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Bousculade égyptienne (2)

Suite de mon billet sur l’Égypte dirigée par les FM.

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1/ La politique étrangère égyptienne sera marquée par une certaine stabilité, qui a dû faire partie de la négociation avec les militaires. Ainsi, il est probable que les États-Unis ont été mis dans la confidence, ainsi que le suggère une déclaration d'Hillary Clinton lors de sa visite au Caire le 16 juillet (voir ici) appelant à un compromis à trouver avec les militaires. Enfin, le successeur du maréchal Tantaoui est le Général Abdel Fattah Al Sissi et son adjoint Mohamed al-Assar sont très proches des États-Unis, signe de la continuité qui prévaudra. Autrement dit, à court terme, la stabilité devrait jouer avec Israël.

2/ On voit en fait deux évolutions de court terme : la première tient à la lutte de prestige entre l’Égypte et l'Arabie, entre Al Ahzar et le gardien des lieux saints, entre les Frères Musulmans et les salafistes. Pour les FM, les salafistes sont influencés par l'extérieur (tout autant d'ailleurs que les libéraux) : en fait, il s'agit de deux réactions à la modernité, une occidentale, l'autre intégriste. Autrement dit encore, les FM vont chercher à se démarquer de tous les intégristes et islamistes avec lesquels on les confond trop souvent.

3/ Cela passe donc par la deuxième évolution, la fixation de la frontière orientale, dans deux sous-directions :

  • la première tient au Sinaï, où Le Caire va tenter de reprendre langue avec les tribus afin de contrer les islamistes qui pullulent dans la péninsule. Ce n'est pas un hasard si le coup de force a eu lieu après les opérations du début du mois, où des commandos islamistes avaient attaqué Israël...
  • la seconde tient à Gaza, avec un raidissement initial, même si le Hamas est d’origine FM et qu'il a réussi à bannir tous les mouvements radicaux et extrémistes dans la bande de Gaza. Toutefois, l'opinion publique égyptienne regarde les Gazaouis d'un mauvais œil et il s'agit dans un premier temps de montrer qu'on tient le pays. Le rapprochement viendra ultérieurement.

Autrement dit, il s'agit pour l'instant de revenir dans le jeu Proche-oriental, comme l'acteur majeur que l’Égypte a été jusqu’à Sadate. Une reprise en main intérieure avant de s'intéresser au reste du Proche Orient et au leadership sunnite et arabe : là est au fond l'objectif géopolitique du nouveau pouvoir au Caire.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 17 août 2012, 21:02 par Colin L'hermet

Bonsoir M. Kempf,

Je me rappelle ce mot de Cocteau "ce mystère nous dépasse, faisons mine d'en être les instigateurs" (Les mariés de la Tour Eiffel, 1921).

Pourquoi j'y pense ? Les USA dans les confidences de tout, en laissant planer des doutes...

Et à quoi reconnaît-on un doute qui plane ?
"A son ombre ! L'ombre d'un doute, c'est bien connu...!" (Raymond Devos, in Un ange passe)

Bon, je cesse les citations.

Juste une question.
Quel agenda pour les USA qui prévoient tout, sont dans les confidences, anticipent et accompagnent, à avoir lâché Moubarak à l'époque ?

Le même type d'agenda que pour la France et le Royaume-Uni à convaincre leurs partenaires UE et OTAN à aller déposer Gaddafi ?

En dépit des armements qu'elle déploie en sous-main, la géopolitique ne sera décidément jamais une science dure.

Et une observation :
Les évolutions que vous citez prendront du temps, feront que le peuple egyptien sera fier de son aura internationale dans une petite quinzaine d'années.
Surtout en s'ancrant à la problématique de la Palestine, problématique d'avenir et qui entend le rester.
N'y a-t-il pas d'autres accélérateurs qui pourraient dangereusement tenter des esprits audacieux ?
Je crois me souvenir des déclarations enflammées d'amitié éternelle entre les peuples egyptiens et iraniens, qui ont accompagné ou précédé, je ne sais plus, le passage de 2 navires de surfaces iraniens par le Canal de Suez en 02/2011, propos renforcés, par le pdt Morsi courant 06/2012 sitôt déclaré élu. Certes cette 2eme salve était un appel du pied aux USA et autres acteurs extérieurs à qui il convenait de rappeler cette possible nuisance, donc la monnayer.
Mais il ne s'agit pas d'un chantage illuminé ni totalement soliloque ou en l'air.
Car il y a bien une partie iranienne, interlocuteur qui pourrait pousser les feux le moment venu, si les 2 partenaires y voyaient un avantage-gain dépassant les inconvénients-risques.

L'Egypte pourrait fort bien vouloir convoquer un acteur extrême-oriental pour reprendre pied - son rôle historique - dans le jeu proche-oriental.

Car la donne très figée actuellement dans le bassin égyptien n'interdit nullement - dans l'absolu - le passage de cette multiplicité de dialectiques (autour de la Syrie, de la Turquie kurde, de Gaza et du Sinaï) à autant de polylectiques par la convocation de nouveaux acteurs-entrants.

Si l'Egypte n'a pas encore les moyens de jouer le rôle de nouvel acteur, elle peut néanmoins servir de cheval de Troie, avec tact et mesure, sur les théâtres dont elle est déjà l'acteur, pour un tiers usant lui aussi de subtilité.

Mais je concède que tout cela n'est pas de la plus grande plausibilité, surtout pour ce que nous en voyons.
Il faudrait une grande neutralisation des autres acteurs pour en venir à la réalisation d'une telle hypothèse. Mais ce type de jeux demeure toujours ouvert... Je souhaitais juste le mentionner.

Bien à vous,
Cl'H

egea : le jeu demeure d'autant plus ouvert qu'il est extrêmement fluide actuellement, avec les bouleversements qui se renvoient les uns aux autres

2. Le vendredi 17 août 2012, 21:02 par

"On voit en fait deux évolutions de court terme : la première tient à la lutte de prestige entre l’Égypte et l'Arabie, entre Al Ansar et le gardien des lieux saints [...]"

Au lieu d'Al Ansar (les partisans/compagnons ?), ne voulez-vous pas plutôt parler d'Al Azhar, le centre intellectuel cairote et l'un des meilleurs produits d'exportation égyptien ?

L'affirmation egyptienne va aller crescendo à mon sens, mais piano avec Israel. Par contre je prévois un emballement du tempo si l'Iran devient nucléairement crédible.

egea : oui, Al Azhar, je corrige.

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