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Ascension aux extrêmes et cyber (1/2)

Comment appréhender l'ascension aux extrêmes, dans le cas du cyber ? Pour y répondre, il faut tout d'abord revenir sur la description historique de ce mécanisme .

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Une des caractéristiques de la guerre, selon Clausewitz, tient à ce que cet "animal", une fois libéré, vit sa propre vie.

Dans le duel à mort qui oppose deux acteurs, CVC note le risque d'ascension aux extrêmes. En effet, l'un des deux adversaires, lorsqu'il sent qu'il perd pied ou qu'il ne réussit pas à obtenir l'ascendant, va ajouter des forces dans la bataille. Mais le rapport de forces modifié entraîne une réaction similaire de l'autre, dans une mimétique infernale qui ajoute la force à la force, la violence à la violence.

Ceci explique pourquoi, à partir du moment où ces armées ne s'affrontent plus pour des intérêts limités (c'est l'invention de la Révolution française et de la "Nation en armes", c'est l'invention stratégique de Valmy) mais pour des intérêts dits "vitaux", le phénomène des guerres totales se développe. Elles sont initiées dans leur principe dès la guerre révolutionnaire, et poussées à leur "extrémité" lors des deux guerres mondiales. La dernière se conclut d’ailleurs par l'explosion nucléaire : double extrémité, en effet, puisqu'elle concluait le cycle des guerres totales, et initiait le cycle nucléaire.

Car en effet, c'est cette "expérience" à la fois historique et stratégique qui rendit si terrifiante la menace "technique" de l'outil nucléaire : seule l'expérience des millions de morts a pu rendre crédible le mécanisme stratégique de la dissuasion nucléaire.

D'où la question : ce mécanisme joue-t-il en matière cyber ?

Sans y répondre trop en détail, on peut déjà analyser les processus, en reprenant ma théorie des sphères stratégiques.

En effet, cette escalade peut s'effectuer à l'intérieur de la sphère stratégique cyber. C'est d'ailleurs ce que l'on observe en ce moment au Moyen Orient, où Stuxnet a, d'une certaine façon, libéré les forces. Les commentateurs ont beaucoup commenté Flame et DuQu, mais d'autres attaques se déroulent quotidiennement, Shamoon étant la plus récente à avoir été médiatisée. Désormais, les acteurs savent que les hostilités cyber sont déclenchées. De plus, Stuxnet a augmenté le niveau technique et sa diffusion a provoqué la "prolifération" de virus et vers techniquement plus performants et donc plus néfastes. Cette prolifération n'est pas que technique (avec l'augmentation de la qualité) mais aussi géographique, puisque par un effet retour, elle s'est diffusée à d'autres régions. Ainsi, beaucoup d'acteurs constatent aujourd'hui, en France, une augmentation de la virulence des attaques, tant en nombre qu'en nocivité.

Mais cette ascension peut aussi s'analyser en inter-milieux, de façon sécante aux autres sphères. Avec deux modalités principales : du conventionnel vers le cyber : chose qui apparaît naturelle et qui ne sera pas perçue comme une "escalade de la violence".

Mais surtout, il faut envisager la possibilité du passage du cyber vers d'autres sphères, donc conventionnelles. C'est d’ailleurs le sens de la doctrine américaine qui explique une partie de la cyberdissuasion par cette possibilité de riposte. En effet, à cause du principe de l'inattribution, il n'est pas possible de riposter dans la sphère cyber en temps et en heure à une attaque cyber. Riposter avec d'autres moyens non cyber permet d'atteindre la relative simultanéité qui est nécessitée comme critère de "légitime défense". Toutefois, deux autres questions se posent : celle de l'identification (et donc, celle de la désignation de l'ennemi, qui reste finalement assez arbitraire), mais aussi celle de la proportionnalité.

Chacun comprend que là réside d'ailleurs le risque principal de cette doctrine. En effet, une riposte "par la force physique" à une attaque "intangible" (avec toutes les limites de ces deux mots) paraît clairement non proportionnée, et tout d'abord à cause du risque létal. Autrement dit, le passage d'une sphère à une autre constitue, par son fait même, une escalade de la violence. Cette "offensive" absolue paraît donc difficile à pratiquer, même si elle est énoncée en doctrine par les Américains.

( à suivre)

O. Kempf

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