Sommet de Chicago Analyse 1

Le sommet de l’Alliance à Chicago est terminé et voici donc venu le temps des analyses et des bilans. Comme à son habitude,égéa attend le temps de latence pour maturer la réflexion : à la différence de la plupart des journalistes qui s'intéressent au sujet tous les dix-huit mois, regardent ça vite fait la semaine précédente et sont obligés de sortir un papier lors des deux jours du sommet pour expliquer "ce qui s'est passé" à leurs lecteurs, avant de foncer à autre chose, sommet européen, crise grecque, manifestations québécoises, ...

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Et comme tous les dix-huit mois, on a droit aux deux mêmes éternelles conclusions : "Le sommet n'a pas réellement répondu à la question du rôle de l'Otan" et "les résultats ont été bien minces". Or, il convient, particulièrement pour ce sommet-là, de comprendre à quoi servent en général les sommets, et pourquoi celui-ci s'est déroulé dans une configuration très précise qui explique la platitude apparente de ses résultats.

1/ Avec l'après-guerre froide, les sommets se sont ritualisés pour intervenir tous les dix-huit mois : grâce d'une part à la facilité des transports, mais aussi pour deux objectifs précis :

  • permettre la rencontre en direct des exécutifs pour discuter des problèmes importants, afin de trancher régulièrement des dossiers qui s’enlisaient dans les arcanes diplomatiques des états-majors et des chancelleries.
  • Accessoirement, il y a un effet de "diplomatie publique" pour tenir compte du nouvel environnement médiatique : montrer aux opinions publiques que l'Alliance existe et qu'elle démontre sa cohésion. Les réunions de familles, ça sert aussi (surtout) à faire des photos.

2/ Dès lors, les sommets sont des machines bien huilées, "pré-parées" : on y tranche relativement peu de choses car les négociations ont lieu en amont : la date est un moyen d'inciter les uns et les autres à transiger. Normalement, cela suffit, sauf exception : Dissensions sur une éventuelle Opération Otan en Irak (sommet d'Istanbul, 2004) ou veto grec à l'admission de la Macédoine (Bucarest, 2007).

3/ Cette année toutefois, le sommet était placé dans une triple configuration :

  • d'une part, il faisait suite à un précédent sommet qui avait été important, puisque les Alliés avaient décidé à Lisbonne un nouveau concept stratégique, la défense anti-missile balistique (DAMB) et la réforme de structure. Par construction, le sommet suivant devait être un sommet de digestion. Certes, entre temps, le monde a connu les révoltes arabes, l’opération en Libye et la crise financière. Il n'en a pas trop été question à Chicago.
  • la campagne présidentielle française, où le seul sujet de défense et de politique étrangère a été la question du retrait des troupes d'Afghanistan, d'autant que la campagne électorale n'a cessé de faire remarquer que le premier rendez-vous diplomatique du président élu serait à Chicago. Par curiosité mécanique, des gens qui se désintéressent en temps normal de l'Alliance se sont intéressés à ce sommet, ce qui a augmenté la couverture médiatique.
  • la campagne électorale américaine, encore en cours. Chicago est la ville d'origine du président Obama, en lice pour un second mandat. Celui-ci devait donc être une réussite, y compris médiatique. Avec là encore l'attention des médias, américains cette fois.

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4/ Cela justifie un battage médiatique beaucoup plus fort que d'habitude, qui tenait surtout aux circonstances plus qu'au résultat proprement dit du sommet. Le contraste entre le tintamarre et la déclaration proprement dite est d'autant plus saisissant, et explique la déception d'un certain nombre de commentaires, sur l'air de "tout ça pour ça?".

5/ Ajoutez que les deux "héros" du jour, F. Hollande et B. Obama, ne pouvaient se permettre le moindre impair : le premier en confirmant ses engagements de campagne, et notamment celui touchant au "retrait des troupes combattantes avant 2012" ; le second en aboutissant à un résultat déminé, où tout défaut était rigoureusement banni pour éviter qu'il soit transformé en argument de campagne par l'équipe de Mitt Romney. D’ailleurs, si j'en crois ce que j'entends, la campagne américaine est vite passée à autre chose.

Toutes ces raisons expliquent le contraste entre une déclaration assez lisse et le show assez brillant. Toutefois, le sommet n'est pas aussi insignifiant qu'il y paraît, car il emporte quelques options qui ne sont pas négligeables, même s'il faut les lire entre les lignes, ainsi que le suggère excellemment Vivien Pertusot. J'y reviendrai dans de prochains billets.

(à suivre) NB : Ce billet n'engage que son auteur et en aucune façon l'une quelconque des institutions pour lesquelles il travaille.

O. Kempf

Autres billets : 2, 3 et 4

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