Méthode

J'entends ce soir à la télé un expert comptable qui explique, à propos du dialogue avec un chef d'entreprise : "il faut qu'on justifie les hypothèses de croissance de l'entreprise qu'on a échafaudées dans le business plan".

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Je reste un peu interdit par cette affirmation

Comment "justifier" des hypothèses ? C'est au fond tout le mécanisme de prise de décision qui réside dans ces deux mots, "justifier" et "hypothèse". Car d'où vient la croissance ? Soit d'une augmentation de la demande (augmentation démographique ou augmentation du pouvoir d'achat), soit de l'innovation (nouveau produit). La première peut se calculer, mais pas la seconde. Car comment calculer le succès d'un nouveau produit ? surtout si ce produit doit justement créer son marché ?

C'est au fond la question de la méthode qui est ainsi posée : peut-on encore et toujours prolonger des courbes, des tendances ? je sais bien que c'est "scientifiquement" sérieux. D'ailleurs, toutes les sciences sociales justifient leur scientificité par l'utilisation de ces "méthodes statistiques". Et la première d'entre elle, l'économie. Avez vous remarqué à quel point cette science économique est aujourd'hui discrète ? justement parce que le grand paradigme qui la fonde (la perfection des marchés et son équivalent, l'équilibre général) est évidemment infondé et inadapté à ce qui se déroule aujourd’hui. Il ne permet plus d'expliquer l'économie actuelle.

Ce qui est inexact au plan macro l'est aussi au plan micro et pourtant, nous continuons d'utiliser des règles prudentielles "comme avant". Cette erreur tient probablement à la méthode. Au temps de la décision. Car la longueur des séries s'oppose à l'accélération du rythme de la décision. Au fond, pour prévoir l'avenir, il ne faut plus prolonger les tendances, mais anticiper. Et risquer. La prudnece est passéiste. Au lieu de préserver l'avenir, elle le tue.

Une petite citation, entendue ce matin de la bouche de Jean-Paul Delevoye, qui est décidément une personnalité attachante et respectable (voir ce billet) : "S'il est essentiel de s'occuper des urgences, il est urgent de s'occuper de l'essentiel".

O. Kempf

NB : Ces propos n'engagent que moi et aucune des organisations pour lesquelles je travaille.

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