Olivier Kempf nous livre ici un ouvrage impressionnant sur l’Organisation du traité de l’atlantique nord (OTAN), son histoire et ses évolutions récentes. Tout y est ou presque : la création de l’Alliance atlantique puis de l’organisation militaire lu correspondant, son rôle de dissuasion pendant la guerre froide, l’adaptation à un nouvel environnement suite à la disparition de l’Union soviétique, avec l’évolution des structures, les politiques nationales, les élargissements successifs ou la lutte contre le terrorisme. A travers une approche systématique et méticuleuse, l’auteur nous décrit les méandres et les ressorts de l’Organisation, dépeignant au fil de l’ouvrage une institution en profonde transformation, qui oscille entre des difficultés structurelles à s’adapter aux nouveaux enjeux de sécurité et une certaine forme de flexibilité.

D’un côté, l’Alliance nous est présentée comme suffisamment souple pour absorber les chocs systémiques auxquels elle est confrontée depuis 20 ans. « Tout a changé », nous dit l’auteur : l’ennemi, l’allié majeur, les alliés européens et donc l’Organisation elle-même, passée d’une alliance de dissuasion à une alliance d’emploi, d’une alliance géographiquement localisée à une alliance générale et globale courant le risque de se voir se diluer ses missions. D’un autre côté, l’adaptation est rendue difficile pour des raisons d’ordre politique et structurel. Face au terrorisme par exemple, après ce que l’auteur appelle « la longue indifférence » de l’OTAN face à une « menace diffuse », les événements du 11 septembre 2001 révèlent une « alliance gênée » qui a du mal à démontrer sa valeur ajoutée par rapport aux États, au-delà d’une approche rhétorique sur la coopération et l’adaptation institutionnelle. De même, bien que l’OTAN prenne conscience de nouveaux défis tels que la sécurité énergétique ou a nécessité d’approcher une approche globale de la gestion de crise, elle reste contrainte par une vision étroite, essentiellement articulée autour de l’action militaire.

C’est le cas en Afghanistan où, quoi qu’en dise le discours officiel, l’Alliance peine à dépasser le cadre de l’action armée au profit d’une gestion politique, dans un conflit aux ramifications régionales et dont l’issue ne peut être de nature militaire. L’action de l’OTAN en Afghanistan est regrettablement négligée dans cet ouvrage par ailleurs exhaustif. L’auteur ne lui consacre que quelques pages, alors que de nombreux dilemmes propres à l’Alliance sont justement révélés à travers son implication dans le conflit afghan. De l’issue de ce dernier dépend en partie le rôle de l’OTAN au XXIème siècle, tel qu’apprécié par les États-Unis, mais aussi par les Européens et le secrétariat lui-même. Si, pour beaucoup de protagonistes, Afghanistan représente un type d’activités que l’OTAN ne devrait pas mener, quelles leçon sen tirer pour l’Organisation et son cœur de métier dans le siècle présent ? face à ces questions, l’approche d’Olivier Kempf reste descriptive et conclut sur quelques scénarios d’évolution de l’organisation, largement dépendants de la politique américaine et du rôle concomitant de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité. Est alors mise en exergue une incertitude fondamentale quant à l’avenir de l’Alliance, celle-ci devant cependant rester, selon l’auteur, le « lieu d’expression d’un certain Occident ».

Dans un style que certains jugeront pédagogique et d’autres un peu familier, O. Kempf nous offre ici un livre de référence sur un sujet qui, en France, reste trop souvent borné à l’angle étroit de la relation France/OTAN.

Thierry Tardy.