Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Les éboueurs spatiaux

L'autre soir, soirée de lancement des deux derniers opus de Participation et progrès, l'association de pensée stratégique où il faut bon se retrouver pour discuter (quoi, vous n'en êtes pas encore membres?). Les deux ouvrages étaient "Défense et espace", et Logistique, fonction opérationnelle oubliée. Et lors de la conversation qui s'est ensuivi, le thème des éboueurs spatiaux a émergé : d'une certaine façon, il faisait le lien entre les deux bouquins du jour Mais il y a là dessous (ou plutôt, vu l'altitude, là-dessus), des conséquences stratégiques d'importance.

1/ Partons tout d'abord d'une réalité, bien montrée par Jean-Luc Lefèbvre dans son ouvrage (Stratégie spatiale) : si on nettoie, c'est tout d'abord que notre espace, notamment dans ses orbites utiles, est pollué de tout un tas de débris. Si les minuscules ne posent pas de problèmes, il n'en est pas de même des plus gros.

2/ Il y a tout d'abord une raison économique : afin de contrer les risques d'accident, et donc de baisser les coûts d'assurance, il est plus simple de faire baisser le risque d'occurrence que d'augmenter la probabilité des dégâts. Il y a là un calcul coût-bénéfice qui correspond à un calcul du risque standard (risque ? tiens, ça me rappelle ce billet : on ne parle pas de la même chose).

3/ Toutefois, ne nous leurrons pas : si on envoie des véhicules manœuvrants dans l'espace, leur usage peut être dual. Positif, en ôtant les débris. Mais négatif, car il peut laisser la place à une double stratégie.

4/ La première consiste à constater : si on peut ôter les débris de l'espace, il est donc moins gênant d'occasionner des débris. Souvenez-vous, une des principales critiques (surjouées, soyons bien d'accord) contre l'essai de destruction d'un satellite par les Chinois il y a quelques années avait été : ils sont irresponsables, ils multiplient les débris. Si vous nettoyez les débris, du coup vous pouvez en faire, c'est moins grave. Autrement dit, cela ouvre la porte à d'éventuelles destructions. A partir du sol. Ou d'ailleurs.

5/ La deuxième consiste à dire que si vous avez un véhicule plus ou moins automatisé dans telle ou telle orbite, il peut non seulement ramasser des débris, mais aussi heurter "par mégarde" un satellite en parfait état de marche. Supposons par exemple que ledit véhicule aille taper (oh! flûte! oh ben je l'ai pas fait exprès! désolé, hein ?) tel satellite d'observation, tel élément d'une ceinture de géo-stationnement, tel relais de transmission vers tel dispositif de transmission vers des SNLE, tel radar d'alerte avancée installé là-haut.... Il ne s'agit pas d'armes, bien sûr. Mais l'arme est-elle forcément un "armement" fabriqué pour ça? ou l'arme réside-t-elle dans l'intention maligne ? les Boeing qui se sont précipités sur le WTC n'étaient pas des armes, au départ.....

Voici quelques idées qui vont avec ce beau projet "civil" de véhicule éboueur spatial. Encore une fois, de basses questions logistiques peuvent avoir des conséquences stratégiques fort importantes...

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 29 février 2012, 22:04 par

Les Suisses nous menacent et prennent les devants : http://www.swissinfo.ch/fre/science...

"Avant que l’espace ne devienne une poubelle, les agences spatiales doivent ramasser les débris flottant au-dessus de nos têtes. L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) présente CleanSpace One, un petit satellite qui pourrait être le premier à s’atteler à la tâche."

Ajoutons également que les débris freinent peut être à l'accès à l'espace pour d'autres nations. Je m'explique : pour accéder à l'espace, il faut un lanceur qui décolle tant de charges utiles. La charge doit pouvoir résister aux conditions du milieu, donc à des impacts avec des débris. Qui dit protection, dit poids. Qui dit poids, dit gros lanceur, dit gros coût. Un "espace propre", c'est peut être un avantage pour les nouveaux venus qui auront à moins investir dans la protection de l'objet spatial. Par contre, l'espace tel qu'on le connaît, ce sont des investissements supplémentaires, comme les moyens de surveillance de l'espace ?

égéa : bien vu. Qu'en disent les spécialistes ?

2. Le mercredi 29 février 2012, 22:04 par Midship

heureusement : point besoin de satellites pour assurer la communication vers les SNLE. C'est bien fait quand même, non ?

égéa : attention à ne pas dévoiler des secrets de défense nationale.

3. Le mercredi 29 février 2012, 22:04 par

Je note simplement que l’espace propre n’est pas pour demain. Plus intéressant me paraît être le fait que du point de vue des pays émergents (les « nouveaux venus ») la responsabilité des débris repose historiquement sur les épaules des puissances spatiales installées, Américains et Russes notamment. Concernant les débris, il faut en effet s’intéresser autant au nombre qu’à la masse. J’en traitais justement ce matin http://terrealalune.blogspot.com/20... avant de voir le commentaire ici. Un peu à l’image des débats qui secouent les négociations climatiques, les mesures actuelles de limitation des débris (prévoir que les étages des fusées retombent sur Terre et que les satellites devenus inutiles soient désorbités) peuvent être interprétées comme une tentative d’encadrer le développement spatial des nouveaux entrants. Mais je ne prétends pas être un spécialiste de la question spécifique des débris...

égéa : tu es juste un spécialiste des questions spatiales... Au début, on est spécialiste d'un tout petit segment, et à la fin, à force d'être interrogé sur les à-côtés, on devient un spécialiste bien plus étendu. Quant à moi, je ne suis pas spécialiste des débris (spatiaux, aériens ou terrestres, d'ailleurs). Je précise (en réponse à ton post) que j'ai compris que les petits débris paraissaient "moins" dangereux, ce qui ne veut pas dire qu'ils ne le sont pas. En voiture, quand on rencontre un hérisson ou un élan, ça n'a pas le même effet. Mais le hérisson, dans certaines circonstances, ça peut être très ...erdant.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1338

Fil des commentaires de ce billet