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Géopolitique de l'Afrique et du Moyen-Orient

Nathan a publié une série de manuels de géopolitique, destinés aux étudiants en classe préparatoire des écoles de commerce. En effet, ceux-ci forment désormais les gros bataillons des apprentis géopolitologues. La série inclut un "GP de l'Afrique et du Moyen-orient" dont voici la 3ème édition.

On est d'emblée surpris par ce découpage, puisque ces deux "parties du monde" n'ont finalement pas grand chose à voir entre elles. On admet qu’il s'agisse d'une exigence éditoriale, et qu'il ait fallu réunir en un seul volume ce qui aurait été naturellement séparé en deux volumes. L'ouvrage fait donc 425 pages, et est divisé en trois parties : une se consacre aux traits communs (migrations et mobilités, déserts, économie de rente, question alimentaire et dépendance), puis une se consacre à l’Afrique et la dernière au Moyen Orient.

L'Afrique est appréhendée "comme un tout". Ainsi, on lit une succession de chapitres "transverses" (héritages, construction territoriale, conflits, démographie, dynamiques sociales, identités, noirs et blancs, enjeux agricoles, maladies, développement, Afrique subsaharienne, recompositions territoriales). On remarque d’ailleurs que le Maghreb et l’Égypte sont, de facto, omis de l'analyse. Ainsi, le chapitre "noirs et blancs" se concentre sur l'Afrique du sud, et ne mentionne pas l'opposition qui existe de part et d'autre du Sahara, et qui explique fortement la crise malienne.

La crise, ou plus exactement les crises, justement : c'est le défaut de la collection, comme je l'avais déjà suggéré à propos d'un précédent opus. Ainsi, si vous voulez comprendre la raison de la guerre au Mali, du conflit à l'est de la RD Congo ou de ce qui se passe dans la corne de l'Afrique, vous ne trouverez pas les réponses, ce qui est dommage, très dommage pour un livre de géopolitique. Mais les étudiants de commerce s'intéressent plus aux conditions géographiques et économiques des pays où ils feront plus tard des affaires.

La patrie "Moyen-Orient" est elle aussi abondement pourvue de chapitres (peuplement, constructions territoriales, Méditerranée, hydrocarbures, eau, État nation, panarabisme et islamisme, Israël, MO terre de conflits, nouveaux rapports de force). La présentation de la partie évoque "des rivages de l'Atlantique aux confins de l’Himalaya", ce qui inclut donc le Maghreb mais aussi l’Afghanistan (ainsi que l'indique la carte en troisième de couverture), ce qui est osé et aurait mérité de plus amples explications. Ainsi, c'est dans cette partie qu'on trouvera des informations sur le Sahara Occidental ou la bande d'Aouzou ou sur le partage des eaux du Nil.

Cette partie me semble plus précise, avec quelques fiches pays, des présentations des minorités (on a ainsi un bon développement sur les Kurdes ou les Druzes, mais je n'ai pas trouvé mention des Circassiens), et surtout un bon aperçu des conflits existants. Le livre date de juin 2012 et ne fait curieusement pas mention de la guerre en Syrie, alors qu'il consacre un sous-chapitre à la guerre en Afghanistan.

L'ouvrage est très bien illustré, avec de nombreuses cartes dont certaines originales : celle sur la multiplication des découpages administratif au Nigeria (p 105) ou celle de la fragmentation ethnique de Brazzaville (p 133) par exemple. De même, quelques zooms permettent de faire le point sur telle ou telle question : Hutus et Tutsis (p 149), touaregs et géopolitique (p 177). Je regrette juste, comme pour les autres volumes, qu'il manque une table des cartes, encadrés et illustrations, ainsi qu'une carte des zooms. La bibliographie est très sommaire. Les cartes couleurs sont rassemblées dans les pages de couverture avec volets, et présentent une carte politique de chacune des régions, et quatre cartes de géographie physique de l'Afrique (pas de carte physique du Moyen Orient).

Ainsi, il s'agit d'un livre de géographie économique et politique plus que de géopolitique. Si c'est ce que l'on recherche, il constitue une utile référence. Si on veut plus de "géopolitique" et de focus pays, si l'on veut mieux comprendre les ressorts des rivalités (notamment pour la partie africaine), il mieux vaut chercher autre chose.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 19 mars 2013, 20:12 par yves cadiou

Si l’on en juge par l’illustration sur la couverture, le « Moyen-Orient » dont il s’agit est plus exactement le Proche-Orient c’est-à-dire le « Middle-East » des Américains. Cette approximation est suspecte : s’agit-il d’un travail original ou d’une traduction discrète d’un ouvrage étranger (en clair : un plagiat) ? Si l’on ajoute à cet indice d’une part votre observation « ces deux "parties du monde" n'ont finalement pas grand chose à voir entre elles », d’autre part cette définition "des rivages de l'Atlantique aux confins de l’Himalaya" qui coïncide avec l’arc de crises des G.Bush, ça sent fort le soft-power yankee.

Peut-être croit-on, dans les écoles de commerce françaises ou du moins dans les prépas, qu’il faut penser américain pour être « international ». D’après ce que m’en disent quelques expatriés, je crois plutôt qu’il est préférable de penser français pour s’ouvrir des portes un peu partout dans le monde.

egea : non, ce n'est pas une traduction, mais l’œuvre de profs français de classes prépas, agrégés et diplômes. Et effectivement, la zone est celle du grand moyen orient.....

2. Le mardi 19 mars 2013, 20:12 par panou34

Merci pour cette critique qui ne donne pas envie d'acheter cet ouvrage.Il faut dire que j'ai de toute façon passé l'âge des classes préparatoires.Ce qui est inquiétant est qu'un tel manuel restera la référence de ceux qui n'auront pas la chance dans les grandes écoles d'entendre les exposés d'hommes politiques, de diplomates ,de militaires,de dirigeants économiques et syndicaux qui à la fois parlent d'expérience mais ont également des visions d'avenir.
Comme le précise votre commentaire nous avons là un ouvrage de diplômés mais d'un diplôme qui date de quelques années à priori.Je préfére les acquis de l'expérience.A l'heure où les réformes de l'éducation peuvent se résumer en problématique de la longueur de la récréation il y a de quoi douter sur la réflexion de nos élites sur le probléme essentiel de l'enseignement de la jeunesse.L'actuel projet de réforme de l'université est ainsi quasiment passé sous silence dans les médias avec notamment l'avenir réservé aux classes préparatoires.
Le chapitre"noirs et blancs"" au titre provocateur fait une bien malheureuse impasse sur l'affrontement actuel au Sahel.Afrique du Sud certes mais évoque-t-on au moins le probléme du Zimbabwe?Je suppose que le métissage dans les pays lusophones d'Afrique bien perceptible oculairement dans la ''couleur'' du personnel politique doit être oublié.

3. Le mardi 19 mars 2013, 20:12 par yves cadiou

Concernant la piètre référence que donne ce genre d’ouvrage rédigé par des titulaires de diplômes défraîchis coupés du réel, je ne partage pas complètement l’inquiétude de panou34 (n°2).

Ce problème est considérablement atténué de nos jours grâce à @internet : il y a bien sûr wikipedia mais on peut aussi chercher et utiliser des sites comme, par exemple, celui du collège de France http://www.college-de-france.fr/sit... et des blogs comme celui-ci.

Chacun peut y trouver une documentation moins figée que celle des bouquins et moins poussiéreuse que celle qui résulte de vieux diplômes cultivés en milieu anaérobie.

L’essentiel sur @internet est de savoir lire, c’est-à-dire de savoir faire le tri dans les multiples résultats proposés par un moteur-de-recherche puis analyser ce qu’on lit pour déceler les incohérences ou contradictions le cas échéant. Appelons cette méthode l’e-apprentissage.

Toutefois pour les candidats à un concours cet e-apprentissage ne suffit pas : il faut connaître aussi les bouquins produits en culture confinée parce que les jurys, composés pour quelques années encore de gens comme ceux qui écrivent ces bouquins, continueront de ne connaître et de n’accepter que des références poussiéreuses nonobstant les allergies.

Les ouvrages comme celui qui est présenté ici, avec le défaut mentionné ci-dessus par panou34, ont encore quelques années devant eux.

égéa  : je vous trouve tous bien sévères. Ce livre n'est pas mauvais, il est destiné à un public particulier. Ce public n'est probablement pas celui du blog, et je le signale. Mais un jeune préparant d'école de commerce y trouvera profit. Ce n'est pas parce que j'ai exposé ce qui constituait, à mon avis, des limites au livre, que celui-ci est mauvais. Il est partiel, ce qui est différent. Tout livre est partiel.

4. Le mardi 19 mars 2013, 20:12 par AGERON Pierre

Devant le déluge de critiques quelque peu unilatérales, je me permets de soutenir fermement la remarque d'égéa. R. Pourtier et G. Mutin sont d'excellents enseignants dont la qualité des recherches sur Brazzaville et sur l'eau au Moyen Orient ne sont plus à démontrer.
D'ailleurs le livre sur la France dans la même collection est excellent. Mais il ne faut pas s'y tromper c'est un livre de géographie par les géographes. Cela n'autorise pas de descendre en flèche des collègues estimables sous prétexte qu'ils n'auraient pas le même rapport au terrain que les commentateurs ci dessus....

P. Ageron, agrégé de géographie et fier de l'être!

égéa : certes, et je suis d'accord avec vous. La vraie question est celle de l’appellation de "géopolitique", tirée maintenant par les géographes alors qu'ils l'ont longtemps bannie. Mais ils n'y cherchent souvent que leur chapelle, omettant les rapports conflictuels. Parlons donc de géographie humaine de l’Afrique et du Proche Orient, et tout le monde sera content ! La géopolitique est à la mode, mais toute la géographie n'est pas de la géopolitique, tout comme la géopolitique ne peut se passer de la géographie.

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