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Méthode

J'entends ce soir à la télé un expert comptable qui explique, à propos du dialogue avec un chef d'entreprise : "il faut qu'on justifie les hypothèses de croissance de l'entreprise qu'on a échafaudées dans le business plan".

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Je reste un peu interdit par cette affirmation

Comment "justifier" des hypothèses ? C'est au fond tout le mécanisme de prise de décision qui réside dans ces deux mots, "justifier" et "hypothèse". Car d'où vient la croissance ? Soit d'une augmentation de la demande (augmentation démographique ou augmentation du pouvoir d'achat), soit de l'innovation (nouveau produit). La première peut se calculer, mais pas la seconde. Car comment calculer le succès d'un nouveau produit ? surtout si ce produit doit justement créer son marché ?

C'est au fond la question de la méthode qui est ainsi posée : peut-on encore et toujours prolonger des courbes, des tendances ? je sais bien que c'est "scientifiquement" sérieux. D'ailleurs, toutes les sciences sociales justifient leur scientificité par l'utilisation de ces "méthodes statistiques". Et la première d'entre elle, l'économie. Avez vous remarqué à quel point cette science économique est aujourd'hui discrète ? justement parce que le grand paradigme qui la fonde (la perfection des marchés et son équivalent, l'équilibre général) est évidemment infondé et inadapté à ce qui se déroule aujourd’hui. Il ne permet plus d'expliquer l'économie actuelle.

Ce qui est inexact au plan macro l'est aussi au plan micro et pourtant, nous continuons d'utiliser des règles prudentielles "comme avant". Cette erreur tient probablement à la méthode. Au temps de la décision. Car la longueur des séries s'oppose à l'accélération du rythme de la décision. Au fond, pour prévoir l'avenir, il ne faut plus prolonger les tendances, mais anticiper. Et risquer. La prudnece est passéiste. Au lieu de préserver l'avenir, elle le tue.

Une petite citation, entendue ce matin de la bouche de Jean-Paul Delevoye, qui est décidément une personnalité attachante et respectable (voir ce billet) : "S'il est essentiel de s'occuper des urgences, il est urgent de s'occuper de l'essentiel".

O. Kempf

NB : Ces propos n'engagent que moi et aucune des organisations pour lesquelles je travaille.

Commentaires

1. Le lundi 26 mars 2012, 22:17 par

Je ne peux pas être d'accord avec vous sur le fait que la perfection du marché serait le fondement de la science économique.
Déjà, il y a plusieurs écoles économiques qui s'y opposent formellement (école marxiste entre autres, qui n'est pas morte) mais même le plus connu des théoriciens du libéralisme, A. Smith, réfute l'idée d'une perfection du marché et parle des limites que doit poser l'Etat au marché et à sa main invisible.

De plus, les sciences sociales (mais aussi historiques, donc en gros les sciences humaines) ne justifient pas leurs scientificité par les statitiques mais par la méthode heuristique/hermémeutique/critique, qui est à la base identique à celle des sciences inhumaines. Les chiffres c'est bien (et impossible à éviter en histoire économique) mais avec la bonne question et des données fiables, c'est bien mieux (et puis les scientifiques durs aiment à oublier la place de l'homme dans leurs recherches et que eux non plus ne sont pas exempts de théories concurrentes sur le front de la recherche, comme si toute découverte était forcément vérité ultime).

2. Le lundi 26 mars 2012, 22:17 par BQ

Merci tout d'abord pour les réflexions que vous nous proposez ici.

Il est en effet étonnant que, depuis un certain temps déjà concernant les marchés financiers, les travaux académiques produits relèvent principalement d'une science "molle", la finance comportementale, et non plus d'une science "dure", modélisations mathématiques explicatives de l'efficience desdits Marchés.

BQ

3. Le lundi 26 mars 2012, 22:17 par Midship

j'aime, et il faut qu'elle soit répétée, la partie principale de l'article : l'économie se fonde sur des postulats intenables et jamais établis. Pour avoir pendant fort longtemps usé mon postérieur sur les bancs d'écoles d'économie, je puis dire pourtant que les professeurs usent de beaucoup d'énergie pour faire retenir ces postulats (atomicité, homogénéité, transparence, liberté de circulation, d'entrée et de sortie) sans jamais ne s'aventurer à démontrer la validité d'un seul de ces critères (d'ailleurs indémontrable). L'exemple de la bourse, longtemps cité comme l'exemple parfait de concurrence pure et parfaite (sur quoi repose toute notre analyse économique - exemple encore cité sérieusement durant ma formation) est probablement la preuve la plus flagrante de l'absence des critères : on ne peut pas y entrer comme on veut, l'information est contrôlée par des autorités et circule via un nombre faible d'acteurs surpuissants.

égéa : la bourse, lieu de toutes les rumeurs... voir post suivant ! L'information 'y est pas pure et parfaite.

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