungle.
Mais je lui donne à moitié raison seulement parce que la solution n’est pas de « maîtriser la comm’ ».

Je ne vois pas bien quel est le problème posé par une « révolution continuelle » ni d'ailleurs ce qu'il faut entendre dans cette expression : nos sociétés progressent depuis toujours par une évolution continuelle et des changements d’organisation. Parfois (rarement et cette rareté en fait des événements remarquables) l’évolution se fait avec brutalité voire avec violence. Ces phases violentes sont généralement appelées « révolution » (ce qui signifie « retournement ») parce que certains fondements de l’organisation périmée sont chamboulés. C’est le cas notamment lorsqu’il y a un retard à s’adapter aux conditions nouvelles.

Dans l’expression « révolution continuelle », on sent comme une crainte. Pourtant il ne faut pas craindre l’évolution des sociétés humaines, que cette évolution soit technique ou sociologique (celle-ci consiste souvent en une cascade de conséquences de celle-là). Dans le cas de la comm’ dont nous parlons ici, c’est bien une évolution technique, internet, qui entraîne une évolution sociologique : la comm’ devient incontrôlable. Cette liberté qui résulte de nouveaux moyens techniques bouscule des situations établies. Comme Olivier Kempf l’a fait remarquer ici, les élections en Europe en 2011 ont partout « sorti les sortants » http://www.egeablog.net/dotclear/in... . Ce peut être dû à de multiples causes, mais la dissémination d’internet, et donc la nouvelle liberté de l’information et de l’expression depuis une petite décennie, y est certainement pour beaucoup.

Cependant le fond ne change pas, du moins chez nous : la liberté d’expression reste le principe, ses excès éventuels sont modérés par la loi de juillet 1881. Il n’y a pas de révolution, il y a seulement une évolution. Certains peuvent s’en inquiéter, les uns honnêtement au regard de l’intérêt général, les autres moins honnêtement au regard de leur intérêt particulier.

Bien entendu si l’Etat s’abstient, par principe de liberté et dans l’intérêt général, de maîtriser l’information, on peut toujours craindre que de puissants intérêts particuliers occupent le créneau à leur profit. C’est ce qui s’est passé avec les « radios-libres » dans les années 80 : elles ont bientôt été rachetées par des groupes de presse.

Faut-il pour autant laisser le monopole de l’information à l’Etat, je ne le crois pas. Certes nous sommes en Démocratie et de ce fait les élus sont nos représentants. Mais c’est aller un peu loin que d’imaginer qu’en leur qualité de représentants ils agissent toujours au mieux : notamment je ne vois pas ce qui donnerait aux élus compétence pour déterminer à ma place, et à votre place, ce que nous devons savoir et penser.

Je crois que, à la fois par principe et par bon sens, il faut compter sur l’aptitude des citoyens à s’informer et à réfléchir. Il est vrai qu’une telle confiance dans le bon sens populaire n’est pas en vogue : c’est ce que signifie l’accusation de « populisme » qu’on lance trop souvent faute d’arguments : http://www.egeablog.net/dotclear/in...

Lorsque l’on veut « maîtriser la comm’ » ça signifie qu’on n’a pas confiance dans ce que la populace raconte sur la place du marché parce que ce pourrait être exploité par les populistes de tout poil pour déstabiliser les gens installés. Un tel raisonnement est plutôt antidémocratique, non ?

De nos jours, grâce à la Toile et au niveau culturel de notre population, niveau que l’on est en droit d’estimer médiocre mais que pour ma part au contraire je trouve excellent, perfectible mais excellent (je ne partage pas l’appréciation d’Oodbae sur « la stupidité humaine »), on est relativement à l’abri des méfaits d’une communication « maîtrisée », qu’elle le soit par des intérêts partisans (en clair : par l’Etat) ou par des intérêts mercantiles ou par les deux ensemble.

Par conséquent Oodbae a raison sur un point, mais un seul : la liberté d’expression ne doit pas être inconditionnelle. De fait elle ne l’est pas, étant cadrée depuis longtemps par la loi de 1881. Pour le reste, il faut faire confiance aux citoyens : ils ont déjà largement prouvé qu’ils ne sont pas des imbéciles. D’autant que les nouvelles technologies de la communication leur donnent accès à de multiples sources, parfois contradictoires et de ce fait complémentaires, qui leur permettent de faire tous les recoupements possibles.

égéa : sur le contrôle des médias : je constate le développement "malsain" aux Etats-Unis des organisations de soutien électoral qui rassemble des "citoyens" et qui ont le droit de faire de la publicité "négative) sur les concurrents :on observe alors une augmentation faramineuse des coûts et de la pub, des processus de contrôle par de puissants groupes et des financements hasardeux;

Sans aller jusque là, on observe en France que tous les grands médias sont contrôlés par des groupes industriels, pas de presse au départ : Bouygue pour TF1, Dassault pour le Fig, Bergé/Niel pour Le Monde, Rothschild pour Libé, sans même parler des Echos, de la Tribune ou de France-Soir.... Bref, certes Internet permet une grande "diffusion" : regardons toutefois les programmes des grands providers (notamment US) pour maîtriser l'accès aux fibres....

2. Le dimanche 15 janvier 2012, 20:06 par

Je me demande si suggérer que la communication est une forme de perversion de la démocratie, ne revient pas à proposer en échange une forme de totalitarisme, comme si l’alpha et l’oméga était justement la maîtrise de toute communication.

Heureusement que celle-ci échappe de temps en temps à ses gourous et parvient à un objectif inverse aux buts recherchés. Combien de communications maîtrisées n’ont eu pour finalité d’échapper à leurs concepteurs en accentuant l’incompréhension des masses ? Pour avoir vécu de l’autre côté du rideau de fer, j’ai quelques souvenirs de la communication qui s’adressait aux masses en RDA et en Pologne. C’était une communication maîtrisée, mais totalement déconnectée des réalités à tel point que les sujets et objets de la communication faisaient semblant d’en accepter les valeurs, en déconnectant encore plus ceux qui étaient censés orienter la pensée et ceux qui étaient censés la recevoir..

La communication depuis toujours n’est pas seulement le fait de transmettre quelque chose à quelqu’un, mais bien le fait d’entraîner ce quelqu’un vers sa propre pensée. Ce qui est vrai d’individu à individu est tout aussi vrai d’une classe dirigeante à une opinion qui ne sait pas à quel point elle peut être manipulée. A moins qu’elle ne soit entretenue volontairement dans l’ignorance.

Ce qui fait la différence entre un système totalitaire et une démocratie, c’est justement le fait que la première essaye de maîtriser sa communication pour déresponsabiliser et fondre les individus dans une masse cohérente et plus facilement malléable ; ce que la seconde essaye de réaliser de manière tout aussi insidieuse avec l’aide de médias souvent complice par défaut. Cependant la démocratie offre une nuance d’importance, celle que tout individu peut sans risques et s’il en a le goût et l’effort rechercher et recouper son information afin de se forger une opinion autant que possible objective.

La difficulté vient souvent du fait que « communicants » et « médias par journalistes interposés» appartiennent souvent au même monde, celui d’une certaine forme de militantisme. Les processus de médiatisation et de circulation d’informations semblent difficilement analysables. L'Etat démocratique tire sa légitimité de l'adhésion du citoyen, mais désormais celui-ci se sent de plus en plus exclu du processus démocratique, ce qui ouvre les portes à toutes les dérives. La faute a une simplification à outrance des faits sociétaux et à une réduction de la politique à une forme communicante..

Dominique WOLTON, dans « Penser la communication », indique que la communication normative serait une communication "de fond", où l'important est la compréhension mutuelle, alors que la communication fonctionnelle est une communication "de la forme", dont le but est l'efficacité du moyen.. Je crains que l’on soit désormais uniquement dans une communication de forme et non de fond. L’issue est de croire en la capacité de critique du citoyen or celle-ci sera de moins en moins réelle, la suppression de l’enseignement de l’histoire est une atteinte à cette capacité puisque sans connaissance du passé, il est de plus en plus difficile de décoder le présent et encore moins d’orienter l’avenir.
Les communicants s’arrogent finalement un pouvoir qu’ils ne maîtrisent que par défaut.

3. Le dimanche 15 janvier 2012, 20:06 par yves cadiou

Les récents assassinats de soldats français en opex, par la traîtrise de gens que nous sommes supposés aider, est malheureusement un phénomène connu depuis longtemps dans la profession. Ce qui est nouveau cette fois, c’est que le grand public en est informé.

Jusqu’à présent par exemple personne en dehors de la profession n’avait prêté attention, ni eu l’opportunité d’en prendre connaissance, à des témoignages comme celui de l’Adjudant Daguzan, 3°RIMa, sur la reprise du poste de Verbanja le 26 mai 1995. Cet assaut a coûté la vie aux Marsouins Jacky Humblot et Marcel Amaru. Voici ce qu’en a écrit l’Adjudant Daguzan : «''Je ne connaissais pas personnellement Humblot mais je connaissais très bien Marcel Amaru. Quelques jours avant, il m'avait confié sa peur, s'étant fait tirer dessus par les bosniaques, côté entrée du poste d'observation, c'est à dire côté des gens que l'on défendait… ''». http://www.troupesdemarine.org/trad...

Cette fois, on est en 2012, les responsables de la comm’ officielle disent d’emblée que le malheur est arrivé par traîtrise. Ainsi le grand public comprend que nos décideurs politiques chargent nos soldats de défendre des gens qui n’approuvent pas notre présence autant que l’on tente de nous le faire croire. Certes la comm’ officielle essaye d’accréditer la thèse d’un Taliban isolé et infiltré mais c’est peu crédible. Il reste que cette fois l’info brute, c’est-à-dire l’assassinat de soldats français en opex par la traîtrise de gens que nous sommes supposés aider, est passée aussitôt par la comm’ officielle. Ce changement d’attitude dans la comm’ officielle résulte de l’impossibilité de maîtriser l’info : il est désormais préférable de ne pas cacher, avant que ça sorte sous une forme scandaleuse par la Toile, l’information gênante qui sortira de toute façon.

Pour ma part, je trouve que c’est un progrès parce qu’en informant les citoyens on met les décideurs en face de leurs responsabilités, non seulement les décideurs de l’Exécutif mais aussi les élus du Législatif qui s’abstiennent de censurer l’Exécutif quand ils le devraient. Du fait que les citoyens ne sont pas des imbéciles et sont dépositaires de la Souveraineté nationale (la Démocratie s’appuie sur ce double postulat), l’information foisonnante permet le jeu normal de la Démocratie.

4. Le dimanche 15 janvier 2012, 20:06 par oodbae

Bonsoir,

Tout d'abord, Je remercie M. Kempf pour la publication de ce commentaire, même si la première page était trop d'honneur. Je remercie autant M. Cadiou et Pietrini de m'avoir répondu car cela m'a fait avancer dans cette réflexion.

Pour vous répondre, je dois commencer par évoquer la fameuse loi de 1881. D'après ma recherche sur le site Legifrance, il s'agit d'une loi régulant la liberté de la presse (http://www.legifrance.gouv.fr/affic... ), et non d'une loi régulant la liberté d'expression. Il y a là une nuance que les journalistes taisent, il est vrai, par narcissisme et suffisance, qui est cependant importante dans le débat qui nous préoccupe puisque nous discutons de la communication avec les citoyens, parmi lesquels les journalistes ne constituent qu'un groupuscule. Pourriez vous m'indiquer une loi de 1881 concernant la liberté d'expression, s'il vous plaît, si elle existe.

De plus, je dois préciser que je ne suis pas binaire. Je n'oppose pas une société libre et démocratique, non ces deux mots ne sont pas synonymes, à une société heureuse et totalitaire. J'apprécie à ce sujet votre commentaire, M Pietrini, à propos de la société totalitaire.

Il s'agit d'un débat quasi-infini, ou infinissable, et en ce qui me concerne c'est au moins la cinquième fois que je re-rédige ma réponse. Je dois avouer que ma motivation initiale était: "la dérégulation de la communication par souci démocratique, pour la liberté d'expression, par respect pour nos morts, etc, etc. d'accord. D'accord! D'accord! Mais pour quoi faire? " Et je n'ai toujours pas de réponse, aussi fais-je court.

Orson Wells a dit, et à elle seule, cette citation suffit à résumer mon avis, car elle ne dépend pas du régime politique: "les hommes veulent tout savoir, sauf ce qu'il est vraiment important de savoir".

Pour le reste, concernant le problème de la communication et de sa maîtrise dans le cadre des affaires militaires, je n'ai pas grand chose à ajouter à vos commentaires et au billet "http://www.egeablog.net/dotclear/in...".

Cordialement,

oodbae

5. Le dimanche 15 janvier 2012, 20:06 par yves cadiou

La loi sur la liberté d’expression que vous cherchez est celle de 1881 intitulée de façon erronée « loi sur la liberté de la presse. » En dépit de son titre, cette loi ne vise pas particulièrement la presse parce qu’alors elle serait discriminatoire. Certes les trois premiers chapitres de la loi régissent l’imprimerie et les entreprises de presse qui sont assujetties à quelques contraintes techniques : déclaration, dépôt à la bibliothèque nationale (autrefois bibliothèque du Roi, l’obligation de dépôt est la reprise d’une règle instaurée par François 1er en 1537). Mais dès le chapitre IV la loi de 1881 précise qu’elle ne s’applique pas spécifiquement à la presse, parlant en ces termes « des crimes et délits commis par la voie de la presse ou PAR TOUT AUTRE MOYEN DE PUBLICATION. »

Cette loi a survécu, avec des modifications, aux évolutions de la société : en 1881, bien peu de Français savaient lire mais la situation a changé avec l’école obligatoire. Puis sont apparues successivement la TSF, la censure pour cause de guerre, en 1946 la loi sur les publications pour la jeunesse, puis la télévision, la MF et les radios dites « libres », aujourd’hui la Toile.

En 1881, la notion de discrimination n’avait pas l’importance qu’elle a prise de nos jours, mais il existait depuis un siècle le principe « tous les hommes naissent libres et égaux en droit » : de ce fait il n’était pas acceptable de faire une loi qui aurait restreint la liberté d’une catégorie de population particulière. Les moyens de publication visés sont aussi les affiches et même les calicots dans les manifestations, supports où vous ne verrez jamais (du moins je l’espère) des formules diffamatoires ou injurieuses.

Le titre erroné « loi sur la liberté de la presse » est à comprendre dans le sens « loi sur la liberté d’expression. » Cette erreur d’intitulé n’a pas d’importance car le titre n’a pas valeur normative : ce qui compte est le texte lui-même. Cette loi n’est pas la seule dont le titre est erroné et il y a pire : par exemple la « loi contre le racisme et l’antisémitisme » qui, par ce titre, semble suggérer que l’antisémitisme n’est pas un racisme. La loi sur la liberté d’expression que vous cherchez, c’est la loi du 29 juillet 1881 dont nous connaissons tous au moins l’intitulé : elle s’applique à tout moyen de publication et surtout à toute personne assujettie aux lois françaises, sans discrimination.

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