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Jeu politique : foot, vélo, etc

Chacun connaît la théorie de Pascal Boniface : le sport est désormais l'expression de la géopolitique (oui, je sais, je simplifie...). Bref, un jeu-politique. Dans ma grande série des jeupolitiques (voir ici, ici et ici), et alors que je regarde un match très agréable entre l'Italie et l'Espagne, amusons nous à voir si ce n'est pas un peu le contraire ???

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1/ Bien sûr, la controverse fait rage à la suite du parcours décevant de l'équipe de France. Et on a entendu les habituelles remarques (ils mouillent pas le maillot, ils sont gâtés, ils jouent perso, ... pour ne mentionner que les plus avouables). Bon, d'abord, vae victis. On n'en cause réellement que parce qu'ils ont perdu. Ce qui montre bien, au passage, à quel point le Français a évolué et a abandonné le mythe de Coubertin : l'important n'est pas de participer (enfin, pas seulement), mais de gagner. Nous voici assez loin de l'image de panache que nous aimions à porter traditionnellement.

2/ Constatons surtout que nous partageons tous une illusion : celle que l'équipe nationale porte réellement les couleurs. C'est un peu ce qu'explique D. Cohn-Bendit, dans un entretien samedi, revenant sur les injures de Nasri. Où l'on s'aperçoit que tous ces joueurs, même ceux qui sont sur le terrain ce soir, sont devenus des transfuges, des mercenaires. Le foot, devenu spectacle, est surtout devenu une machine à cash. On n'a pas une équipe nationale, mais un groupe de mercenaires.

3/ Je sais, ce constat est d'une platitude.... Au moins aussi plate que la qualité du jeu qu'on nous prodigue régulièrement. En fait, le sport est devenu une sciences exacte. L'Espagne gagne l'Euro, comme prévu, et c'est soit un club espagnol soit un club anglais qui gagne la coupe d'Europe. Quel intérêt ? Car désormais, qui se reconnaît dans le football ? Voici un sport collectif qui n'est plus collectif, et le patriotisme qu'il récupère de temps à autre n'est pas le fait des joueurs, mais des supporteurs. Au fond, la seule "émotion" est celle des spectateurs. Et encore, ils n'ont plus comme carburant "la glorieuse incertitude du sport"...

4/ Croyez vous vraiment que pour nos sociétés avancées, le sport demeure le support de notre patriotisme, ou de notre identité collective ? J'en doute. Oui, c'est vrai de temps à autre, quand par exemple la jeune Croatie indépendante parvient à la demi-finale de la coupe du monde de football, ou quand la France gagne (la même année) cette coupe du monde pour la première fois de son histoire. Mais pour le reste... Littérature ! Tout ça n'est que de la littérature, mise en scène par des faiseurs d'argent relayés par des médias consentants ... En fait, on "supporte" un peu par hasard, car il faut bien supporter pour s'intéresser au jeu, ce jeu devenu si plat.

5/ C'est d'ailleurs ce constat qui explique l'autre "grand moment sportif du jour", le départ du Tour de France. Qui n'a rien de géopolitique, en apparence. Cela fait longtemps qu'on n'a plus d'équipes nationales. Cela fait longtemps que le "public" ne croit plus un seul instant à ces champions, qu'il sait dopés, archi-dopés : comment voulez vous qu'ils puissent tenir le rythme infernal avec les trois étapes pyrénéennes et les trois alpines, selon un scénario éprouvé (on commence par dix jours de plat puis l'année paire, je commence par les Alpes et l’année impaire par les Pyrénées pour terminer par un "contre la montre qui peut tout changer"). Je dis ça, même si l'an dernier, l’échappée un peu folle d'Andy Schleck vers le Galibier a été sensationnelle, car non conforme au scénario.

6/ Pourquoi regarder encore le Tour de France, alors ? pour le stade. C'est-à-dire pour ce parcours touristique qui nous fait chaque année baguenauder dans les "riantes régions françaises", ce que les caméras de télévision ont bien compris : on a de plus en plus d'images des paysages, des encarts sur telle forteresse et son histoire, etc. Bref, une belle machine à rêver, une évasion gratuite, un avant-goût ed vacances, un dépaysement pas trop dépaysant, et pour le coup, quelque chose d'authentiquement populaire. On se sent chez soi, entre soi.

7/ Quant aux forçats de la route, on se le tient pour dit : oui, des forçats qui se crèvent la paillasse et qu'il faut respecter pour cela, car ce sont effectivement des performances sportives, même si elle sont suralimentées.

8/ Le foot, comme le vélo (et malheureusement, désormais le rugby) est à l'image de notre économie : dopé au fric et aux produits élaborés par des scientifiques que personne ne comprend, mais qui assurent que tout va bien et que tout est sous contrôle. Mais en tout cas, ça n'a rien de géopolitique.

J’entends le commentateur évoquer la victoire de l'Espagne : "Une performance énorme... etc". Énorme, mais falsifiée. Je ne crois plus aux performances. Il y a aujourd'hui tellement de créances dévaluées..... M'enfin, je suis persuadé que l'an prochain, vous allez adorer le PSG, l'équipe de Qatar-sur-Seine.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 1 juillet 2012, 21:09 par

Bonjour,

Très modestement mon écot sur la question, notamment sur ce sport que j'observe attentivement à défaut de l'avoir pratiqué assidument : le football.

Pour ébaucher une solution à ces maux, il faut tourner nos regards vers... l'Amérique! Et plus précisément vers le championnat Nord-Américain : la Major League Soccer. Aucunement médiatisé en France, il a pourtant bénéficié de mécanismes aboutis et attire de temps à autres des joueurs rompus aux championnats étrangers de haut niveau (comme David Beckham, Bernardo Corradi ou encore des Français comme Eric Hassli et Thierry Henry). Seulement comment éviter l'inflation et les dérives? C'est à ce titre que la MLS est passionnante car elle est le fruit d'un fiasco financier : la North American Soccer League qui était tombée dans la démesure, et dont le New York Cosmos étant emblématique avec son panel de stars payés rubis sur l'ongle. Elle s'effondra sur elle même en 1984 avant de voir la MLS émerger de nombreuses années plus tard, en 1993.

La solution trouvée? Sur plusieurs plans : tout d'abord les clubs ne sont pas surpuissants puisque les droits sont transférés à un Leviathan qui est la ligue. Exit les ego et les clubs qui dominent outrageusement pendant des années tous les autres. Ensuite, le "salary cap", où masse salariale plafonnée en bon françois. Mine de rien, ça fait un peu nouvelle Sparte mais force est de reconnaître que les clubs ne risquent de la sorte pas de céder à des achats compulsifs et hors de contrôle. Cela oblige aussi certains clubs à lâcher des joueurs et à en recruter d'autres plus jeunes (le "salary cap" diffère pour la classe d'âge), et les former. Mais cela empêche aussi la concentration de grands joueurs au sein d'une même équipe (avec néanmoins l'exception du "Designated Player Rule" qui autorise la venue de trois grands noms par équipe), ce qui déséquilibrerait le championnat. Enfin, le système de draft favorise directement les équipes qui sont arrivés en dernière position : une forme de "checks and balances" sauce sportive qui est bien pensée somme toute que l'on pourrait désigner ainsi "les derniers seront les premiers". Pour être plus clair, les clubs promus ont une priorité sur tous les autres clubs sur le marché des transferts, suivis par les derniers du championnat et ainsi de suite. Il y a encore quelques subtilités mais il faut juste ajouter qu'il y a un lien encore plus fort entre les universités (les centres de formation locaux) et les clubs professionnels. Ce qui est tout sauf négligeable pour bénéficier d'une équipe nationale formée sur place et non uniquement de mercenaires.

En cette veille du 4 juillet, pourquoi effectivement ne pas regarder vers l'autre rivage Atlantique?

Cordialement

égéa : bien vu, et merci pour ce commentaire : je croyais que le billet susciterait plus de débat. Mais c'est devenu d'un commun, de dire du mal du foot et du vélo.... Lecteur d'égéa = bobo ?

2. Le dimanche 1 juillet 2012, 21:09 par panou

Ce ne sera pas du bobo mais du beauf populiste même si dans populisme il y a peuple:
D'abord le foot dont je suis un fan ayant même poussé la passion à en être éducateur et surtout arbitre.
Un peu de football géopolitique:beaucoup ignorent qu'on pourrait retrouver en finale au Brésil Tahiti et la Nouvelle Calédonie qui disputent actuellement les éliminatoires du groupe Océanie.Inutile de donner la côte chez les bookmakers.Vous me direz qu'il y a bien Pays de Galles,Ecosse,Iles Féroe......Identités des territoires?On comprend qu'à la Moncloa on se réjouisse de la victoire de la Roja alors que Catalogne et Pays basque voudraient avoir leurs propres équipes ''nationales''.Ces équipes existent officieusement et rencontrent parfois une équipe régionaliste française...la Bretagne(clin d'oeil à Cadiou).A noter que dans l'équipe du Pays basque joue un footballeur français Patxi Sirieys de Touluose FC.
On peut même parler de sélection racialiste pour les basques avec l'Athletic Bilbao dont tous les joueurs doivent avoir du sang basque à défaut du patronyme.Idem pour l'équipe cycliste Euskadi qui emploie des basques de nationalité vénézulienne et française(le jeune espoir Sicard).A contrario ce tribalisme n'est souvent dépassé en Afrique que grâce au football:neutralité affirmée des Eléphants ivoiriens lors de la guerre civile et plus récemment condamnation de la sécession par les sélectionnés maliens entraînés par Alain Giresse.
Dans le même tonneau on peut considérer que les problémes d'appartenance sont exacerbés dans le football.Ainsi l'inéducation de Nasri fait la une d'une publication d'extême droite.Un malaise naît en RFA parce que les titulaires d'origine turque,tunisienne et polonaise amoindrissent la rigueur et la combativité de la sélection...et ne chantent pas l'hymne national.Heureux espagnols qui n'ont pas de paroles sur leur hymne.A noter la solidarité des joueurs italiens pour tempérer les foucades de Balotelli d'origine ghanéenne.On peut aussi ajouter à ces problémes le mécontentement des joueurs du championnat algérien qui protestent contre la sélection de bi-nationaux qui ne parlent pas l'arabe.L'échec cuisant en Afrique du Sud leur serait dû.Et pourtant ils ne faisaient pas jouer Nasri qui a choisi le pays où il est né.
Pour racheter tout celà il y a eu au championnat d'Europe les chants des supporters irlandais qui augmentent en tonalité au rythme des buts pris par leur équipe...qui va les remercier en fin de match.Il y a eu l'orgeuil suédois qui n'a rien a gagné dans son dernier match sauf à sauver l'honneur et à enfoncer nos coquelets.
Quant au cyclisme ce sport de forçats qui ne s'arrêtent pas quand il y a l'orage,qui déjeunent sur leurs vélos,qui souvent couchent dans des hôtels dont ne voudraient pas un tennisman classé 200eme ou un footballeur de CFA,qui passent dans l'ascension d'un col de 35° en bas à 10° au sommet,plus les descentes sous la pluie,les ralentisseurs,les rond points châpeau!!
Ayant discuté récemment avec un mécanicien d'équipe(car en plus c'est un sport technologique) il me disait:''Vous allez voir il y aura un scandale juste avant le départ du Tour''.Son raisonnement est le suivant.Il y a jalousie des autres sports car le cyclisme est le seul sport gratuit,qui touche toutes les générations,toutes les couches sociales avec des millions de spectateurs.On s'y reconnait facilement car il passe devant chez nous où une bicyclette dort au fond du jardin.....et surtout avec le budget de la meilleure équipe cycliste une équipe de football ne montera jamais en Ligue1.Alors malgré les affaires un sponsor ne renoncera pas à l'extraordinaire exposition mondiale que lui donne le Tour de France(cf Astana pour promouvoir le Kazasthan).
Alors vive le sport dont on parle dans les sommets européens,dans les parlements,au bistro du coin.J'allais oublier que lors du championnat de foot on a pas évoqué les arbitres.Un bon arbitre ne se remarque pas pas plus que tous les bénévoles qui essaient de maintenir le lien social de l'activité des clubs.
Alors aux bobos pisse froid je donne rendez vous à l'analyse d'urine anti dopage.Il y aurait des surprises

3. Le dimanche 1 juillet 2012, 21:09 par

Bonjour,

Quelques remarques personnelles: les footballeurs ressemblent de plus en plus à des mercenaires, et fournissent des prestations sportives en proportion de ce qu'ils touchent. Entièrement d'accord. Le problème, c'est que c'est encore plus vrai en équipe de France, particulièrement chez certains (aaaah la belle génération 87!). Parce que, qu'on aime ou qu'on déteste le jeu de telle équipe, les personnalités de tels joueurs, les joueurs des autres équipes (Espagne, Italie, Allemagne, Croatie, etc) ont joué plus pour le prestige de gagner en équipe nationale que pour les primes qu'ils touchent en cas de victoire (qui correspondent à bien peu par rapport à leurs salaires en club, ou même qui sont inexistantes!). Dans l'équipe de France, non. Certains joueurs -et j'insiste sur le "certains"- se distinguent régulièrement par une "non-envie manifeste" de jouer pour l'équipe nationale. Et c'est le seul problème. Que tout le monde a compris, sauf la FFF (mais ceci est un autre débat).

Ayant dit çà, je préciserai que le football français fait figure d'exception.

Les équipes nationales françaises d'autres disciplines collectives, se distinguent elles par d'autres genres de résultats; je pense au handball, au rugby (où malgré la tendance à injecter d'énormes capitaux, gagner un titre avec l'équipe nationale prime encore), au basket (discutable). Et il ne faut pas oublier les sports au départ individuels où l'esprit d'équipe est incroyable: athlétisme, judo, escrime, cyclisme sur piste, natation.

Alors, le fric nuit-il au sport? J'aurais tendance à dire qu'il révèle les personnalités. La différence (subtile) réside dans le fait que certains, même très riches, joueront encore par passion du jeu, pour les émotions que cela leur apporte (je vous conseille d'ailleurs le documentaire "Play" de Canal+ diffusé récemment), alors que d'autres joueront uniquement pour rajouter un zéro à leur compte en banque.

Et le patriotisme? Celui des supporters est indéfectible (c'est le seul moyen de se comparer sainement aux autres nations). Et au final, la seule chose qu'on demande aux sportifs, c'est bien de "nous faire vibrer". Faire ressentir leur envie, leur passion, et alors on se réconciliera avec Coubertin! A l'image de la finale de la Coupe de monde de rugby 2011: l'équipe de France a perdu la finale, mais elle n'a pas démérité. Les joueurs nous ont apporté suffisamment d'émotions pour qu'on ne soit pas entièrement déçus.

Et est-ce que ces problèmes, d'ordre individuels pour la plupart, sont le reflet d'une réalité géopolitique? Excepté le match de basket entre deux universités (une américaine, une chinoise) qui avait viré en bagarre générale sans raisons apparentes, je ne pense pas. On ne va pas aller faire un Rainbow Warrior bis parce que la NZ nous a battu en finale...

4. Le dimanche 1 juillet 2012, 21:09 par yves cadiou

Le sport dont vous parlez présente deux aspects positifs que l’on aurait tort de négliger :

1 l’émulation qu’il a introduite dans la recherche chimique, grâce à la course entre le dopage et le contrôle anti-dopage. Que mon affirmation ne crée pas de malentendu : je ne dis pas que le dopage, c’est bien. Mais j’imagine que ces pratiques pourtant condamnables peuvent avoir eu quelques retombées positives dans le domaine médical.

2 il a suscité deux évolutions sympathiques dans le langage. Un nouveau style, que l’on peut qualifier de littéraire bien qu’il soit principalement parlé, est apparu : le commentaire sportif. Il faut admirer avec quel talent on tente de nous faire croire, et on y parvient parfois, qu’il y a encore du suspense alors qu’on approche de la fin d’un match ou d’une étape dont on devine à coup sûr le résultat.
Le sport a participé aussi au développement de l’humour : on avait depuis longtemps « je suis bien content d’avoir gagné mais j’essayerai de faire mieux la prochaine fois » (Hergé) mais on a maintenant des expressions entrées dans le langage courant : « à l’insu de mon plein gré », « tout à fait, Thierry », « moins de sucre, plus de patate », « mais ça ne nous… regarde pas » et beaucoup d’autres. Grâce au sportif les humoristes ont quelqu’un d’autre à brocarder que toujours le personnel politique. C’est rafraîchissant parce que le personnel politique ne peut donner lieu qu’à un humour cynique pendant que le sportif fait plutôt rire par sa naïveté.

En conclusion pour revenir au sujet, jeu-politique, le sport nous a récemment permis de nous livrer à notre autodérision habituelle. Chez les Guignols de canalplus, les footballeurs espagnols après le match : « avec les Français, on n’a pas eu besoin de se doper : cette fois on n’a rien pris.
Ah si, quand-même : après le match on a pris du café pour se réveiller. »

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