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Paradis cyber ?

Juste des questions, des pistes à creuser..... Mais un bon exemple de géopolitique du cyber.

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1/ A une conférence sur la géopolitique du cyber, quelqu'un me pose la question : n'y a-t-il pas une possibilité d’équivalent stratégique du paradis fiscal dans le cyber ? Par exemple, des micro territoires qui deviendraient des bases de passage pour des attaques ? J'ai répondu que je n'y avais jamais pensé, mais que l'idée me séduisait beaucoup.

2/ Il reste que "territorialiser" des attaques, c'est lever en partie le principe de l'inattribution : quel intérêt ?

3/ D'un autre côté, comme je l'évoque dans le livre, on peut également imaginer, sur l'exemple du principe stratégique des corsaires (sans même parler des "bases de pirates"), la possibilité de bases "extérieures" qui permettent à tel ou tel pays de décentrer une partie de ces attaques. Une zone "hors droit", sur une île des Caraïbes (que tous ceux qui pensent à Guantanamo ou aux Caïman aillent au fond de la classe, bande de mauvais esprits).

4/ Alors, l'intérêt serait non de se désengager du droit international du cyber (en matière de droit des conflits armés, il n'y en a pas) mais de se dégager de la législation nationale (qui en revanche, pays par pays, présente un vrai arsenal pénal "anticriminalité"). DU coup, on trouverait la même logique que celle qui préside aux paradis fiscaux : ils n'existent que pour échapper aux régulations nationales (puisque l'impôt, c'est d'abord national). Tiens : savez vous qu'il y a cinquante paradis fiscaux en Europe et seulement uen dizaine dans les Caraïbes ? J'ai appris le chiffre l'autre jour, je ne sais s'il est vrai mais il est vraisemblable. Et dans les paradis fiscaux, je ne compte pas la City, hein....

5/ Dernier exemple : un pays en difficulté économique, promulgue des lois permissives et du coup, tous les flibustiers de la planète s'y précipitent et, payant une somme modique, bénéficie d'une couverture "légale" splendide. C'est ce que serait en train de faire l'Islande (signalé par B. Nadoulek dans son point 4). Nous sommes là dans la logique originelle du "paradis fiscal".

Nous vivons une époque formidable.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 21 décembre 2012, 20:08 par Ph Davadie

Intéressant, cela rejoint une question que j'avais proposée comme sujet de mémoire dans une école de formation (finalement non retenu) : quelles sont les conditions qui pourraient mener à la constitution d'un "pavillon de complaisance" dans le cyberespace ?
L'idée ne serait pas de s'abriter derrière ce pavillon pour mener des attaques contre un autre pays, mais de s'affranchir de ce que la législation du pays d'origine interdit (piratage d’œuvres dites artistiques, par exemple).
L'intérêt pour l’État hôte étant de récupérer "quelques" subsides en échange d'une tranquillité totale sur certaines cyber-activités, mais pas pour toutes afin de ne pas heurter le puritanisme actuel. Ainsi, megaupload (entre autres) serait autorisé et à l'abri des poursuites et perquisitions des fédéraux.
Ce qui (re)pose, du coup, la question des frontières du cyber, si tout est permis dans un paradis cyber et pas ailleurs. Car la cyber communauté internationale pourrait menacer de couper les tuyaux de l'internet alimentant ce cyber paradis, mais si cet "infernal paradis" a su se rendre incontournable par l'hébergement d'activités importantes (finance par exemple) la donne devient plus compliquée.
Et d'ailleurs, une bonne partie des États n'y verraient-ils pas leur intérêt en y "domiciliant" leurs cyber services secrets barbouzards ?
Une incidente : de même qu'il y a une "haute mer" où les droits nationaux ne s'appliquent pas, peut-on envisager l'existence d'un "haut cyber" où ne s'appliquerait qu'un droit international restant à définir ?
Et une autre question incidente : si des paradis (fiscaux, gastronomiques ou autres) existent, n'est-ce pas une réponse à l'existence d'enfers (fiscaux, gastronomiques, etc.) ?

egea : oui, tes aperçus confirment l'intérêt du sujet. J'aime bien l'idée du "haut cyber". Pour la domiciliation des services, non, en revanche. K

2. Le vendredi 21 décembre 2012, 20:08 par Colin L'hermet

Bonjour,

Au fil de la lecture, me sont venues diverses observations, mais que vous développez graduellement :

. Wikileaks l'a prouvé, des dispositions légales nationales peuvent fort bien abriter-favoriser des actions illégales dans un autre : à ce stade via la facilitation de localisation matérielle des serveurs incriminés ; l'Islande avait su institutionnellement se prépositionner sur ce créneau avant de vouloir symboliquement et politiquement surfer la médiatisation autour d'Assange (lequel Assange fut un temps hérault avant de devenir point de fragilité de la machine Wikileaks) ;

. un serveur C&C de zombots-zombinet est un microespace qui souvent se loue à des tiers, la zone matérielle qui l'héberge et le cache est souvent choisie avec soin par ses propriétaires ; certes aucune légitimité au regard du droit international, mais la délocalisation de la "centrale" de ce réseau correspond éloigne-retarde (espace-temps) les risques de poursuites par le pays de commission du délit, mais on est strictement dans la criminalité ;

. l'initiative The Onion Routeur TOR (et équivalents) est un micro-espace qui "exfiltre" et anonymise les navigateurs nationaux et leur forunit un jeu de nouvelle IP dont la nouvelle origine brise le lien avec la précédente ; plus que de la complaisance, c'est de la "délivrance d'apatridie sur vrai-faux passeport" ;

. moins criminelles dans leur philosophie, les initiatives libertaires des hacktivistes comme le meshing de réseau PirateBox, sur laquelle je vous inviterais à vous pencher : des petits routeurs wifi de proximité indépendants des infrastructures.

Comme je l'écrivais, certaines démarches sont plus philosophiques que criminelles ; mais c'est à leur source. Dans les faits, au final, le résultat est le même : se soustraire à l'oeil public ou l'oeil général, oscillant entre protection et furtivité.
Choix forcément jugé illégal dans le pays de ceux qui choisissent d'y recourir (à moins d'être le cas médical, i.e. un grand parano dans un pays très démocratique).
Alors ? Pourquoi avons-nous dénommé de tels espaces "paradis" ? StAugustin n'aurait pas aimé.

Bien à vous,
Colin./.

3. Le vendredi 21 décembre 2012, 20:08 par Ph Davadie

Je livre d'autres réflexions qui me sont venues :
- pourquoi se demander si le cyber paradis serait physique, tel un pays donné par exemple, alors qu'il pourrait être virtuel tels les réseaux de robots, voire les deux : une entreprise déclarée dans un paradis fiscal qui proposerait un hébergement "mouvant" afin d'échapper aux fédéraux par exemple. Donc une espèce de cloud, mais dont les serveurs changeraient perpétuellement pour ne pas être pistés et arrêtés, bref un cloud hébergé par un botnet. Tarifs en fonction de la "sensibilité" des données stockées et des services demandés par le client. Le prestataire se contentant de facturer des services immatériels tel le conseil, car ça fait légal.
- pourquoi paradis ? St Augustin in "La cité de Dieu", Livre XIV "Ainsi l’homme vivait au paradis comme il le voulait", mais je reconnais que la citation est tronquée... A croiser alors avec St Thomas, "Traité des fins dernières", questions 22 à 26.

4. Le vendredi 21 décembre 2012, 20:08 par Colin L'hermet

Bonsoir à tous,

Oui, oui, je me souviens très bien de mes survols de ses allégories-regards décalés entre cité divine et cité terrestre, entre âme et corps.
Et de l'intégralité de la citation :
"Ainsi l’homme vivait au paradis comme il le voulait, =aussi longtemps qu’il voulut ce que Dieu avait ordonné=." (Augustin d'Hippone, in La Cité de Dieu Liv.14 Chap.26, 1344)
Le paradis comme lieu de dérogation aux lois supérieures est donc une hérésie, si j'ose dire. En tout cas un fameux contresens.

Cette blague (nulle) mise part, une véritable observation :
De T.More à D.Defoe on pense souvent paradis comme circonscription insulaire, enclosure utopique cernée d'aversité, de malheur, ou de simple pesanteur du réel.
Notre imaginaire de paradis fiscal (Caïmans, Vierges, Bahamas, anglonormandes, etc) ou son analogie de paradis semble repose sur le offshore, hors les côtes. Voir la principauté de Kinakuta dans le roman de Neal Stephenson (Cryptonomicon t2 le réseau kinakuta, 1999)... avec toute l'importance des câbles sous-marins pour la desserte, on y revient toujours.
Mais pourquoi des îles ?
Et pourquoi pas des archipels ? Proximité, espace lacunaire, interstices, isolement et lien primordial, tout y figure.
Sur les archipels, et le potentiel philosophique de ce concept je renverrais vers la conception qu'en restitue E.Orsenna, par ailleurs pdt du Centre de la Mer de Rochefort.

J'essaierai de développer une autre fois.
Bien à vous,
Colin./.

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