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Rhétorique nucléaire (J. Dufourcq)

Certains l'ont peut-être déjà lu sur AGS, mais je trouve opportun de publier ce texte aussi sur égéa. Car il y a cette année un débat sur la dissuasion, et pas seulement le fait des hommes politiques (Rocard, Quilès), mais aussi de spécialistes, comme par exemple la tribune du général Copel dans le Monde du 30 juillet.

source

J'avais en son temps convaincu Jean Dufourcq de consacrer un des dossiers de la RDN à cette question nucléaire, et c'était paru en février. Il poursuit avec cette tribune. Or, implicitement, c'est une des questions du Livre Blanc : non pas "faut-il garder la dissuasion nucléaire ?" mais à quel niveau la conserver, compte-tenu de la menace et de la contrainte budgétaire ?". Autrement dit encore : "peut-on faire des économies sur la dissuasion ?". O. Kempf

Rhétorique nucléaire (J. Dufourcq)

Après avoir évoqué dans le précédent bloc-notes AGS/RDN l’utilité relative d’un nouveau Livre blanc, je vous propose de clôturer ce mois de juillet en abordant la rhétorique nucléaire. J’ai évoqué la nouvelle donne électronucléaire issue du tsunami de Fukushima de mars 2011 et la remise en cause de l’arme atomique comme régulateur militaire qu’exprime le mouvement « Global zero » (cf. « Trajectoires nucléaires », février 2012 ; www.defnat.com). J’ai essayé de montrer comment s’en accommoder, sans tout jeter à l’eau. Je voudrais ici aborder la centralité nucléaire dans les questions de défense.

Qu’on l’apprécie ou non, elle est et devrait rester longtemps encore.

1- Nous sommes certes à la fin d’un temps stratégique, chacun le voit. Et 20 ans après la fin de la guerre froide, 10 ans après l’agression des Twin Towers de New York, un an après le déclenchement de la révolte arabe, nous vivons toujours avec l’arme nucléaire d’hier, cet héritage résiduel embarrassant de la Seconde guerre mondiale. Et de fait on ne sait plus très bien quelle place affecter à cet outil terrible dans nos panoramas stratégiques. Aussi chercher à l’éliminer est tentant. Le déni nucléaire militaire nous guette. L’arme atomique trouble notre vision du monde au point que la prolifération nucléaire est devenue une des plaies à vif de la scène internationale. Qui n’applaudit quand on la dénonce comme un dangereux cancer se propageant de façon endémique ? Le mantra est relayée à l’envi.

C’est sans doute un peu vite dit car chacun sait qu’il n’y a pas de programme proliférant nouveau depuis 20 ans. Certes c’est un phénomène préoccupant mais moins extensible qu’on ne le dit, plus encadré qu’on ne le croit. Le statut nucléaire est une tentation permanente pour les Etats qui veulent consolider leur position, soit qu’ils se sentent fragiles, soit qu’ils aient un projet de puissance régionale, soit qu’ils cherchent à négocier une position avantageuse. Ils contestent ainsi un certain ordre du monde.

Ainsi notons que la tentation de transgression nucléaire relève du champ de la science politique plus que de celui de l’art militaire : l’armement nucléaire est depuis longtemps d’abord un outil politique et à ce titre un instrument clé du dialogue stratégique planétaire.

Héritage discutable, outil privilégié d’une politique de puissance, symbole identitaire, la capacité nucléaire d’un Etat reste toujours en 2012 un marqueur fort de son identité.

2- La question centrale qu’on doit soulever aujourd’hui dans ce blog, bien qu’elle ait été exclue d’emblée du champ du futur Livre blanc, me paraît être celle de la centralité de la dissuasion nucléaire stratégique dans la politique de défense et de sécurité de la France. Cette centralité politique, militaire, scientifique, budgétaire est-elle toujours pertinente ?

Pour aller tout de suite à la réponse, je répondrai en normand, oui et non. L’arme nucléaire a toujours sa place dans notre arsenal militaire et notre politique de défense mais celle-ci n’est plus désormais centrale, vitale quoi qu’on dise avec une virile constance. Oui, elle fait toujours partie de notre posture stratégique ; elle est toujours nécessaire à l’identité du continent européen et c’est encore un atout majeur, pour la France, sa sécurité et ses voisins d’Europe, quoi qu’ils en aient. Mais je dirai aussi, non ; on ne la développerait pas maintenant si par incapacité, impéritie ou naïveté, nous ne l’avions eue. Bijou de la couronne stratégique certes mais pas cœur irremplaçable de la sécurité.

Voyons un peu tout cela à défaut d’en traiter dans la Commission du Livre blanc.

3- Centralité politique. L’arme nucléaire est pour tout Président de la République française prenant ses fonctions, un des symboles majeurs de sa responsabilité nationale ; elle est l’apanage exclusif de sa légitimité démocratique. Le chef des armées dispose du feu nucléaire, en permanence, pour dissuader quiconque de s’en prendre aux intérêts vitaux de la France. Le faire savoir en endossant les capacités de la seconde frappe assurée est l’un des rituels de la prise de fonction ; les deux derniers PR y ont souscrit d’emblée, de même qu’ils avaient pris le soin de dissiper toute ambiguïté dans leurs propos électoraux de campagne. La capacité nucléaire est aussi une spécificité internationale de la France qui lui permet d’authentifier la responsabilité globale qu’elle exerce au sein du P5 du Conseil de sécurité de l’ONU. Tout le monde connaît cela qui n’est pas prêt de disparaître de sitôt. L’arme nucléaire confère, en effet, à celui qui la possède un avantage politique réel, validé par la pratique ancienne de la guerre froide. Depuis de Gaulle, on sait cela en France.

Pourquoi la France devrait-elle donc se départir de cet atout politique ? Quelle raison politique supérieure pourrait-elle la faire renoncer à un avantage qu’elle doit à sa clairvoyance, sa volonté et son génie propre ? Certains ont avancé des raisons de morale politique, d’autres l’incompatibilité européenne. Ces arguments sont sérieux. Mais la particularité de l’arme nucléaire est qu’elle prétend d’abord inhiber la volonté d’un adversaire déclaré de la France d’engager la bataille contre elle. En sachant l’en dissuader, elle s’abstient d’employer ces foudres de l’Apocalypse. Menacer de riposter de façon inacceptable n’est pas une faute contre l’éthique mais une modalité extrême de la légitime défense, moralement conforme. Il en a été longuement débattu. C’est acquis. L’argument européen est plus fort. Le fait que la France dispose en propre de sa propre réassurance stratégique la distingue de ses partenaires européens qui ont, soit choisi une posture de neutralité plus ou moins assumée (Irlande, Autriche, Finlande, Suède), soit pris rang dans l’Otan et sa réassurance américaine, nucléaire compris. Elle lui confère les moyens de sa survie autonome. Et ce cavalier seul nucléaire de la France dans l’Union européenne la singularise ; elle est d’autant plus un facteur de déseurope que la plupart de ses voisins sont dans une phase de doute nucléaire et que les propositions françaises de dissuasion « concertée » entre Européens n’ont guère eu d’écho. Il reste que la dissuasion nucléaire est plus une réalité stratégique qui s’impose à l’esprit de fauteurs de troubles potentiels que le choix délibéré de peuples couverts par les parapluies atomiques. La dissuasion nucléaire, ça se constate plus que ça se déclare. Centralité politique constatée et incontestée de l’arsenal nucléaire français, au profit de la France et de ses voisins avec lesquels la communauté de destin et d’intérêt est scellée par le récent Traité de Lisbonne.

Mais on voit bien que la disqualification progressive de cette arme comme instrument de régulation du monde est en marche. Elle n’ira sans doute pas jusqu’au bout de sa logique, jusqu’au « Global Zero » du Président Obama car on gardera encore longtemps de façon préventive des armes en nombre réduit en soulignant ou déplorant leur effet sur la stabilité ou l’instabilité du monde, selon que l’on est optimiste ou pessimiste.

Forte de son expérience stratégique, la France devra rester à sa juste place nucléaire.

4- Centralité militaire. Celle-ci est plus difficile à percevoir clairement et ses effets sont aussi plus pervers qu’on le dit généralement. Durant la guerre froide, le développement de l’arme nucléaire a conduit à l’équilibrage progressif des puissances par la prolifération verticale des armes et la compétition technologique des systèmes mais aussi par leur confinement dans le non-emploi. Ceci a conduit à la stérilisation des capacités militaires offensives des Grands, la riposte à l’agression étant intolérable du fait de la destruction mutuelle assurée. Cette réalité a fait de l’arme nucléaire un instrument décisif de stabilité, et un outil de la gouvernance mondiale, un instrument qui rendait la guerre impossible puisqu’il interdisait de facto la perspective de victoire. Cette sorte de pis-aller militaire a été objectivement très utile aux Grands de la Guerre froide. La guerre rendue illégale par la Charte des Nations unies devenait impraticable par la menace atomique.

En gelant les guerres interétatiques à l’ancienne, l’arme atomique a conquis la première place sur la scène militaire. Elle a créé des clubs de protégés et des alliances d’affidés, réassurés militairement par les Grands nucléaires. Elle a égalisé les puissances.

Ce qui n’a bien sûr pas suffi à éliminer toutes les causes de conflits entre Etats ou à l’intérieur des Etats ; les conflits de frontières, de minorités, de rancœurs ou d’injustices persistantes ; les tensions pour s’approprier des richesses convoitées, imposer des idéologies ou des régimes affiliés… En fait, la conflictualité n’a pas changé avec l’ère de l’arme atomique. Mais ces conflits latents qui n’étaient pas des guerres au sens juridique du terme devaient trouver d’autres voies opérationnelles pour purger vengeances, antagonismes ou compétitions ; des voies de stratégie indirecte, avec des coalitions intra ou trans étatique et la mobilisation d’acteurs irréguliers, épisodiques. Loin s’en faut que ces conflits aient causé moins de victimes et de désordres qu’avant l’ère atomique.

Aujourd’hui, comment ne pas voir qu’un « cercle vicieux militaire » a été enclenché par l’arme atomique qui a bloqué la possibilité de guerre conventionnelle interétatique en dernier recours. On peut estimer que le terrorisme de masse des Twin Towers est une forme de réponse perverse à ce blocage. Cette réalité juridico-technologique a eu d’autres effets pervers : la disparition des vainqueurs et des vaincus, celle des traités de paix tout comme la nécessité d’instances d’arbitrage internationales et de moyens collectifs de médiation ou de séparation des parties, s’il le faut, par la force. Mais, l’Onu n’a pas su s’imposer sur ce créneau pas plus que l’Union européenne n’a pu se doter des moyens de garantir la sécurité du continent européen. Restait le camp des vainqueurs de la guerre froide, qui sous la houlette des Etats-Unis, a utilisé l’Otan comme régulateur militaire global, avec des échecs croissants d’Irak en Afghanistan. Là on a vu apparaître des pratiques militaires nouvelles et contestables, celle de l’avilissement toléré des prisonniers de guerre ou la généralisation opérationnelle des assassinats ciblés, préventifs ou punitifs, qui se rapprochent par leur méthode de pratiques criminelles réprouvées.

La centralité militaire de l’arme atomique est donc une réalité opérationnelle décisive qui pèse de façon directe sur la façon dont on conduit les combats aujourd’hui, sans espoir de victoire militaire, sans cadre normatif pour des batailles qui se déroulent « hors la guerre ». On se souvient de l’expression pertinente de « l’ombre portée par l’arme nucléaire » ; elle exprime bien comment même absente du champ des conflits du début du XXIè siècle, l’arme nucléaire pèse sur les questions stratégiques et militaires.

Ce dérèglement de l’ordre militaire qui prévalait jusqu’aux deux derniers conflits mondiaux en rend nostalgique plus d’un qui explore les voies et moyens de se passer de l’arme atomique, en la disqualifiant militairement ou en l’éradiquant politiquement. Revenir à la grammaire militaire conventionnelle est une vraie tentation belliciste que partagent de nombreux acteurs contemporains, comme si on pouvait revenir aux bons vieux temps et au statu quo ante. Il y a ceux qui veulent à nouveau se mesurer à armes égales avec des réguliers, ceux qui cherchent à s’affranchir du pouvoir égalisateur de l’atome pour imposer leur volonté via leur supériorité technologique. Ceux-là sont prêts à renoncer au gel nucléaire de la guerre pour retrouver les vertus de la combinaison de l’invulnérabilité défensive (comme le projet de bouclier antimissile le laisse espérer à terme) et de l’efficacité offensive (comme la généralisation des actions préemptives pourrait le permettre). Il s’agit là d’illusions classiques qui partent d’un même prérequis improbable : on saura vérifier qu’aucun perturbateur étatique ou irrégulier ne dispose d’une capacité nucléaire clandestine qui, en l’immunisant de toute attaque, l’affranchisse de toute contrainte.

La nucléarisation du phénomène guerre est irréversible, pour le meilleur et pour le pire. La fin de la centralité nucléaire militaire n’est pas pour demain. Elle pèsera sur tous les conflits à venir, de façon directe ou indirecte, et de bouleverser l’art de la guerre.

5- Centralité scientifique. Celle-ci est moins connue mais elle est pourtant tout aussi décisive. On a oublié la grande aventure des savants atomistes français pendant l’entre deux guerres puis durant la deuxième guerre mondiale et juste après. On méconnaît l’ampleur du projet Manhattan et les sommités scientifiques européennes qu’il a rassemblées. On ignore généralement le véritable engouement scientiste qui a présidé à la mise en place de la filière atomique française dès 1945 avec le CEA. Ces travaux ont été menés tambour battant avec des crédits quasi illimités dans une grande ferveur scientifique, technologique et industrielle. Il en va de même de l’aventure des fusées, qui devinrent les missiles balistiques à longue portée destinés à recevoir en partie haute les têtes nucléaires. C’est à une véritable aventure industrielle que les ingénieurs français, en suivant de près les travaux américains, ont du la réussite des programmes Diamant et suivants qui ont donné à la France les compléments balistiques à la composante pilotée. Enfin, comment oublier la filière cherbourgeoise qui a su intégrer l’ensemble, propulsion nucléaire, missiles balistiques et têtes nucléaires dans une coque capable de plonger à 300 m et plus. L’entreprise de la dissuasion a mobilisé l’excellence industrielle française et rassemblé une pépinière d’ingénieurs qui va irriguer l’ensemble des capacités technologiques de la France et participer, de façon plus ou moins directe, à des grandes filières compétitives : la navigation inertielle, la chaudronnerie nucléaire, le transport spatial, les télécommunications satellitaires ….

Aujourd’hui encore, comment comprendre Ariane 5 sans le missile M5, les avancées décisives sur la connaissance de la matière comme l’identification récente du si nécessaire boson de Higgs sans la recherche fondamentale conduite par les programmes scientifiques liés aux Forces nucléaires stratégiques. Le laser mégajoule qui entrera en service d’ici un ou deux ans pour reconstituer les plasmas à très haute température nécessaires à la mise au point d’armes nucléaires pérennes aura de très nombreuses applications non militaires, et favorisera peut-être la maîtrise de la fusion nucléaire électrogène.

L’ambition stratégique de la France passait au début des années 1960 par l’autonomie nucléaire stratégique ; celle-ci a été un formidable levier de progrès scientifique et technique qui a eu des débouchés civils les plus divers et qui a permis à la France de rester à la pointe dans les sciences de la matière et les techniques spatiales les plus diverses.

La priorité accordée dans notre posture de défense à l’arme nucléaire a permis de doper sa capacité scientifique et industrielle. On ne saurait renoncer à cette centralité induite devenue une des forces du pays, un des marqueurs de sa souveraineté.

6- Centralité budgétaire. L’effort nucléaire a coûté cher au pays. Il lui a aussi rapporté gros, on l’a vu. Mais de fait, il a contribué à contracter une grande partie de nos forces conventionnelles et retardé voire empêché leur modernisation. On a coutume dans l’Armée de Terre en particulier de le déplorer d’autant plus que cette armée ne déploie plus de moyens nucléaires, ni tactiques, ni stratégiques. L’armée d’emploi aurait du céder la place à celles du non-emploi. Querelle stérile et biaisée dont les récriminations restent cependant actives. On occulte parfois ainsi le fait que cet effort a demandé de lourds investissements en hommes et en matériels aux armées qui les déployaient, ravitailleurs, sous-marins d’attaque et aux systèmes interarmées, QG, transmissions, qui les contrôlaient. Et que ces efforts se sont faits aux dépens des forces conventionnelles, notamment s’agissant de la Marine nationale, des forces de surface dont le nombre d’unités a été divisé par 2 en 40 ans alors que la maritimisation de la planète bat son plein.

Mais aujourd’hui, l’essentiel est acquis et les cinq précédentes législatures ont consenti les efforts budgétaires nécessaires, avec constance et détermination pour permettre à la France de disposer d’un parc adapté, c'est-à-dire suffisant, de vecteurs et d’armes modernes et fiables. L’effort annuel à consentir maintenant ne dépasse pas 3 milliards d’euros, soit moins de 10% d’un budget de la Défense limité à 1,5% du PIB.

On oublie parfois que ces forces nucléaires stratégiques ont été rationalisées au point qu’elles ne comprennent plus que deux composantes complémentaires par leur mode de pénétration des défenses adverses. On peut sans doute encore rationaliser un peu la composante pilotée en ne conservant que sa version mobile, aéronavale. Mais on ignore généralement aussi que les démanteler coûterait sans doute plus cher que les maintenir et prendrait beaucoup plus qu’un quinquennat, sans bénéfice stratégique observable. Le démantèlement coûteux de ces outils qui contribuent implicitement à la sécurité de la France et à la stabilité du continent européen serait une incongruité, qui enverrait un signal illisible à la communauté internationale et rangerait la France de facto sous la protection nucléaire américaine. On voit mal l’intérêt d’une telle manœuvre, après celle du retour à contretemps de la France dans le commandement intégré de l’Otan. De même qu’on voit mal l’intérêt d’une contribution financière à un bouclier antimissile dirigé des Etats-Unis qui vient, selon une mantra encore à démontrer, compléter une dissuasion qui ne demande rien mais surtout assécher les crédits de recherche destinés à la pérennité nucléaire (quelle nouvelle composante dans 25 ans ?) et à la garde de la nouvelle frontière cybernétique, infiniment plus décisive pour nos intérêts. Centralité budgétaire hier, routine aujourd’hui.

7- Un dernier point en guise de conclusion, sur la prolifération nucléaire. Elle est, on l’a dit en commençant, l’indicateur d’un malaise stratégique. Pourquoi un Etat se met-il tout d’un coup à braver la légitimité internationale et à investir massivement dans des programmes complexes et coûteux ? A l’évidence pour en tirer avantage, avantage dont on a vu qu’il était essentiellement politique et accessoirement technologique.

Un pays qui a un programme nucléaire clandestin révèle en fait qu’il a des problèmes existentiels, des doutes sur sa capacité à assumer son destin ou à accomplir son projet. Ou qu’il souhaite s’assurer par avance l’impunité stratégique et se mettre hors de portée de la pression du monde occidental, de la communauté internationale, au prix de sa réputation. Ou encore qu’il exerce un chantage pour faire peser sa capacité de nuisance et monnayer son renoncement. La Libye et la Corée du Nord ont su en abuser. C’est souvent une combinaison de ces raisons qui a poussé dans le passé les proliférants notoires.

Si l’on prolifère, au fond c’est que l’on refuse fondamentalement les garanties de sécurité collective données par la communauté internationale via la Charte des Nations unies et son Conseil de sécurité. C’est une marque de défiance profonde envers celle-ci. C’est parce que les garanties de sécurité internationales sont obsolètes qu’on veut posséder un instrument de puissance en propre, pour dissuader les gendarmes internationaux ou contraindre des récalcitrants locaux. On voit que la prolifération nucléaire est un problème polymorphe. Elle ne peut pas être rangée dans une catégorie générique sans inventaire soigné. Elle n’est pas, comme on se plaît à le dire en ânonnant, l’un des deux axes de tension sécuritaire de la planète, avec le terrorisme. C’est une réalité très concrète, psychologique et stratégique mais aussi technique et industrielle.

Faut-il pour autant faire la guerre pour interdire la prolifération ? Entrer en conflit avec l’Iran pour l’empêcher d’être une puissance nucléaire ? Déclencher de façon préventive des attaques préliminaires pour empêcher un pays d’accéder à un statut qu’on estime incompatible avec la stabilité de la communauté internationale ? On peut en douter.

Centralité nucléaire certes mais pas pour régenter le monde.

Pour la France qui a pris, inconsidérément ces dernières années, une position en pointe sur ce thème, notamment vis-à-vis de l’Iran, c’est une question essentielle, surtout si l’on croit que demain la planète devra s’organiser avec des ordres stratégiques régionaux, réassurés régionalement. C’est une autre question, aussi sérieuse. Promis, on en reparle.

Contre-amiral (2S) Jean Dufourcq,

  • « stratégiste »,
  • Rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale

Commentaires

1. Le jeudi 2 août 2012, 19:36 par starshiy

Bonsoir
Je ne prétends pas apporter de commentaire sur ce qui est écrit ici, mais apporter une information passée inaperçue parue dans la presse russe
http://ria.ru/tv_defense_safety/201...
On y parle tout simplement de la reprise de vols d'avions stratégiques russes avec des armes nucléaires à bord !
Cordialement

2. Le jeudi 2 août 2012, 19:36 par oodbae

Bonjour,

J'aimerais réagir à cet article car j'essaie de lire "Paix et Guerre entre les nations" de R. Aron. Je dis "j'essaie" car il s'agit d'un sacré pavé et je n'ai pas l'honneur de devoir étudier cet ouvrage pour les besoins professionnels ou estudiantins.

Notamment le paragraphe 3 , à propos de la "centralité politique". M. Dufourcq met plusieurs fois en avant l'idée résumée dans sa phrase: "Le chef des armées dispose du feu nucléaire, en permanence, pour dissuader quiconque de s’en prendre aux intérêts vitaux de la France.".
Si l'on approfondit la question de la réalité de la dissuasion et particulièrement la dissuasion nucléaire, ce que fit M. Aron dans son ouvrage, on s'apercoit que l'arme nucléaire n'empêche pas que l'on s'attaque à ses intérêts vitaux. D'une part parce que l'intensité de cette attaque ne justifie pas forcément une réplique nucléaire. D'autre part parce que l'attaquant peut bénéficier de l'appui d'une puissance nucléaire qui interviendrait en retour en cas de riposte nucléaire francaise.
Ainsi, la Géorgie a bien attaqué les forces séparatistes ossétiennes et abkhaziennes en 2008 tout en sachant pertinemment que les citoyens de ces régions possédaient systématiquement des passeports russes, bénéficiant de fait d'une protection russe. Or, personne n'ignore que la Fédération de Russie possède l'arme nucléaire. La Géorgie a donc attaqué des ressortissants russes, on peut même parler d'intérêt vital russe, malgré la force nucléaire. Où était la dissuasion?
De même, des recherches sur Internet ou la lecture du numéro "Guerre et Histoire" offert lors du concours sur egea permettent d'apprendre que les USA ont déliberemment engagé le sous-marin Koursk il y a plus de dix ans, en voulant l'empêcher de se rendre en Chine pour s'exposer, entraînant sa perte et la mort de son équipage. Des guerres ont commencé pour moins que ca! Qu'on se rappelle les motifs de l'invasion de la Pologne par l'Allemagne en 1939, à savoir un officier de la Wehrmacht tué par de prétendus soldats polonais. Pourtant, la guerre n'a pas eu lieu. Les USA n'ont pas craint la force nucléaire russe. Les russes n'ont pas souhaité l'escalade de la violence contre les USA. Où réside la dissuasion? A t elle empêché de s'attaquer aux intérêts vitaux de l Russie? Il me semble qu'engager un sous marin nucléaire dans les eaux territoriales de son pays ressemble à une attaque de ces intérêts vitaux.

Je passe sur l'idée de destruction mutuelle assurée. Dans son ouvrage, M. Aron approfondit la question et relève que cette destruction [totale] est peut-être crédible pour un petit pays comme la France, beaucoup moins pour des pays aussi grands que la Chine ou les USA. Hors, la France ne possède plus d'empire d'où elle pourrait poursuivre la guerre. Et en plus, quand elle en avait un, elle ne l'a pas utilisé. Mais c'est un autre débat...

Je ne souhaite pas porter un jugement manichéen, de savoir si M. Dufourcq a tort ou a raison. Je crois juste que cette simplification est trop forte. La dissuasion nucléaire dissuade surtout les autres puissances nucléaires, et encore de manière limitée en considération de l'affaire du Koursk, mais surtout dans le seul cas où notre propre président est prêt à en faire usage. Quitte à raccourcir, imagine t on que notre président mettra en jeu Lyon, Paris, Marseille et Bordeaux dans une situation conflictuelle à potentiel nucléaire, alors qu'il s'est fait élire sur la promesse de rétablir l'âge de la retraite à 60 ans en temps de crise budgétaire et d'embaûcher des professeurs en tempsd e vieillissement de la population et sans aucune perspective de modernisation de l'outil militaire en temps d'augmentation des dépenses militaires tout autour de la planète? Oui, vous avez bien compris, je demande si notre président aurait bien les tripes de faire peser l'arme nucléaire dans la balance alors que son électorat semble plutôt l'en dissuader (!).

Le danger de ce raccourci simplificateur, celui de M. Dufourcq, est que l'on néglige les forces conventionnelles, croyant que l'outil nucléaire nous protège de tout et pour toujours. Hors, on ne chasse pas les mouches avec un marteau.

La question de la conservation de la force nucléaire n'est qu'un élément d'une question plus vaste: Veut on garantir que la France reste une puissance militaire à l'échelle mondiale? De ce point de vue, les programmes de drônes, la cyberdefense, le programme de transporteur A400M, la DAMB (de terrain ou de territoire), le deuxième porte-avions constituent des sujets d'importance au moins égale à celle de la dissuasion nucléaire.

Pour répondre à cette question, on peut formuler ses pendants. Quel prix la France est elle prête à payer pour assurer sa puissance militaire à l'échelle de la planète (globale diraient les américains)? La France est elle encore assez fière d'elle-même pour prétendre à une puissance militaire d'échelle mondiale? Qui a intérêt à ce que la France se dépareille de cette envergure mondiale? Cette envergure mondiale est elle encore d'actualité?

Enfin, question "Heungoup-special", souhaite t on que la jeunesse africaine qui a vingt ans aujourd'hui, et en aura donc 40 dans 20 de plus, souffre d'une subjectivité objective ou d'une objectivité subjective pour discuter d'une coopération militaire avec la France?

Cordialement

Oodbae

PS: J'ai vu a posteriori que M.Dufourcq argumente quand même, dans le paragraphe 6 sur la centralité budgétaire, sur la nuance à apporter à la puissance exclusive de l'outil nucléaire. Mais mon commentaire n'est qu'un commentaire, n'est-ce pas...

3. Le jeudi 2 août 2012, 19:36 par oodbae

Bonjour,

J'ajoute que poser ces questions, c'est y répondre, au moins à moitié.

* quel prix la France est elle prête à payer pour assurer sa puissance militaire à l'échelle de la planète? celui du billet retour des troupes en opex puis de leur départ en retraite anticipée, couvert par le recyclage des armements devenus inutiles. A la limite, on veut bien payer les cercueils des légionnaires morts en Guyane dans la lutte contre l'orpaillage et la contrebande.
* La France est elle encore assez fière d'elle-même pour prétendre à une puissance militaire d'échelle mondiale? non. On se renie sans cesse. La morale humaniste universaliste est une manière fleurie d'exprimer le refus d'affronter d'autres nations ou peuples en tant que nation francaise.
*Qui a intérêt à ce que la France se dépareille de cette envergure mondiale? Tous ceux qui ont pris acte de la catastrophique intervention en Lybie, du soutien militaire à Ouattara en Côte d'Ivoire, de la diplomatie de la girouette vis à vis de la Syrie, de la collaboration aberrante avec le Qatar (alors qu'on perd sans cesse du terrain en Afrique francophone), du soutien au démantèlement de la Yougoslavie dans les années 90.
*Cette envergure mondiale est elle encore d'actualité? Attendu que la population francaise représente moins de 1% de la population mondiale, non. En considération de la superficie totale du territoire francais, certaines conclusions s'imposent ou s'imposeront bientôt.

D'où ma réponse à ma question principale: Veut on garantir que la France reste une puissance militaire à l'échelle mondiale? Non.

D'où ma réponse à la question: Veut on conserver l'arme nucléaire francaise? Non.

Cordialement

Oodbae.

PS: En revanche, au sein d'une PESD digne de ce nom...

re-PS: oui, j'aime publier des commentaires et y répondre, je compose mon propre public et je dois avouer qu'il est accommodant. je t'aime, public.

égéa : moi, j'aime les commentateurs réguliers et fidèles, connaissant l'Allemagne de près (même si j’aimerais un aperçu sur ce que signifie aujourd'hui pour l'Allemagne la notion de puissance : pas sûr, mais pas sûr du tout que ça corresponde à votre vision..)

4. Le jeudi 2 août 2012, 19:36 par yves cadiou

Globalement d’accord avec l’exposé de l’Amiral Dufourcq, je voudrais y ajouter quelques observations.


Le mieux est de commencer par contredire oodbae et j’en suis désolé. Examinons ce qu’on entend par « intérêts vitaux ». En notre époque où dans le langage courant l’exagération devient coutumière, où de deux mots on ne choisit jamais le moindre, on perd facilement de vue la véritable signification du vocabulaire : « vital » signifie littéralement « nécessaire à la vie ». Malheureusement on a pris l’habitude de galvauder le mot en l’employant comme s’il signifiait seulement « très utile ». Mais non, vital, c’est plus que ça : lorsqu’on est privé d’un élément vital, on meurt. Le mot aurait convenu en juin 1940 : « notre patrie est en péril de mort, luttons tous pour la sauver. »
Le naufrage du sous-marin Koursk (outre que je ne suis pas d’accord avec les explications qui en sont données par le magazine Guerre et Histoire, mais c’est une autre question) ne mettait pas la Russie en péril de mort, ce n’était pas vital pour la Russie.
La sécurité de nos approvisionnements pétroliers a parfois été évoquée comme un intérêt vital : c’est abuser des mots parce que la France saurait survivre sans pétrole. Certes une telle rupture d’approvisionnement poserait des problèmes, notamment dans le domaine des loisirs, mais la France ne serait pas menacée de mort par une rupture de son approvisionnement en hydrocarbures.
Un autre contresens que l’on commet souvent c’est de croire que la dissuasion nucléaire rend la guerre impossible, mais non : la guerre reste possible en dessous du seuil nucléaire, c’est-à-dire si l’on ne touche pas aux intérêts vitaux (au vrai sens du mot « vital », s’il vous plaît) d’un pays qui dispose de l’arme nucléaire. Ce fut le cas de toutes les guerres qui se sont déroulées depuis que l’arme nucléaire existe, y compris bien sûr les guerres récentes citées par oodbae.


J’en viens maintenant à l’exposé de l’Amiral Dufourcq. D’abord une petite remarque qui peut sembler pinailleuse mais qui ne l’est pas : l’on ne peut pas envisager de frappes « préemptives », mais seulement « préventives ». On a déjà eu ce débat sur egeablog en décembre 2011 http://www.egeablog.net/dotclear/in... je n’y reviens pas mais j’observe que l’emploi de « préemptif » au lieu de « préventif » dévalue l’exposé en le montrant entaché d’américanisme et même de bushisme.
Je me permets de faire un autre reproche à cet exposé par ailleurs incontestable de l’Amiral Dufourcq, le même reproche que je fais souvent à l’encontre des sujets du concours de l’EdG : le militaire doit apprendre à parler aux décideurs politiques. L’exposé de l’Amiral Dufourcq s’adresse à des spécialistes. S’il s’adresse à des décideurs politiques (et ça semble être le cas par allusion au Livre Blanc), alors son auteur surestime largement les aptitudes de ses lecteurs. Ceux-ci, même s’ils sont députés, sénateurs, ministres, sont avant tout des élus locaux qui n’ont aucune compétence en stratégie ni même en géopolitique. J’ai eu l’occasion, professionnellement, d’en côtoyer quelques uns : c’est d’autant plus pénible qu’ils croient avoir tout compris, persuadés que le suffrage universel donne la compétence universelle.
Le phénomène n’est pas nouveau : combien avons-nous eu de ministres de la Défense qui connaissaient leur affaire ? Et encore aujourd’hui il suffit de lire les comptes-rendus des commissions parlementaires pour constater l’amateurisme qui y règne. J’assistais il y a quelques mois à un colloque où intervenait Paul Quilès, qui fut ministre de la Défense dans les années quatre-vingts après Charles Hernu et l’affaire du Rainbow-Warrior. Je me suis alors aperçu que, vingt-cinq ans plus tard, l’ancien ministre continue de passer à côté de quelques points essentiels de sa charge d’autrefois : il n’a pas compris la cohérence du décret de 1964 (la force aérienne stratégique mise aux ordres exclusifs du Président) avec l’article 16 de la Constitution ; ni la place du missile Pluton dans l’ensemble du dispositif, missile nucléaire qui était en service à son époque. De cette génération, cet ancien ministre n’est pas le seul à n’avoir aucune base conceptuelle concernant la dissuasion : l’ancienne candidate socialiste à la Présidence a préconisé de supprimer l’article 16 de la Constitution. Lorsque nous parlons de défense nationale, ne surestimons pas nos lecteurs du monde politico-médiatique.
Heureusement dans quelques années, lorsque les élèves d’Olivier Kempf seront arrivés aux affaires, les décideurs politiques seront des gens compétents parce qu’ils auront été nourris à la géopolitique dès le biberon. Mais actuellement, et pour quelque temps encore, nous sommes en présence du personnel de la génération 68, qui n’a sur les questions de défense nationale que des préjugés et qui, de toute façon, ne peut plus rien apprendre parce qu’après cinquante ans on ne peut plus acquérir les rudiments d’un domaine qu’on a toujours négligé.
Il faut donc se mettre à leur niveau et leur donner ce qu’ils attendent, c’est-à-dire des argumentaires directement exploitables en prévision du moment où ils devront malgré tout faire bonne figure s’ils doivent aborder le sujet.


Ce qui est très positif, dans ce débat sur l’arme nucléaire, c’est que nous continuons d’en parler publiquement alors que le nouveau Président y a mis fin d’emblée : il a compris qu’il perdrait plus d’électeurs en cédant sur le nucléaire qu’en prenant position comme il l’a fait. Mais lors d’un deuxième et dernier mandat, c’est-à-dire avant de sortir de la vie politique nationale et de faire autre chose, vraisemblablement à l’international, le calcul de carrière peut changer : une volte-face est possible et même probable au cours du deuxième mandat. (J’avoue que ce qui précède résulte de la piètre opinion que j’ai du personnel politique, mais je crains d’être dans le vrai). Ce débat sur la dissuasion nucléaire, et plus largement sur la défense nationale, ressurgira désormais tous les cinq ans : nous aurions par conséquent tort de nous endormir et de n’en parler que tous les cinq ans.

5. Le jeudi 2 août 2012, 19:36 par oodbae

Bonjour,

@Cadiou

Merci de me répondre.

J'ai bien conscience d'avoir exagéré l'importance "vitale" des sous-marins du Koursk, ou des possesseurs de passeports russes en Géorgie. Il est vrai que des russes qui meurent, ce n'est pas grave, c'est presque normal tellement on y est habitué par les stéréotypes propagés dans les médias. Si ils avaient été francais ou camerounais, c'aurait été une autre paire de manches. Si ils avaient été en plus musulmans ou juifs, là...

Je cesse ce mauvais esprit pour expliciter mon propos. Si des ressortissants d'une nation ou d'un état ne constituent pas son intérêt vital, qu'est-ce qui peut bien en être un?

Ainsi, une nation ne pourrait se considérer menacée de mort tant qu'un seul de ses ressortissants est encore en vie, par corollaire. Pénétrer les eaux territoriales avec un navire militaire et y causer des dommages et des morts consiste de fait en une attaque guerrière, de même que Pearl Harbor en 1941 ou Port Arthur au XIXè, quand bien même les assaillants ne se sont pas annoncés. C'est une attaque menacant les intérêts vitaux.
De plus, qui peut les garder les intérêts vitaux? L'armée entre autres, ainsi que les banques. S'attaquer à cette armée, c'est rendre les intérêts vitaux vulnérables, donc menacer les intérêts vitaux.

Quand à la fiabilité des explications sur le Koursk, elles sont sujettes à caution, bien sûr. Mais sont elles si improbables? On a bien eu un navire militaire sud-coréen (une corvette si je me souviens bien) qui a coulé à pic il y a deux ans, sans explication définitive.

Par ailleurs, par rapport à la confusion "dissuasion" et "interdiction de la guerre", je suis plutôt d'accord avec vous. C'est même pour cela que j'écrivais que la question de l'entretien d'une force de dissuasion nucléaire est de même importance que d'autres programmes (drônes, 2ème porte-avions, A400M, cyber...), selon le proverbe: on na chasse pas les mouches avec un marteau.

Néanmoins, on a quand même inventé le terme de guerre froide pour trouver un état de conflictualité entre deux entités politiques, deux blocs dit on, officiellement en paix, qui n'ont pas voulu dégainer le premier, même en réponse à des provocations humiliantes. Ainsi, le pont aérien au-dessus de Berlin dans les années 60 ne fut pas empêché par l'artillerie anti-aérienne de l'URSS, car le meilleur moyen d'empêcher l'escalade est de ne pas commencer du tout. Comme quoi la dissuasion a apparemment interdit la guerre entre les deux pays. Ou alors ils n'ont jamais eu l'intention de se faire la guerre, ce que je veux bien croire aussi, et que ce concept de guerre froide n'est et n'était qu'une arme idéologique de plus. Mais on touche là un autre débat.

Cordialement.

PS: Ce ne sont pas les politiques qu'il faut convaincre, mais leurs électeurs, à mon humble avis en tout cas. Le personnel politique a déjà du mal à se décider sur ses tenues vestimentaires, cf polémique sur Mme Duflot en robe fleurie au Parlement et en jean sur la photo de gouvernement. Après M. Sarkozy sacré président le mieux habillé du monde par une revue américaine en 2008, puis M. Hollande élu pour son régime minceur, on observe la tendance. On attend maintenant Mme Taubira en bikini ou M. Ayrault en string panthère.

6. Le jeudi 2 août 2012, 19:36 par yves cadiou

Définir les intérêts vitaux donne habituellement lieu à de longs développements qui se caractérisent presque toujours par l’absence de conclusion. J’en ferai donc autant, en essayant toutefois d’être bref.

D’abord l'on constate qu’aucune puissance nucléaire n’a jusqu’à présent estimé que ses intérêts vitaux étaient menacés. Je mets à part les bombes des 6 et 9 août 1945 qui, à mon avis, relèvent plus de la psychiatrie que de la stratégie : elles étaient une menace proférée par un pays d’anciens proscrits devenu superpuissance, menace vengeresse adressée aux nations qui avaient construit un monde où les Nord-Américains n’existaient pas.
Quant à nous, nous pouvons considérer que nous disposons d’une sorte de définition de nos intérêts vitaux dans l’article 16 de la Constitution. On néglige trop cet article pourtant essentiel dans notre dispositif défensif. Je vous suggère de vous y reporter : « lorsque les institutions (…), l’indépendance (…), l’intégrité (…) ou l’exécution (…) sont menacés (sic) d’une manière grave et immédiate… ».

La mise en œuvre de cet article 16 constituera le fameux « dernier avertissement » cher aux stratégistes parce qu’il autorise, en fait et tacitement, le Président à faire usage du feu nucléaire : « le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances après consultation officielle… ». Je ne suis pas sûr que les personnalités qui seraient ainsi officiellement consultées ont dès maintenant conscience des responsabilités qui seraient les leurs en de telles circonstances (je reste en cohérence avec mon précédent commentaire).

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D’accord avec l’idée que dans ce débat il s’agit de convaincre les électeurs plus que les élus (ou plus exactement on convainc les élus en convaincant les électeurs). Mais là on aborde un autre sujet, qui est celui du prétendu « devoir de réserve » : les élus n’aiment pas que les spécialistes s’adressent directement aux électeurs.

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