Territoire et réseau
Par Olivier Kempf le dimanche 6 janvier 2013, 21:23 - Etat, frontière, identité - Lien permanent
Faut-il opposer le territoire au réseau ? L'un qui serait politique et sédentaire, l'autre qui serait sociétal et nomade ? C'est poser la question des cités-Etats.
Or, Singapour n'est riche que par ses échanges. Et en fait, toutes les cités-États, dans l'histoire, n'ont pu subsister que parce qu'elles étaient à la tête d'un empire commercial. Elles s'abstiennent de territoire, et tient leur richesses de l'exploitation d'un réseau.
Regardez Tyr la phénicienne, Venise et Gênes, la Hanse, Rotterdam ....
Mais d'autres raisons, plus politiques, expliquent la création de simili cités-États : le district de Columbia autour de Washington, ou la région de Bruxelles en Belgique. Dans ce cas, il s'agit de sortir par le haut de la logique de territorialité qui s'applique au reste de l’État. Le Vatican est d’ailleurs un variation de ce modèle.
Regarde aussi les nouveaux statuts de Honk Kong et de Macao à l'issue de la rétrocession à la Chine, et qui sont devenues des régions administratives spéciales. Il y a là un mélange de raisons politiques et économiques.
Ce qui explique la création de "zones économiques spéciales" (ZES), sur le modèle de celle de Shenzhen, en face de Hong Kong : toujours sous souveraineté politique de Pékin, mais avec un statut économique "ouvert" aux échanges, comme matrice de développement économique. La réussite de Shenzhen a provoqué son imitation, et même la Corée du Nord a constitué de telles ZES.
Qu'en dire ? que ces zones jouent le rôle d'interface entre un grand marché de consommateur (l'arrière pays de la cité-État) et le "réseau" qui donne accès aux échanges.
Voici donc dans l'ordre politico-économique une façon d'optimiser l'accès au réseau.
Aujourd'hui, en ces temps de planétisation, le réseau n'est pas qu'affaire de cyberespace ....
Réf :
- un long billet sur Singapour, par "Diplomatie d'influence".
- un billet d'égéa sur Singapour et Venise
O. Kempf
Commentaires
Très, très vaste sujet débat qui faire rage entre les partisans de M. Castells Société en réseaux et des géographes comme N. Thrift ou B. Antheaume: "Vive le territoire!" ,
pour une première approche multidisciplaire (géo, aménagement, éco, socio) cf Pumain D et Offner J.M. Réseaux et territoire
Davantage prochainement. Cf; mon billet sur géopolitique des voyages et des mobilités.
égéa : oui, c'est un sujet géographique, mais aussi géopolitique. Il reste que le "territoire" sous-entend souvent une approche politique. Tiens, je n'ai pas regardé, Hérodote et l'IFG ont-ils une vue particulière sur le sujet ?
En tant que béotien de la géopolitique, je dirai que le territoire contient des ressources dont les conflits, objet de la géopolitique sont la marque de la valeur (réelle ou symbolique).
Les réseaux sont des outils d'appropriation des ressources ( énergétique: tubes, cyberstratégiques par réseaux électriques et électroniques).
Sur le concept de ressources cf. Cl. Raffestin, pour une géographie du pouvoir, 1980 et H. Gumuchian, La ressource territoriale, 2003
Savoir distinguer la ressource DU territoire de la ressource POUR le territoire (à des fins d'aménagement pa ex.)
égéa : très intéressant : mais cela cantonne la géopolitique aux territoires et pas seulement à l'espace. Or, les réseaux, c'est du pouvoir sur l'espace. J'aime bien votre définition du réseau comme outil d'appropriation des ressources. Cela renvoie à ma "géopolitique des ressources", catégorie régulièrement utilisée sur égéa, mais dans un sens différent il est vrai : votre remarque m'ouvre de bien grands horizons....
NB : tout le monde est un béotien de la géopolitique...
"cela cantonne la géopolitique aux territoires": oui car pour le géographie, le territoire est plus que l'espace.
Le territoire peut (doit, dans la compétition inter-métropolitaine mondialisée) devenir une ressource à valoriser
- par des grands évènements (JO, Expos...)
- en fabriquant de l'iconique (Jencks) par des starchitectes (Foster, Calatrava, Rogers..)
- en attirant la classe créative (R. Florida)
- en concentrant des services quaternaires (bancassurances, finances, pubs)
J'ajouterai le hard power des réseaux techniques (ports, aéroports) même si c'est débattu...