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Quelques considérations de cyberstratégie

Les travaux de préparation du Livre Blanc évoqueront le cyberespace et les formes de l’action stratégique que la France devra adopter. Que pourrait-on dire au sujet du cyber ?

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I/ Le cyber est une opportunité stratégique pour les décideurs politiques La gestion des conflits actuels constitue une difficulté pour les décideurs politiques : en effet, l’outil simplement militaire n’est pas toujours des plus simples à utiliser (visibilité médiatique, efficacité de longue durée, risques humains, …). C’est pourquoi le décideur apprécie les approches indirectes : forces spéciales ou drones, par exemple (voir billet sur drones).

De ce point de vue, le cyber constitue un nouveau moyen de développer ces approches indirectes. En effet, la lutte dans le cyberespace n’est pas simplement défensive : elle peut être offensive. Cela tient à l’opacité du cyberespace : contrairement à une opinion commune, on peut y agir sans être identifié (règle de l’inattribution), et l’on peut porter des coups qui permettent de gagner du temps (cf. exemple de Stuxnet qui aurait permis de décaler de deux ans le programme nucléaire iranien).

Dans le cadre du livre Blanc, cette faculté cyber doit être considérée comme une opportunité et encourager une démarche capacitaire (rappel : une capacité = DORESE : Doctrine, Organisation, Ressources humaines, Entraînement, Soutien, Équipements).

II/ Une démarche stratégique globale est nécessaire Surtout, cette démarche doit être globale, incluant :

  • la stratégie militaire
  • la sécurité des pouvoirs publics et des administrations
  • la défense des infrastructures vitales
  • la guerre économique
  • la protection des libertés individuelles

Le Livre Blanc doit bien sûr insister sur la cyberstratégie miliaire, mais il doit également indiquer les pistes pour encadrer la démarche globale de l’Etat (rôle de l’ANSSI, aspects économiques, etc.).

III/ Le développement d’une doctrine de cyberstratégie est attendu Il est donc nécessaire d’élaborer, conformément à ce que suggère le rapport Bockel, une rhétorique stratégique qui explicite la doctrine française de cyberstratégie. Certaines nations le font de plus en plus clairement :

  • Stratégie Obama de cyberstratégie qui affirme des postures offensives et la possible qualification d’actions cyber hostiles comme des actes de guerres.
  • Déclaration d’Ehud Barack, en Israël en juin, déclarant le développement de capacités offensives dans le cyberespace.

En effet, la rhétorique appartient, désormais, à la stratégie : c’est ce qu’on retient du nucléaire, mais cela appartient très logiquement à la troisième couche sémantique du cyberespace (qui s’ajoute aux deux autres couches matérielle et logicielle).

  • Ainsi, le fait que la Maison Blanche avalise au printemps son implication dans le développement de Stuxnet constitue le dernier élément stratégique de ce virus : après avoir attaqué la couche logicielle de la centrale de Natanz, Stuxnet est utilisé dans la couche sémantique pour délivrer un message stratégique.

Réf : voir aussi la tribune de la RDN : "Cybedéfense, passer à l’offensive", de Damien Gadiou.

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 4 octobre 2012, 21:15 par yves cadiou

Dans ce débat sur le cyber vous devez admettre, et ne pas oublier, qu’il y a des gens qui n’y comprennent rien et qui n’y comprendront jamais rien. C’est mon cas. Vous pouvez tout juste espérer que nous comprendrons que nous ne comprenons rien.

Déjà je ne comprends pas, alors qu’il y a sûrement une explication, pourquoi en juillet Olivier Kempf nous dit « avez-vous remarqué à quel point les illustrations du cyber sont la plupart du temps polarisées autour de la couleur bleue, et souvent bleue électrique ? » http://www.egeablog.net/dotclear/in... et qu’en octobre il nous colle une illustration qui est d’un rouge affirmé , quoique tirant légèrement sur le mauve-beurk.

Comment voulez-vous que comprenne quelque chose au cyber la génération du papy-boum dont la vue baisse, celle qui autrefois apprit les télécommunications avec des téléphones à cadran et qui a vu le poste de TSF (la radio, branchée sur le secteur) remplacé par la télévision en noir & blanc : une énorme lampe considérée comme une merveille de technologie, déclarée cancérigène comme tout ce qui était nouveau. Et ça ne marchait qu'à condition de n’être pas trop loin d'un émetteur. L’image que montrait le poste de télévision (on ne disait pas « la télé ») se brouillait quand, sur le toit, un oiseau prenait l’antenne pour un perchoir. Les oiseaux non plus n’y comprenaient rien.

Pour me consoler de mon incompétence, je viens d’en parler à mon copain le héron de l’Erdre avec la certitude qu’il comprendrait encore moins que moi et qu’il saurait m’expliquer que ce n’est pas grave. La conversation ne fut pas exactement celle que j’attendais.

Donc ce matin à l’aube, je suis allé prendre mon café à la terrasse d’un de mes bistrots habituels sur la rive de l’Erdre.

Avez-vous observé qu’aux alentours du solstice il est de plus en plus facile de se lever à l’aube ? Je suppose toutefois qu’en même temps nous devenons tous un peu plus paresseux le weekend : j’étais donc dehors à l’aube mais je ne dis pas « dès potron-minet » parce qu’il n’y avait pas un chat.

Fraîcheur automnale, risque de rhume, mais je n’ai pas attendu pour rien : mon copain le héron est arrivé. « Comment fais-tu pour ne pas t’enrhumer ? » lui demandé-je. Il tourne la tête vers moi mais ne me répond pas, me faisant seulement signe « non ». Ah bon, il pense à autre chose ou il a vu passer son petit déj. Au bout d’un moment il me parle : « excuse-moi, j’étais en communication avec mon cousin qui est pique-bœufs à Marie-Galante. »

Comme vous pouvez le deviner, je lui réponds à peu près ceci : « ????? » Voyant mon étonnement, il ajoute : « ah oui, j’oubliais : tu ne peux pas savoir, alors je t’explique. Comme tu peux t’en douter, nous les oiseaux nous sommes équipés d’un GPS biologique. C’est pourquoi nous ne nous égarons jamais même lorsque nous parcourons de longues distances.
---- Jusque là, j’arrive à comprendre et ça me paraît même évident. Mais ne me dis pas qu’en plus vous avez un téléphone biologique ?
---- Ben si, je te le dis. C’est comme ça. Nous les oiseaux, nous n’avons aucun problème de liaisons. Le seul problème parfois, c’est qu’il y a des dindes qui saturent le réseau en se mêlant de tout.
---- Ah, des dindes ? J’aurais plutôt pensé que les pies-jacasses saturaient le réseau.
---- Non, les dindes. Mais avec les copains on a trouvé un truc pour les faire taire : on évoque Noël ». En disant ça, il ricane. Puis il ajoute : « mais toi : tu venais me parler de quoi, de si bon matin ?
---- Du cyber : c’est un truc auquel je ne comprends rien.
---- Oui, le cyber : je vois. Mais ça ne vaut pas le coup de te tracasser pour ça : dans très peu de temps, quelques siècles seulement, vous n’en aurez plus besoin.
---- Comment ça, on n’en aura plus besoin ?
---- Réfléchis un peu, mais réfléchis avec beaucoup de modestie : pense d’abord à l’incroyable quantité de hasards heureux qu’il a fallu pour que la vie apparaisse sur Terre.
---- Je ne vois pas bien où tu veux en venir, mais je comprends : par exemple on sait que sans la Lune pour équilibrer la rotation de notre Planète, les conditions nécessaires à la vie n’auraient pas été réunies. Et quelle est la suite de ton raisonnement ?
---- Pense ensuite à l’évolution qui s’est produite depuis l’apparition de la vie jusqu’à maintenant. Et sois modeste : tu crois que rien de plus achevé que tes pareils et toi ne pourra exister. Si tu crois ça, c’est que tu es un petit bonhomme prétentieux : tes lointains descendants seront beaucoup mieux que toi. Il y a dans ton cerveau beaucoup de place, beaucoup de parties inutilisées qui peu à peu, à mesure que les générations se succéderont, seront utilisées. Aujourd’hui vous êtes, j’en conviens, les êtres les plus doués de la Création mais dans l’avenir vos descendants seront plus perfectionnés que vous, avec des talents naturels qui ressembleront à ceux dont nous, les oiseaux, sommes dotés dans nos cerveaux qui sont pourtant très petits.
---- Et par conséquent tu me dis que je ne dois pas me tracasser à cause du cyber parce qu’on est en train de le mettre en place pour rien ?
---- Non, pas pour rien parce que vous en aurez besoin pendant quelque temps. Et quand vous n’en aurez plus besoin, vous continuerez à l’entretenir et le faire fonctionner comme vous faites pour les vieux bateaux à voile qui n’ont pourtant plus leur utilité, par exemple le Belem, amarré sur la Loire pas loin d’ici. Et en attendant, tu as des amis qui comprennent le cyber et n’ont pas besoin de toi pour s’en occuper : alors ne te tracasse pas.
---- J’aimerais comprendre quand-même.
---- Non, ça ne servira à rien que tu te mettes martel en tête.
---- Mais c’est désagréable d’être visiblement le seul à ne rien comprendre.
---- Au contraire, c’est une preuve d’honnêteté intellectuelle. Parce qu’entre nous : je suis sûr que parmi ceux qui semblent comprendre, il y en a qui font seulement semblant. Si tu veux faire semblant, c’est facile : tu apprends des mots et des phrases toutes faites et tu les places au bon moment. C’est ce que tu veux ?
---- Tu sais parfaitement que non.
---- Bon, alors continue de chercher à comprendre en vain et d’avouer honnêtement que tu n’y comprends rien ou pas grand' chose, c’est le mieux que tu puisses faire. »

Il se tait un moment et semble penser à autre chose. Il reprend : « mon cousin pique-boeufs de Marie-Galante n’avait pas raccroché et il t’a entendu : il te conseille de prendre un petit verre de rhum avec ton café, c’est bon pour le moral. Là-bas, ils appellent ça "le décollage". »

egea : ah! les chroniques du héron... Poursuivez vos dialogues échassiers, M. Cadiou, j'adore.

2. Le jeudi 4 octobre 2012, 21:15 par papy

@ yves Cadiou,
bonsoir, permettez moi de réagir à votre phrase:
"Comment voulez-vous que comprenne quelque chose au cyber la génération du papy-boum..."
n'oubliez pas que la génération du papy boom c'est aussi celle qui a inventé l'informatique, les protocoles, les langages de programmation et...l'internet. Vous usez et abusez d'un stéréotype dominant, non le "hacker" n'est pas un jeune boutonneux de 15ans, les meilleurs sont d'age mûr (voir +). Les pionniers des langages de programmation nous quittent (Dennis Ritchie 1941-2011) et les chantres du "libre" sont sexagénaire (Richard Stallman né en 1953)...
Vous n'y comprenez peut être rien comme vous le dites, mais ce n'est pas affaire de génération, rien n'est perdu...:)

3. Le jeudi 4 octobre 2012, 21:15 par yves cadiou

@ « papy » (comm’ n°2) : bien entendu, j’ai forcé le trait. Et je parlais surtout du grand public (dont je fais partie) et non des « happy few » qui, par des circonstances diverses, ont été amenés à tutoyer l’informatique à un âge moins avancé que la plupart de leurs contemporains.

Ma remarque au sujet de ma génération visait seulement (en forçant le trait pour ne pas dramatiser) à signaler aux gens qui parlent de cyber et qui veulent, je suppose, être compris par le plus grand nombre, que certains lecteurs ont de la difficulté à suivre.

Quant aux hackers boutonneux (stéréotype dominant comme vous le dites), c’est parce qu’ils se font pincer que l’on parle beaucoup d’eux. L’existence de hackers chevronnés est plus discrète parce que ceux-ci ne se font pas pincer.

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