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Dirigeant et rationalité

Les lecteurs d'égéa ont remarqué que je reviens, de temps à autres, à la question du dirigeant et du commandement. Discutant l'autre jour avec J Phi, sur un projet que nous avons en commun, il me demande si je connais Herbert Simon ? Et subitement, plein de réminiscences surgissent et, quelque part, une question sous-jacente : comment ai-je pu "oublier" Herbert Simon ?

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1/ Herbert Simon est un économiste américain, qui a beaucoup remis en question un des grands soubassements de l'économie néo-classique : l'accès parfait à l'information de tous les acteurs (une des conditions des marchés de concurrence pure et parfaite). Il montre que c'est impossible (voir ici ou ici ou ici). Dès lors, l'homo œconomicus prend ses décisions sans "toute" l’information, donc en rationalité limitée. L'expression qui fit la célébrité de H. Simon est donnée : elle lui fera recevoir le prix Nobel d'économie.

2/ La théorie est intéressante à plus d'un titre : pour l'explication de l'économie (aussi bien celle du consommateur que celle du fonctionnement de l'entreprise) tout d'abord. Toutefois, je ne crois pas me souvenir qu'elle s’intéresse au rôle particulier du dirigeant. Or, si celui-ci est un facteur de production "en soi" (à égalité de statut que le capital ou le travail), sa prise de décision doit intéresser au plus au point l'analyste. La rationalité du dirigeant est forcément limitée, et donc ses décisions sont forcément "partielles". Autrement dit, nous retrouvons ici ce que nous avons déjà constaté par ailleurs : il n'y a pas de décision sans incertitude. Décider dans la certitude, ce n'est pas décider.

3/ Cela renvoie également à la question de "l'information", et donc à mes interrogations sur le cyberespace. Je sais, Yves Cadiou nous dit qu'il n'y comprend rien et qu'il ne voit pas où est le problème : je comprends cette attitude (ce choix de la limitation de la rationalité, soit-dit en passant : Yves décide de ne pas faire l'effort de s’intéresser au cyber : choix, assumé, et respectable en tant que choix). Il reste que j'aperçois une chose, d'une certaine façon "contradictoire" (quantique, dirait l'autre ?) : à savoir que le cyber introduit une théorie de l'information, et que dans le même temps nous constatons cette information imparfaite. D'un côté, profusion de l'information : de l'autre, limitation de l'information. Je n'ai pas la solution, juste l'intuition d'un problème.

4/ J'en arrive à cette interrogation : pourquoi avoir oublié H. Simon ? alors que ses théories sont si séduisantes et plaisent forcément à tout économiste curieux, et non embringué dans un catéchisme économique, de droite ou de gauche ? Mais si je l'ai oublié, c'est aussi que "l'on" n'en parle plus. Et que d'ailleurs, l'avez vous remarqué, il n'y a plus de débat économique (je veux dire : de débat de théorie économique) qui arrive aux rivages du grand public. Est-ce une coïncidence si ce la s'accompagne de l'impression d'une grande médiocrité des "décideurs" politiques (que ce soit dans l'ordre économique, politique, sans même parler de stratégique) ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 14 décembre 2012, 22:18 par Thierry de Ravinel

En plus du problème de l'incertitude, il y a aussi l'individualisme excessif de l'homo eonomicus qui mériterais sans doute d'être remis en question (et l'a d'ailleurs été par Paul Jorion et par d'autres). Ceci pour au moins deux raisons (il y en a bien sur d'autres):
Une première assez évidente: les décideurs, comme le vulgum pecus sont souvent incités à la décision par les modèles ambiants, où les habitus, qui sont pris comme argent comptant alors qu'il ne s'agit assez souvent que de phénomènes de mode (cf. "misère de la pensée économique").
Plus radicalement, le caractère social est certainement assez profondément ancré dans notre culture et dans notre être profond. Nous agissons parfois autant pour préserver les intérêts ou la survie de notre groupe social ou par extension de notre patrie que pour nos propres intérêts (et les militaires connaissent ce sentiment profond, qui prend sans doute racine dans un instinct assez fort). Il ne s'agit pas ici de morale mais de conformation de l'espèce...
Le groupe social, avec son identité élémentaire, recherche donc les leaders capable de l'organiser pour la survie, ou le faire fructifier les cadesaux de mère nature (le "bon PDG"). Il est prêt à le récompenser, (cf. l'exemple cité par M Jorion des pécheurs appréciant que le mareyeur possède une belle Mercedes), pour autant que celui ci joue réellement son rôle d'animateur et de protecteur du groupe (quid des patrons voyoux?).
Il faudrait bien entendu prolonger cette analyse, mais aller dans cette direction permet d'admettre la récompense du risque et de l'initiative, tout en soulignant les responsabilités humaines de celui qui a choisi d'assumer ce type de leadership...

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