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Ordalie

Je suis en train de lire "La pensée et la guerre" de Jean Guitton (Desclée de Brouwer, 1969 : livre tiré de ses conférences à l'école de guerre). Il est bon de revenir aux philosophes, y compris pour notre sujet.

source

J'en tire cette citation : "Depuis les origines, la guerre avait été une ordalie". Qu'est-ce à dire ?

1/ L'ordalie est ce mode de justice ancien, en cours jusqu'au moyen-âge, qui consiste à s'en remettre au jugement de Dieu : on prend une épreuve, et le fait de surmonter cette épreuve permet d'assurer la justesse (donc la justice) de la cause.

2/ La guerre, dans cette perspective, est un moyen de résolution des conflits. C'est une solution. Elle vient s'intercaler dans un cours des choses régit par des principes reconnus et partagés. On appelle ça la paix.

3/ Or, plusieurs choses sont venus renverser cette perception. Sans même parler de l'humanisme et de ses suites (Lumières, révolution, nationalisme), nous voici dans des temps qui conjuguent :

  • la mise en place de l'arme nucléaire (Guitton consacre 40 % de son livre à "une philosophie de la dissuasion à l'ère nucléaire". Depuis, la guerre est interdite, dans les faits. Elle n'est plus une solution, au point qu'un ancien président à pu proférer "la guerre est toujours la pire des solutions".
  • l'individualisme qui est allé à son terme, à savoir celui de la relativisation absolue de toutes les règles partagées (enfin, en apparence, nous sommes d'accord qu'il y a au fond énormément de règles morales qui régulent profondément notre société, même si nous faisons tous semblants d'être ab-so-lu-ment libre). De ce relativisme forcené ressort une chose : le relativisme est absolu, il est donc un absolutisme. Mais en tout état de cause, personne ne veut reconnaître que la société est fondée sur des normes qui la régulent. La paix n'est plus l'entre guerres. Au fond, le relativisme devient la guerre généralisée, une sorte d'Hobbésisme individualisé. Mais par inversion, la guerre, la vraie, devient inadmissible.

Désormais, la guerre est une incongruité.

O. Kempf

PS : à me relire, je trouve confus la fin du dernier paragraphe. Mais il est tard, on verra mieux demain. Pardonnez-moi.

Commentaires

1. Le mercredi 25 juillet 2012, 22:20 par

La guerre n'est une ordalie qu'à partir de St Augustin (ou plutôt de sa relecture médiévale d'ailleurs) et elle ne le reste que tant que la morale chrétienne prédomine absolument. Les Lumières ont été le premier mouvement de déconstruction de la "justesse" de la guerre et à leur suite tous ceux qui s'en sont réclamés ont battu en brèche cette idée (cf.Bertrand Russell: "war does not determine who is right but only who is left")pour ne lui laisser qu'un aspect mécanique et non plus moral. Trouve t on cette approche chez les penseurs militaires influencés par les Lumières ? Je ne m'y connais pas assez pour le dire.

2. Le mercredi 25 juillet 2012, 22:20 par JLC

Un de mes premiers livres en appli... Tu as raison il faut y revenir.

3. Le mercredi 25 juillet 2012, 22:20 par Colin l'Hermet

Bonjour,

Ah, l'absolutisme du fameux "toutes choses égales par ailleurs" qui condamne à terme à l'inaction et au relativisme, donc dans son sillage à la disparition de la discrimination et de la Responsabilité !

Par ailleurs, il me semblait que l'ordalie était la recherche de la manifestation de la Vérité. Pas de la justesse.
Ce serait justement le "décrochage" entre ces deux valeurs qui surviendrait avec le courant des Lumières et la remise en perspective "moderne" des sources philosophiques antiques dans le système politique.
(et je n'ose même pas creuser la question abyssale et vertigineuse justesse/justice).

Dans ces conditions, la guerre comme ordalie surfe sur les thématiques, contradictoires, de la guerre juste et de la justice ex-post des vainqueurs.

Donc, avec tout le respect dû à jean Guitton, la guerre comme biais de l'ordalie me paraîtrait plus pertinente.
Car si cet ouvrage traite avec justesse des acceptions de la guerre, son regard se porte en arrière et évoque-explore "un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...
Surtout avec les formes légitimistes, contemporaines, des mandats ONU sous chap.VI ou chap.VII, des missions de Petersberg, des coalitions ad hoc et des recherches de preuves d'ADM. En d'autres termes, avec la normalisation contemporaine qui porte plus sur le jus ad bellum que sur le jus in bello, selon moi.
Car on tend à porter nos regards sur le dioptre entre paix et guerre, la guerre étant désormais (illusoirement et dangeureusement) perçue comme ultra-intermédiée et ultra-technicisée.

Mais je vais avoir besoin de remâchage pour revenir sur le sujet.
Ceteris paribus sic stantibus, on passe à l'apéro, l'urgence est manifeste.

Bien à vous,
Cl'H

égéa : bon apéro,  bonne sieste...

4. Le mercredi 25 juillet 2012, 22:20 par oodbae

guerre serbo-croate (1991-1993)
guerre serbo-bosnienne (1991-1993)
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et j'en passe

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guerre de la drogue (USA, Russie, Mexique)
émeutes des banlieues francaises (2008)
mouvements séparatistes (Mali,Tibet)
terrorisme islamique (tchétchénie, Irak)
rebellions islamistes en Syrie

et j'en passe,

Le champ de la guerre se déplace, se transforme, sans se réduire. Il faut fermer les yeux pour croire le contraire.

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