Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Histoire et rapport de force

A la suite de la manifestation du jour, qui a rassemblé 1,4 millions de personnes, le géopolitologue voit la confrontation entre un moment d'histoire, et un rapport de force.

source

Je n'aimerais pas être policier, ce soir : avoir été obligé d'interdire un trajet de manifestation quatre jours avant sous des prétextes fallacieux, de raconter des bobards la veille ("on prévoit 100.000 personnes, la mayonnaise ne prend pas"), d'avoir dû tirer les gaz contre des femmes et des enfants (là, je serais pas fier, vraiment), et enfin raconter des chiffres "sous réserve de vérification" ...

Bon, on va aider la préfecture dans cette tâche de vérification des chiffres. Donc, voici un axe de cinq Km de long, du Pont de Neuilly jusqu'à l'Étoile (je ne compte pas ceux qui étaient encore sur le parvis de la Défense) : 5000 mètres, sur 100 mètres de large, et deux manifestants par m², nous voici à un million. Vous ajoutez l'avenue Foch, de la place Dauphine à la même Étoile, 1,6 Km, même largeur : on est à 320 000 de plus. Ajoutez l'avenue Carnot, ce qu'il y a à droite ou à gauche, nous voici à 1,4 millions de participants au minimum. Vous pouvez regarder les photos aériennes, vous verrez, c'était rempli.

Bien, voici donc 1,4 millions de personnes dans la rue. Tout simplement la plus grande manifestation de l'histoire de France, après celle de 1984. L'histoire.

Alors après, on peut raconter comme les journalistes (objectifs et neutres, forcément objectifs et neutres) que les associations qui organisent l'événement sont des coquilles vides (tiens, au fait, messieurs les journalistes d'information qui faites des enquêtes objectives pour aider le public à se former une opinion, je serais très intéressé à connaître le nombre de militants de LBGT ou d'Act-Up, et le montant des subventions publiques accordées à ces deux associations, qu'on voit le rapport coquille vide / financement public /efficacité médiatique /influence auprès du pouvoir). Si les coquilles vides que vous dénoncez n'ont pas de subventions, elles ont un mérite : elles ont mobilisé 1,4 million de personnes.

Nous voici donc dans un rapport de force, somme toute assez classique en politique, celui de la rue contre le pouvoir. Les politiques sont toujours sensibles au rapport de force. Je note que cette fois-ci, il y avait plus d'hommes politiques, et qu'accessoirement on a entendu s'exprimer, en sus des leaders de droite, des socialistes, des radicaux de gauche et même un membre de la Ligue Communiste Révolutionnaire : ce sont de signes clairs que le rapport de force est en train de changer et que la mobilisations 'étend au-delà de son noyau. Autrement dit, "la mayonnaise prend".

Bien sûr, "on" va encore une fois faire semblant d'ignorer en expliquant que ce n'est pas suffisant et que la volonté est intacte etc. Donc, il y aura encore une manifestation qui va encore plus mobiliser. Car ces gens qui descendent dans la rue, ils ont l'air têtus. Tenaces. Volontaires. Indécrottables. Casse-pied.

Jusqu’à ce qu'un camp se fissure. Il s’agit d'une lutte d'usure entre une volonté et une résistance. Un rapport de force. Entre celui qui sera le plus déterminé, et qui donc convaincra le plus l'adversaire.

La victoire sera dans la bascule de populations non encore mobilisées, car là est le centre de gravité : chez les Français d'origine immigrée et le peuple de gauche, qui ne se retrouve pas dans cette loi matérialiste, ultralibérale et esclavagiste.

Il semble qu'on soit au point de bascule. Celui où l'histoire hésite entre le point culminant (selon Clausewitz, le point le plus avancé que l'attaquant a atteint avant de céder à nouveau du terrain) et le point décisif qui permet d'atteindre le centre de gravité.

Les forces pèsent l'une contre l'autre. La plus volontaire l'emportera.

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par

Comme vous, je n'aimerai pas être policier ce soir ... pour en connaitre un grand nombre après avoir réalisé deux docs en leur sein .. Il y a là aussi un point de bascule .. jusqu'où obéiront-ils ?
Pour ma part, alors que j'ai toujours fait en sorte d'huiler les rapports entre ce corps constitué et le citoyen, je ne saurai plus comment les soutenir ...

PS : J'ai lu cette après-midi, au milieu de l'odieuse halali des twitos, l'un d'entre-eux, particulièrement prescripteur, @Maitre_Eolas, appeler au tir à la 7.62 sur la foule, appuyé en cela par un texte legifrance ...

égéa : un grand démocrate, qui ne cesse de donner des leçons de tolérance ? Cocasse de voir comment s'affubler de tolérance est le meilleur moyen de couvrir sa haine. Je sais, je n'ai pas compris, c'est de l'humour à prendre au deuxième degré.....

2. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par Christophe

Sur le financement d'Act-up et LGBT, pas de trace dans le fichier des associations subventionnées par l'État disponible sur www.data.gouv.fr.
Il existe certes d'autres canaux publics, mais je n'ai pas très envie de consacrer de temps à ces deux trucs.
Quant à Éolas, dont je ne suis pas les twitt mais le blog depuis très longtemps, je ne doute pas du caractère ironique de son intervention.

3. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par Alphonse

Le fameux Kairos?
Le Kairos c'est maintenant?

4. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par Julia

La virulence de la police d'Etat se mesure à sa frousse de la fronde populaire. Si l'on en juge les actes inadmissibles de la police contre le concitoyen honnête et contribuable filmés hier, le pouvoir tremble vraiment!
Il faudra plus que la gauche et que les français immigrés, ces derniers n'ayant pas été une minorité visible dans la foule de ces manifestations (et c'est compréhensible qu'ils s'extraient de "nos" débats d'occidentaux en phase décadente!); il faudra la prise de conscience réelle qu'un vrai changement est possible. La politique libre issue de la pensée libre de tout dogme, c'est dire que rien n'est irréversible. En cela, la manifestation d'hier est par son succès effectivement, une date de l'Histoire. Comme vous le dites, il faut continuer.

5. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par beauchene

merci pour ce post, sur un autre blog on trouve la vérité, mais pour un concert de jean michel jarre, forcement on ne nous traite pas de la meme façon: http://lesalonbeige.blogs.com/my_we...

6. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par MonclarSuperstar

Lorsqu'on regarde les images des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre, on peut se poser quelques questions.
Sachant que la ville de Paris est, d'une certaine manière, sanctuarisée en ce qui concerne le maintien de l'ordre, à savoir qu'on y tire pas des grenades et qu'on n'y répand pas les gaz comme dans une vulgaire ville de province, comment se fait-il que (au moins) 2 explosions aient retenti et que la dispersion de gaz se soit effectuée sans parcimonie aucune ?
Et pourquoi le DRAP (dispositif de retenue autonome du public) ait été aussi vite déployé ?
Autre remarque : mobiliser 2000 membres des forces de l'ordre pour une manifestation de 300000 personnes maximum, il faut alors soit mieux entraîner ces forces qui font preuve d'une faiblesse certaine, soit, comme le demandent certains députés de la majorité, réformer la chaîne du renseignement.

7. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par yves cadiou

L’on assiste sans aucun doute à un rapport de force mais il n’est pas exactement celui que vous dites, entre les tenants du MPT et ses opposants. C’est beaucoup plus grave que ça, c’est un conflit de classes.

Les élus, lorsqu’ils accèdent à des responsabilités nationales, prennent la grosse tête : le texte de loi a été voté à l’Assemblée sans tenir le moindre compte de la manifestation de janvier. Celle-ci imposait pourtant un report de l’examen du texte pour permettre aux élus de consulter autour d’eux, dans leur fief, les gens dont ils sont les représentants. Mais non : chaque député a voté selon les consignes de son parti, sans accorder la moindre attention aux protestations populaires ni demander un délai pour consulter le Peuple dont il est, en principe, le représentant.

Histoire et rapport de force : l’aristocratie républicaine méprise le Peuple et ne s’en cache même plus. Nous sommes sous Louis XV et peut-être déjà sous Louis XVI.

8. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par tim

Ne pas oublié que le mariage pour tous était une promesse du candidat Hollande et il a été élu avec la majorité des voix exprimés.

9. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par yves cadiou

L’observation de tim (n°8) montre bien l’impasse institutionnelle où l’on se trouve si l’on donne au Président un pouvoir exécutif que la Constitution ne lui a jamais donné : l’on élit désormais un monarque absolu pour cinq ans et l’on peut par conséquent faire l’économie du Parlement (577 Députés et 346 Sénateurs) qui ne sert plus à rien.

En cette période de recherche d’économies budgétaires partout, les Parlementaires doivent démontrer qu’ils servent encore à quelque chose, ce que les Députés ont négligé de faire lorsque le 12 février ils ont entériné ce texte de loi dont beaucoup de citoyens ne veulent pas. Dans cette affaire de MPT, la balle est maintenant dans le camp des Sénateurs. La situation est plus grave qu’elle n’en a l’air et dépasse largement la seule question du MPT.

Pour la Démocratie Représentative on est à un carrefour dont l'une des voies est en impasse. L'on va dans l'impasse si le Parlement accepte d’être mis hors-jeu sous prétexte que le MPT était l’une des nombreuses promesses du « candidat (à la présidentielle) élu avec la majorité des voix exprimés ».

10. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par Paul

Cher Olivier, vas donc voir cet article qui a été écrit par un ami... Il décrypte le coût politique de la loi de Mme Taubira sur l'électorat de la majorité. C'est tout à fait dans ta ligne.

http://www.lexpress.fr/actualite/po...

egea : Certes. Selon une lecture plus classique, on observe aussi trois gauches (parcouru auj. ds je ne sais plus quel journal) : une écolo-gender, une martialo-libéralo-PS, une radicalo-gaucho. Or, les trois ne se réunissent plus que par le soutien au mariage homosexuel (car soyons exacts : le mariage actuel est déjà "pour tous" dans les conditions prévues par la loi, c'est-à-dire un Ho une Fe). Sur toutes les autres questions, économiques et sociales, elles ne sont pas d'accord. Il reste que cette "union" est effectivement fragilisée.

11. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par Colin L'hermet

Bonjour,

@ Y.Cadiou & MonclarSuperStar (commen#6 & #7)

Vos propos s'entrecroisent à merveille si l'on tient compte de la question... des "Secrets du Roi".
Louis le 15eme, son chapeau, et son Lt-gal de police.

Mais alors, tandis que Monclar pencherait pour un meilleur cycle de Rens pour opérer des choix stratégiques (en terme de législation ?!) ou tactique en terme de contention, Y.Cadiou déporte le regard sur une vraisemblable déliquescence du système.

Mais quelle place effective et efficace accorder à un Rens stratégique si son client final doit demeurer un pouvoir décisionnaire aveuglé (par ses biais cognitifs et-ou idéologiques) ?

Le Rens ne serait alors que tactique s'il ne sert qu'à mieux opérer sur le terrain (adéquation des moyens pour la contention-rétention).

En fait je pense que nous abordons trop parallèlement la question de la légitimité à légiférer (et je distingue bien d'une légitimité législative) et la question de la gestion de la violence étatique en aval puis en amont du process lorsqu'il a flanché.

Sauf à voir dans le rapport de force une "continuation du politique par d'autres moyens" ?
Donc l'insurrection comme participation-contribution au débat démocratique hors et post Parlement, de fait.
Ce serait mon sentiment, mais il va alors dans le sens d'une profonde interrogation à nourrir sur l'état de nos institutions dites (et vendues comme) intrinsèquement démocratiques./.

Bien à vous,
Cl'H./.

egea : on peut aussi penser à l'inversion de la "formule" de Clausewitz : la politique, c'est la continuation de la guerre (ici, du rapport de force) par d'autres moyens. En refusant le rapport de forces, on refus la politique. Ce qui incite donc à augmenter le rapport de force !

12. Le dimanche 24 mars 2013, 21:08 par MonclarSuperstar

D'accord avec le commentaire n° 11 "Mais quelle place effective et efficace accorder à un Rens stratégique si son client final doit demeurer un pouvoir décisionnaire aveuglé", le renseignement ne sert à rien si son destinataire est dogmatique.
Pour cet événement, le rens a-t-il été omis ou minoré pour plaire au Prince qui ne veut ouïr ses vils sujets retors à ses bienfaisantes lumières ?
A donc été mis en place un dispositif inadapté qui a laissé 300000 (ou plus, ou moins) manifestants piétiner sans permettre une fluidification du cortège.
Il s'ensuit une manipulation-retouche vraisemblable des photos comme on peut le voir sur la page de la Police du Prince http://www.prefecturedepolice.inter... notamment la photo 9 où les passages piétons sont... étranges ! Un coup oui, un coup non, comment apprendre aux enfants à traverser une rue si le marquage au sol est si mal fait ?
Enfin, deux questions :
- est-il bien normal que l'affrontement dans la rue soit un mode normal de négociation dans notre pays ?
- à l'heure des économies, combien a coûté cette pantalonnade : heures de débat à l'assemblée, n unités mobiles à faire venir de province à Paris pour les manifestations, donc indemnités des militaires et policiers, carburant des véhicules, etc.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/1739

Fil des commentaires de ce billet