Un traitre à notre goût (J. Le Carré)
Par Olivier Kempf le vendredi 3 août 2012, 18:01 - Fiche de lecture - Lien permanent
L'été est propice à la lecture. Et notamment du dernier Le Carré, qui vient de paraître en poche, incontournable : le roman n'est qu'un prétexte, l'espionnage n'est lui-même qu'un prétexte à la meilleure littérature.
1/ Vous y trouverez les schèmes des romans de Le Carré : un théâtre d'opération plus ou moins exotique, un novice qui se trouve plongé dans la lessiveuse des services, beaucoup de caractères faibles et plus ou moins ratés, un service d'espionnage sérieux en apparence mais bourré de pieds-nickelés, une mécanique qui broie tout.
2/ Comme toujours, des miracles d'observation psychologique et de petits détails qui font mouche.
3/ Cette fois-ci, deux exceptions qui valent le détour :
- d'abord, la peinture de la mafia russe en collusion avec les élites occidentales pour blanchir l'argent
- ensuite, la description de Paris à l'heure de Roland-Garros : première fois, à ma connaissance, que Le Carré prend la capitale comme scène d'un de ses romans.
Saupoudrez de beaucoup de maîtrise stylistique, et vous aurez un eptit bijou, très perfectionné et subtil. Moi, j'adore.
O. Kempf
Réf : présentation du livre
Commentaires
Bonsoir M. Kempf,
Un détail, que vous ne mentionnez pas : les derniers ouvrages de Le Carré sont sur des personnages en colère.
Une femme révoltée par le sexisme. Un anglais tiraillé entre le marxisme et le Grand Jeu. Un Vory v zakone en rupture de ban après la liquidation de son filleul.
Tout son tragique repose sur ces individualités torturées.
Comment se révolter au 21eme s. ?
Lisez Le Carré.
Bien à vous,
Cl'H
egea : excellent : mais il s'agit de révoltes individuelles, des feux de paille qui se consument vite.
Re-bonjour,
Justement il serait intéressant de laisser aller l'action individuelle jusqu'à sa convergence-mutation avec les systèmes ; option que JLC neutralise toujours prématurément, inéluctablement, donc tragiquement, et donc superbement.
Si le Vor v zakone en révolte croise un "réseau social" d'information comme le SIS, il peut faire du dégât. Le soupsçon en est distillé.
Le "média en réseau" comme vecteur de la colère individuelle, puis comme amplificateur en ce qu'il parviendrait à employer-exploiter les ressources propres au réseau qu'il emprunte (bonne volonté des acteurs, ou intérêts personnels allant dans le même sens apparent, ou encore tropisme idéologique commun) ; un pouvoir s'instituerait au sein de ces réseaux interconnectés, le message serait relayé avec ses effets finaux.
Vous pouvez obtenir une révolte libyenne non endiguée par les nervis, ou une 1ere révolte égyptienne amplifiée-instrumentalisée par des généraux, ou une infection informatique dont les protocoles utilisent une heuristique qui n'active pas les watchdogs du système attaqué.
Bien à vous,
Cl'H