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Vauban et la géométrie

Dimanche, promenade dominicale dans le parc de Saint-Cloud : entrez par le côté de Sèvres et pas celui de Saint-Cloud, payez l'octroi de 5 euros, grimpez les lacets (vous êtes en voiture, pas besoin de vous doper comme Lance), et parquez vous sur la place ronde. De l'autre côté de l'esplanade qui domine Paris (splendide point de vue), prenez la très grande allée jusqu’à un autre rond point. Et là, à vos une heure, infiltrez-vous dans la lisière pour joindre une petite clairière à dix mètres.

source

A l'orée de la "Parcelle des 24 arpents" vous voyez alors quelques levées de terre. EN observant un peu plus attentivement, vous constatez qu’elles dessinent des sortes de tranchées qui se recoupent avec des angles aigus ou obtus, c'est selon. De quoi s'agit-il ?

Des reproductions d’entraînement, installées ça vers 1712 ou 1713, paraît-il pour éduquer le prince d'Orléans, qui allait devenir le futur Régent à la mort de Louis le Grand. Et ces bastionnements reproduisent les prescriptions de Vauban, Sébastien Le Prêtre de son état, maréchal de France et plus grand Poliorcète de tous les temps.

Déjà, la chose est émouvante pour qui a admiré les plans reliefs et lu l'art des fortifications (illustré) sans même parler des Oisivetés (livre de référence). Je voue une grande estime à M. de Vauban, un des premiers géopoliticiens français, ainsi que je l’écrivais dans un long article paru il y a qq mois dans Stratégique (ici et ici).

Mais ce n'est pas seulement pour cette pointe de nostalgie que je vous entretiens de tout cela. Car en voyant "sur le terrain" ces levées géométriques, je me suis fait la réflexion : les mathématiques au service de la guerre. Allons plus loin : la géométrie, la science au service de la guerre.

Du coup, je m'interroge : faut-il paraphraser Lacoste (voir billet ici) et dire que "la science, ça sert, d'abord, à faire la guerre" ?

Au fond, les sciences, à quoi ça sert ?

  • Religion (de l'astrologie à l'astronomie, de l'alchimie à la chimie)
  • Commerce et enrichissement (boussole, araire, ...
  • Guerre : Géométrie... Mais les Chinois inventent la poudre et ne s'en servent pas à la guerre.
  • La révolution technologique modifie la guerre : cf. toutes les RMA, ou plutôt la seule RMA qui débute au XIV°, selon Laurent...

Bref, tout plein de questions, et les scienteux, vous allez enfin pouvoir vous exprimer.

On lira en complément un petit Que sais-je que je viens d'acquérir, sur les conseils de Jérôme Pellistrandi : Histoire de l'armement, par le colonel Ailleret : ça date de 1947, et ça se trouve pour 3 ou 4 euros sur les sites par correspondance !

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par

La guerre étant l'activité humaine par essence, la réponse est bien sûr oui. Mais dans le cas des fortifications c'est un peu particulier puisque c'est une science de l'adaptation et jamais de l'anticipation. D'ailleurs on évoque souvent les échecs ou les dépassements de la technologie poliorcétique pour évoquer cette dernière; on pourrait presque dire que l'histoire des fortifications se confond avec celle de leur prise...
Concernant Vauban il ne révolutionne en rien la science, il ne fait qu'adapter ce que l'on appelle le tracé italien à la France en l'améliorant, mais rien de révolutionnaire. Ce dernier est apparu comme son nom l'indique en Italie à la suite des guerres du même nom et de la redécouverte des travaux de Vitruve. Le passage de la fortification médiévale au tracé italien est avant tout l'histoire de l'adaptation à une artillerie utilisant des boulets en métal et plus en pierre, qui donc ne se cassent plus en heurtant les murailles. De la même manière les fortifications Serré de Rivière seront la réponse à la généralisation des obus "torpille" qui rendent caducs les anciens forts. Par contre son apport est plus de niveau géopolitique comme tu le fais remarquer avec la ceinture de fer qui crée une frontière et une série de points d'appuis offensifs et défensifs, offrant une nouvelle manière d'envisager les opérations sur l'arc Nord-Nord-est.

PS: contrairement à la légende les Chinois se sont servis de la poudre à des fins militaires mais de manière limitée et sans inventer d'armes comparables aux arquebuses individuelles.

2. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par Jean-Yves Euzenat

Bonjour OK,
Je suis complètement hors sujet mais comme vous parlez fréquemment de cyberdéfense, je vous transmet un lien qui traite de cybersécurité ...
http://www.opex360.com/2012/10/12/l...
C'est pour moi, le vocable chapeau du domaine cyberespace au sein duquel on peut distinguer le volet défensif et le volet offensif : appelons les cyberp-rotection (c'est mieux que cyberdéfense qui prête à confusion ...) et cyber-attaque.
Il reste naturellement à définir des cyberstratégies tant dans le domaine de la Défense nationale et de la Sécurité intérieure que dans le domaine des entreprises, des SAIV ...et des individus.
Par ailleurs, je ne pense pas que les informations véhiculées, transmises ou détenues par les réseaux et systèmes d'informations fassent partie intrinsèquement du cyberespace. Ou alors il va falloir remonter à l'antiquité car l'espionnage, la tromperie, etc n'ont pas attendu les réseaux et les systèmes d'information tels que nous les connaissons ...

egea : merci du lien. Pour cyberdéfense vs cybersécurité, off/def, ou information incluses ou non, voir mon prochain bouquin, "Introduction à la cyberstratégie", dans un mois...

3. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par Laurent

Plusieurs remarques :
1. Pour commencer, NM a parfaitement raison de rappeler que les Chinois se sont servis de la poudre à des fins militaires. Et j'ajouterais : et même encore bien plus qu'il ne le dit ! Simplement, chez eux, cela n'a pas provoqué de "révolution militaire", pour de nombreuses raisons, que j'expliquerai prochainement dans un Cahier de l'IRSEM...
2. Vauban n'était pas un géopoliticien. D'une part le terme n'existait pas encore, et il n'insérait pas véritablement sa réflexion dans une vision "mondiale". Sa vision était globale en ce sens qu'il articulait la question des fortifications à l'ensemble des questions militaires, et ces dernières à l'ensemble de la politique de puissance d'un Etat, y compris dans ses dimensions économiques et sociales. Maintenant, il est bien vrai qu'il n'a absolument pas inventé le système de fortification "bastionnée", que l'on doit effectivement aux Italiens, près de deux siècles avant lui.
3. Pour la bibliographie, il y a de multiples ouvrages bien plus intéressants, importants et pertinents que celui d'Ailleret, qui est bien trop marqué par un positivisme et un scientisme pour collégien de la IIIe République... Notamment en ce qu'il n'explique pas suffisamment les nombreux liens entre les questions scientifiques et techniques, d'une part, et les questions philosophiques, anthropologiques, politiques et sociales, de l'autre. Je ne vais pas fournir ici une bibliographie complète, et je me contenterai d'un seul ouvrage, presque au hasard (en tout cas, le premier qui me vienne à l'esprit) : William McNeill, "La Recherche de la puissance", traduit chez Economica.

4. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par BQ

Vauban...
Inventeur de la baîonnette à douille certes, mais surtout entrepreneur en fortifications, et proto-industriel dans le domaine!
Une belle idée de balade, l'attente du prochain Cahier de l'Irsem...merci!
Effectivement, au Japon cela est certain, et probablement en Chine peu après sa découverte, la poudre a été utilisée à des fins de (re)présentations de puissance, de prestige et d'esthétisme cosmographique.

5. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par Colin L'hermet

Vauban ?
C'est bien ce gaillard qui avait un peu trop d'idées sur tout ? Il me souvient d'une somme sur la révision des impôts, qu'il avait eu l'outrecuidance d'adresser au roi ?
Comme quoi il était fort dans l'observation d'un fait et la recherche de son amélioration.
Mais piètre politicien, comme tous les ingénieurs. Il ne sut pas, spontanément, se taire.
Il a bien fait de raboter, rehausser, étendre, chicaner, bref, construire. Car ainsi il lui fut beaucoup pardonné.
Bien à vous,
Cl'H

égea  ça s’appelait "mémoire dur la dîme royale". Les ingénieurs, piètres politiques ?

6. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par Laurent

Attention ! les armes à feu ont été non seulement inventées mais abondamment utilisées en Extrême Orient ; ça n'était pas que tu "théâtral", très loin de là !!

Par ailleurs, un petit détail : ça ne sera pas "le" prochain Cahier de l'IRSEM, mais "un" prochain Cahier de l'IRSEM...

7. Le jeudi 11 octobre 2012, 22:11 par Colin L'hermet

a/s de mon commentaire.5, la blague nulle sur les ingénieurs, je me sens obligé de développer : c'était de l'autodérision.
Pour ma part, il m'a fallu beaucoup désapprendre de la logique ingénieriale pour parvenir à être efficace au service de l'Etat, comme ce dernier l'entend.
Sans autre commentaire./.
Colin./.

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