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Cyber-électromagnétisme : la difficile frontière

Alliance géostratégique consacre son thème du mois à électromagnétisme et, notamment, ses usages offensifs. Ce billet est donc publié simultanément sur AGS et égéa. Il cherche à démontrer qu'il y a une incontestable confluence entre l’espace électromagnétique et le cyberespace. Pourtant, ils ne sauraient être confondus.

source

1/ Origine de l’espace électromagnétique

L’espace EM a d’abord été utilisé pour ses ondes, et leur capacité à transporter de l’information. De là vient l’arme des Transmissions (qui a fêté son 70 ° anniversaire cette année). Elle héritait des premières transmissions animales (les pigeons voyageurs) et filaires (fil rouge sur bouton vert….). Pendant la deuxième guerre mondiale, les radios étaient rares dans les chars. Ce qui explique qu’on utilisa longtemps un moyen annexe de transmission des ordres (en sus de l’acoustique et des ondes) : les dispositifs optiques (des télégraphes de Chappe aux ordres donnés au fanion, et des sémaphores aux panneaux air-sol qui équipent, encore aujourd’hui, la plupart des véhicules militaires).

L’arme des transmissions a inventé un certain nombre de procédés de « guerre des transmissions » que l’on a improprement appelé « guerre électronique ». Ils recouvraient plusieurs modalités, comme l’écoute (qui permettait notamment de reconstitué les dispositifs de commandement ennemis) ce qui constitua très tôt une source première de renseignement, toujours en vigueur aujourd’hui (le ROEM : renseignement d’origine électromagnétique), mais aussi l’intrusion ou le brouillage, deux procédés plus offensifs.

Il ne faut toutefois pas omettre tous les autres usages militaires de cet EM : radars, infrarouge, lasers (notamment en télémétrie), caméras thermique et, tout simplement, la bonne vieille boussole ! autant de dispositifs incorporés dans les différents systèmes d’arme, avec ces conséquences offensives ou défensives, comme l’illustrent les formes anguleuses des avions, navires et drones furtifs que nous voyons désormais apparaître (cf. la frégate La Gloire).

2/ Un cyber à l’origine filaire

A l’origine, l’informatique était bien distincte : elle était électronique, ce que rappelle le e- apposé en préfixe de tout un tas d’activités (e-learning, e-book, …). Il n’y a donc pas d’ondes, seulement des électrons qui courent le long de « circuits électroniques », bifurquant ou non, selon que le code est zéro ou un.

Peu à peu, le cyber s’est apparemment affranchi de cette couche « électronique » (au sens premier : où passent des électrons) pour utiliser d’autres vecteurs : fibre optique et ... ondes électromagnétiques.

Il y a donc une certaine fusion entre les transmissions de papa et les Systèmes d’information et de commandement (SIC) d’aujourd’hui. Les Transmetteurs, aujourd’hui, sont tous devenus informaticiens et alors qu’ils ne faisaient autrefois que planter des champs d’antennes, ils doivent aujourd’hui mettre en place des réseaux informatiques pour permettre aux PC de fonctionner. Lors du dernier Citadel Guibert, on m’a parlé de 70 km de câbles pour irriguer les différentes cellules de la Direx….

Toutefois, il ne faut pas omettre, la persistance des antennes et des ondes : en effet, les militaires continuent de communiquer par ondes afin de favoriser la transmission avec les éléments mobiles. Les Transmissions « comme avant » continuent de vivre, et de coexister avec les branchements informatiques.

De même, on observe la dématérialisation apparente du cyber, avec la montée en puissance du sans-fil : Bluetooth, wifi, satellites GPS : de plus en plus d’objets cybers utilisent l’espace électromagnétique.

Il reste que cela demeure restreint à la simple communication entre objets. Ceux-ci sont toujours constitués par une base électrique (énergie) et électronique (fonctionnement logique). Les fermes de données qui stockent l’information ne sont pas électromagnétiques.

Ces distinctions pourraient paraître spécieuse, et l’observateur conclure simplement à la fusion de l’espace cyber et de l’espace EM. C’est d’ailleurs ce que font la plupart. Malgré le mérite de la simplicité, une telle assimilation omet toutefois un développement récent, qui redonne une autonomie au milieu EM

3/ De nouveaux développements électromagnétiques

En effet, l’espace EM recèle d’autres facultés, exploitées par les fabricants d’armes.

Il s’agit de toutes les technologies de concentration d’onde qui, d’une façon ou d’une autre, produisent des effets physiques et destructeurs. On est loin, ici, des modalités du cyber. Et d’ailleurs, ce ne sont pas les Transmetteurs qui dirigent ces travaux, mais plus des ingénieurs et, d’une certaine façon, des artilleurs et des cavaliers qui voient là de nouvelles opportunités de tirs directs et indirects !

Il s’agit tout d’abord de l’impulsion électromagnétique, découverte dans les années 1960 à l’occasion de l’explosion d’une bombe nucléaire en altitude : la question n’est pas celle des radiations, mais de la diffusion d’une onde qui va « surcharger » tous les appareils électroniques, les rendant inaptes à l’usage : au sens premier, voici une arme de destruction massive. Une arme, qui détruit des composants électroniques, et de façon massive, même si elle n’est pas directement létale. Toutefois, on peut considérer que notre dépendance actuelle aux systèmes électroniques est-elle qu’il y aurait des morts, par exemple en considérant toutes les machines d’assistance médicale qui cesseraient d’un coup de fonctionner. Le tabou nucléaire et le fait que les conséquences de la frappe soient indistinctes ont rendu cette utilisation malaisée, même si on observe régulièrement des scénarios d’emploi (en milieu satellitaire, ou contre l’Iran). Ceci explique qu’on a cherché à instrumentalisé cet effet de concentration d’ondes EM par d’autres voies.

Toutes ces attaques physiques ont été énumérées par SD (ici) : « canon électromagnétique, laser, arme à effet calorifique, brouilleurs contre les récepteurs, armes microondes à forte puissance flash ou à effet dirigé contre les appareils électroniques ». Mais on peut penser à d’autres usages, défensifs (couche anéchoïque des bâtiments de la marine, cuirasse électromagnétique) ou simplement utilitaires (moteurs à aimant à supraconducteurs).

Autant d’utilisations différentes des ondes EM qui font qu’on ne peut réduire l’espace électromagnétique à un simple espace de transmissions, fusionnable dans le cyberespace.

Ainsi, la gamme d’utilisation de cet espace physique qu’est l’espace électromagnétique justifie qu’on ne le fusionne pas avec le cyberespace, même s’il a, incontestablement, une intersection.

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 29 décembre 2012, 22:55 par Ph Davadie

Une intersection comparable aux plages qui sont des espaces mixtes, mi-maritime mi-terrestre.
Avec donc des possibilités de vagues scélérates.
Et des tsunami causés par des tremblements de terre ?

2. Le samedi 29 décembre 2012, 22:55 par Colin L'hermet

Bonjour,
@P.Davadie
Un milieu dioptrique donc, selon le vocable très en vogue dans l'aéronavale et la marine.
On observera que tout devient graduellement intersection, la segmentation-sectorisation relativement réussie aux 2 siècles derniers afin de mesurer et comprendre la statique du monde, désormais supplantée par une globalisation universelle qui restitue la complexité de l'enchevêtrement dynamique de paramètres toujours plus interdépendants./.
CL'h

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