Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

BD de l'année

Il y a les bébés de l'année, évoquons les BD de l'année. Intéressantes, même si elles ne sont pas forcément enthousiasmantes ou captivantes.

Le serment des cinq lords est le dernier opus de Blake et Mortimer. Il est dessiné cette fois par Yves Sente et André Julliard. Dessin agréable, sans conteste, mais le scénario est légèrement déroutant. Avec de bonnes initiatives, et d'autres plus surprenantes.

En effet, l'action de passe en Angleterre, sans aucun voyage. De même, aucune atmosphère un peu mystérieuse : il s'agit en fait d'une enquête policière, bien menée d'ailleurs. Il est intéressant de mettre l'accent sur Blake plutôt que sur Mortimer, ce qui est heureux. Enfin, Olrik, l'infâme Olrik, n'apparaît à aucun moment, ce qui constitue une initiative intéressante. Mais du coup, à vouloir mener trop d’initiatives, il manque un peu des "codes" qui font le charme de Blake et Mortimer. C'est toute la question du "renouvellement" d'un genre. Disons que c'est le premier essai de cette nouvelle équipe, et que nous lui souhaitons d'ajuster le tir, old chap !

Moi, René Tardi, prisonnier de guerre au stalag IIB est publié chez Casterman par Jacques Tardi. On connaissait l'auteur fantasmagorique d'Adèle Blanc-Sec, et surtout l'incroyable dessinateur de la première guerre mondiale, jusqu'à l'outrance.

Voici un document très intéressant, BD par la forme même s'il s'agit, en fait, d'autre chose qu'une BD : d'habitude, celles-ci racontent une histoire inventée et romancée. Pas de ça ici, mais la mise en image, certes scénarisée, des carnets de guerre de René Tardi, le père de l'auteur, qui a été prisonnier de guerre pendant cinq ans en Poméranie orientale. Cela entraîne une sobriété très forte qui exprime l'intense émotion d'un fils réussissant, enfin, à mettre des images sur un passé qu'il commence à digérer, d'autant que le père, lui, n'avait pas digéré cette captivité, étant sans cesse en butte aux remarques de son propre père, ancien des tranchées. Entre un ancien combattant "de la Grande Guerre" et un ancien combattant qui a combattu mais fut rapidement emporté dans la défaite de mai juin 1940, il y a une génération étouffée que ressent profondément le fils, et qui explique l'acuité de son rapport à la Première guerre mondiale.

Du coup, cette BD décrit cette vie dans les camps de prisonniers, vie rarement décrite car cédant toujours l'attention aux autres camps, ceux de la honte. Et pourtant, il ne faisait pas bon vivre dans les Stalags, lieux eux aussi d'arbitraire. On ressent la colère froide et humiliée du soldat qui est obligé de ronger son frein. Cinq ans à encaisser, et on devine (on le verra dans le deuxième tome) à endurer, au retour, l'accusation d'avoir été battu. Une sécheresse émouvante et assurément éclairante, à la fois sur ce point d'histoire et sur la trajectoire de Tardi, père et fils.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 1 janvier 2013, 21:51 par Patrick Saint-Sever

Tout à fait d'accord sur les deux excellentes critiques, avec deux précisions:

- Tardi, ce sont Adèle et les tranchées bien sûr, mais aussi l'excellent Léo Malet. Et Malet, même si cela n'a été que la seconde adaptation de Tardi, c'est "120 rue de la gare", un roman policier hanté par la débâcle, les stalags, l'occupation et l'amertume tirant au cynisme de cette époque. Noir, très noir.
- Le dernier Blake et Mortimer, absolument d'accord, mais j'irais plus loin: alors même que les auteurs disposent d'une formidable clé pour construire un mystère à la fois historique et très moderne (ah les barbouzes déguisées en archéologues des 19/20 èmes siècles, aujourd'hui ils sont humanitaires, journalistes, ou étudiants...), malgré le personnage du colonel TE Lawrence comme clé de voûte, ils s'embarquent sur une histoire simple, occultant rapidement les dimensions mystérieuses et géopolitiques qui nous attirent dès les premières pages. D'honnête facture mais un souffle bien court en regard du modèle, des modèles: les véritables Blake et Mortimer bien sûr, et surtout les Sept piliers de la sagesse qui, si les auteurs les avaient lus, leur auraient donné une envergure que l'on regrette. Car ils ont un talent, et quelque part leur relatif échec démontre que B&M ne sont pas usés, bien au contraire. Ils ne demandent qu'à servir, au sens noble. Observons d'ailleurs que le "sans noblesse" dont souffre l'ouvrage -comme les personnages principaux, sortis de leur "club" pour devenir des Maigret (ce n'est pas une insulte, évidemment), ou plutôt des membres du "Rotary"- vient donc du manque de tessiture militaire, que la simple problématique "police" ne pallie pas. Même Scotland Yard n'est pas snob comme l'Army et, a fortiori les Services ou le Foreign Office.

Attendons avec impatience le second tome de l'ineffable Tardi qui vient de claquer la porte des honneurs au nez du gouvernement, et le prochain Blake et Mortimer, plus profond et nerveux comme nous l'aimons.

2. Le mardi 1 janvier 2013, 21:51 par Daniel BESSON

Bonjour et Meilleur Voeux ,
Tardi vient de refuser le Hochet !
http://www.lefigaro.fr/bd/2013/01/0...
Cela ne m'étonne pas vu dont la manière dont il a illustré les " pour l'exemple " !
http://www.parutions.com/pages/1-4-...
Il a réalisé d'autres illustrations qui se passent de commentaires pour l'émission de télé qui a été tirée à partir de ce livre , par exemple une balle qui explose la cervelle d'un supplicié !
Voir aussi : http://profcattiaux.pagesperso-oran...
Sur les Stalags , des livres mélant illustrations et texte ont été publiès dés 1944 et 1945 .
A signaler par exemple " Comme de l'an 40 " de L.G. Villeroy !
http://www.priceminister.com/offer/...
Comme ce sont loin d'être des dessinateurs professionels , cela n'en a que plus de poids ! Des scénes comme " A l'infirmerie " , " Les latrines " , " l'enterrement du camarade " sont à chialer , mais vraiment à chialer !...
Voir aussi les illustrations sur le camp de Miranda parues dans un Historia des années 70 : http://halifax346et347.canalblog.co...

Tres Cordialement
Daniel BESSON

Egea: merci de ces citations. Le refus de Tardi n'a surpris personne.... Meilleurs vœux à vous et votre blog.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1645

Fil des commentaires de ce billet