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Les cartes, enjeux politiques (E. Girard)

Voici un excellent petit livre, qui ravira le géopolitologue amateur qui se pose, forcément un jour, la question de la "carte". Celle-ci n'est pas qu'une "représentation" géographique, elle n'est pas aussi objective qu'on le croit de prime abord, et chacun a déjà feuilleté tel ou tel atlas qui montre, justement, des présentations différentes qui cachent bien des idées politiques. Mais quand ces atlas sont "démonstratifs", ils oublient une considération générale sur la carte. Ce petit livre intelligent permet de répondre à l’essentiel des questions.

1/ Eudes Girard est chargé de cours à l’université et enseignant au lycée Hoche de Versailles. Il témoigne donc d'un vrai souci pédagogique, marqué par une culture étendue (on devine qu'il a non seulement lu pendant ses études de géographie, mais aussi médité ses lectures), et désireux de faire comprendre.

2/ Un petit livre de 175 pages qui se lit en une semaine : l'idéal pour devenir intelligent en prenant les transports en commun ! Pas mal d'illustrations (curieusement, et c'est un petit reproche, il n'y a pas de liste des cartes, ni leurs références, ni leurs auteurs : quelle surprise pour un amoureux des cartes qui a su convaincre un éditeur d'insérer ces nécessaires illustrations et qui oublie ce minimum-là..).

3/ 9 brefs chapitres, denses mais lisibles, dans une langue simple pour évoquer des choses sinon compliquées, du moins requérant parfois de l’abstraction : la carte n'est-elle pas une abstraction de la réalité, et donc une déformation ? et penser la carte n’entraîne-t-il pas, en conséquence, une abstraction au carré ? Cet effort n'est jamais pesant, au contraire, et c'est le très grand mérite de ce livre : être intelligent et cultivé sans être pédant.

4/ J'ai l'habitude de lire sur papier pour la bonne et simple raison que je le fais un crayon à la main, pour souligner tel ou tel passage. Le signe du succès d'un livre ne réside pas dans son grabouillage (enfin si, c'est un premier signe) mais dans le nombre d'annotations en marge (illisibles par tout autre que moi, bien sûr : plus tard, je ne comprends d'ailleurs pas les subtilités de mes commentaires, quand il m'arrive de réussir à les déchiffrer : mais, n'est-ce pas, les manies, ça ne se discute pas). Ce petit détour pour vous dire que cet ouvrage m'a inspiré. Qui sait, peut-être recyclerai-je quelques idées dans un prochain billet ?

5/ Comme par exemple la dissertation sur les deux fonctions de la carte :

  • pour les Grecs, elle sert à représenter, ce qui témoigne d'une approche philosophique de la vie
  • pour les Romains, elle sert à circuler, ce qui témoigne d'une approche utilitaire de la vie.

Du coup, je me suis posé la question : l'empire, c'est la route ? Oui, bien sur, même si cette route n'est pas seulement terrestre : elle peut être navale (La Grande-Bretagne, ou les États-Unis) mais aussi ferrée (le transsibérien russe). Allons encore plus loin : chaque milieu a-t-il ses routes permettant de fabriquer un empire ? quel est l'empire des airs ? quel est l'empire spatial ? quel est l'empire cyber ?

En attendant, je vous le conseille vivement.

Les cartes, enjeux politiques (E. Girard), éditions Ellipses

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 22 novembre 2012, 21:51 par AGERON Pierre

Sur les problèmes de fabrication, représentation, de pouvoir et d'exactitude liés à la carte, un classique
R. Brunet, La Carte, mode d'emploi, Fayard, 1986

egea : il est cité dans la bibliographie, et commenté ici ou là, bien sûr, ainsi que quelques autres (Foucher, Levy, Frémont, ...)

2. Le jeudi 22 novembre 2012, 21:51 par Gautier DREVET

Selon moi les cartes ont un apport essentiel : elles fixent l'esprit. Elles permettent de mieux comprendre les interactions qui existent à moment donné.

Malheureusement on a les défauts de ses qualités: les cartes offrent une vision statique d'un monde qui ne l'est pas...

Ainsi j'aimerais avoir votre avis sur l'émission le dessous des cartes sur Arte présentée par Jean-Christophe Victor (disponible en rediffusion sur internet), réussit-il selon vous à palier ce défaut ?

égéa : je suis gêné, car je regarde très peu la télé (sauf les matchs de rubgy) et n'ai donc que rarement regardé JC VIctor... Mais quelques fois quand même ! Le dessous des cartes est habile, car il introduit justement la dynamique que vous évoquez : il n'y a pas qu'une question d'échelle, mais aussi de temps, et pour cela c'est bien, et vous avez raison de le souligner.

J'aurais juste un petit reproche : le fond de carte me semble un peu trop chargé, et sous entendre le relief n'est pas toujours nécessaire. Surtout, on peut avoir des représentations cartographiques alternatives (présentations polaires ou projections non Mercator standard, par exemple) qui, parfois, permettent de mieux comprendre les choses.

3. Le jeudi 22 novembre 2012, 21:51 par

1- Aymeric Chauprade dans son Dictionnaire de géopolitique a écrit un très bon article en une page sur la carte qui commence ainsi :
« Pas de carte sans géopolitique, pas de géopolitique sans carte », tel pourrait être l’adage du géopoliticien.
(Je ne sais pas si Chauprade oppose géopolitologue et géopoliticien autant que le fait par exemple HCB entre stratège et stratégiste).

2- Même auteur dans son Géopolitique : constantes et changements dans l’histoire (3ème édition 2007). Une partie « Révolutions techniques » revient sur les évolutions majeurs : navigation maritime, industrie et … air et espace. On y parle d’aéropolitique, d’aérocratie et de conquête spatiale.
Sauf erreur nulle mention de cyber . Dix ans plus tard y aurait-il eu un chapitre « cyberpolitique et cybercratie » ?

égéa : la distinction géopolitologue géopoliticien est de mon fait. LA géopolitique est d'abord, et pour la plupart, de l'ordre du logos, de l'analyse. Les praticiens sont les chefs d'Etat, les chefs militaires. Rares sont ceux à la fois -logues et -ciens : Kissinger en est l'archétype. Quant à moi, je ne suis que géopolitologue.

Pas de géopolitique sans cartes : oh que oui, et nous allons le prouver bientôt !

Quant à la géopolitique du cyber : évidente, je l'ébauche ds mon bouquin. On y reviendra !

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