A propos de Margaret Thatcher
Par Olivier Kempf le lundi 8 avril 2013, 20:10 - Grande-Bretagne - Lien permanent
Margaret Thatcher est morte ce jour. La vivacité des commentaires, ici louangeurs, là critiques, fait penser (de façon inversée) aux réaction à la mort d'Hugo Chavez. Je pense toutefois que Maggie aura eu plus d'effets géopolitiques que le chantre du bolivarisme.
Margaret Thatcher a eu d'abord pour premier rôle d'avoir personnifié une croisade idéologique. En popularisant le monétarisme, elle a mis fin à un moment keynésien, au moment d'ailleurs des chocs pétroliers et de l'apparition des problèmes économiques. Il s'agit bien d'une idéologie, et pas seulement d'une doctrine économique : son action fut d'abord de transformer cette doctrine en une théorie (et une pratique) politique. A l'intérieur, avec la remise en cause de l'Etat-Providence anglais (grève des mineurs) mais aussi en transformant le vocabulaire de l'affrontement idéologique avec le bloc de l'Est. Jusqu'alors en effet, le monde libre était plutôt défensif. La Dame de fer a transformé le rapport et a développé une offensive idéologique, celle du libéralisme, contre le communisme de l'époque. Celui-ci est quasiment disparu, mais le libéralisme est demeuré, même s'il a plus ou moins muté.
Voyons alors les autres éléments de l’œuvre de Margaret Thatcher : ils sont marqués par une volonté politique incroyable (et somme toute symptomatique des vertus britanniques : peu importe que vous ne nous aimiez pas, pourvu que vous nous craignez).
- Détermination contre l'IRA en Irlande
- Détermination pour l'emporter face à l'Argentine au moment des Falklands (Malouines en bon français : mais pour cette fois, le lecteur tolérera, je l'espère, l'usage exceptionnel de cet anglicisme).
Il reste que paradoxalement, c'est surtout l'Europe qu'elle aura le plus influencée. Je ne parle pas seulement de la négociation pour une compensation financière (Give my money back), interprétée par certains comme la réincarnation d'un certain gaullisme. Je pense surtout à sa promotion d'une Europe inspirée des principes libéraux : de ce point de vue, le succès idéologique est à peu près total, et persistant vingt ans après qu’elle a quitté le pouvoir.
Personnage important même si elle n'était pas sympathique, elle restera incontestablement une figure marquante de l'histoire britannique. Un homme d’État, comme je le remarquais (voir post-scriptum). Elle est la volonté en politique : "Watch your thoughts for they become words. Watch your words for they become actions. Watch your actions for they become...habits. Watch your habits, for they become your character. And watch your character, for it becomes your destiny! What we think we become. My father always said that... and I think I am fine."
PS : on relira cette critique du film "La dame de fer" que j'avais été voir en son temps et qui est paru l'an dernier sur égéa.
O. Kempf
Commentaires
Il est étonnant de constater aujourd'hui comme l'action de M. Thatcher résonne au sein de notre Europe en déclin.
Surprenant de remarquer combien la situation économique catastrophique du Royaume Uni en 1979 est comparable à celle de la France, voire de l'Europe, en 2013. Les réformes radicales de libéralisme de M. Thatcher (privatisation, coupure des dépenses publiques, fin de l'assistanat) ont certes profondément creusé certaines inégalités sociales au R.U durant les années 80, mais elles étaient plus que nécessaire : les britanniques jouissent d'une économie encore très stable, qui résiste bien face à la crise, à l'inverse de la notre. Et ça trop de britanniques ont tendance à l'oublier (personnellement je trouve scandaleux qu'elle n'est pas droit à des funérailles nationales, après 30 ans passés au service de la couronne au plus près de l'Etat).
Réformer en profondeur pour le bien de l'intérêt général à long terme vous rend systématiquement impopulaire, et elle l'avait bien compris : "le remède est violent, mais le malade en a besoin", disait-elle au sujet de ses réformes.
Alors, M. Thatcher, "femme providentielle" en 1979, se réincarnera t-elle en "homme providentiel" en 2013 ? L'occident va t-il enfin avoir sa nouvelle M. Thatcher ou son nouveau W. Churchill (son modèle, rappelons le), en ces temps de déclin ? Je pense que l'ambiance particulièrement crisogène du moment favorisera à terme sa venue, au risque de voir d'ici 20 ans notre modèle s'effondrer face à d'autres disons plus... asiatiques, pour ne citer qu'eux.
Le tube du moment en GB, avec ce qu'en pensent quelques sujets de Sa Majesté :
http://www.youtube.com/watch?v=rHJo...
C'est d'abord cette volonté de réduire les coûts et la voilure de la Royal Navy en 1981 qui laisse entrevoir une fenêtre de tir aux Argentins en 1982.
Le retrait annoncé du dernier bâtiment à patrouiller dans l'Antarctique, l'HMS Endurance sera un signal bien perçu par les argentins, tout comme le choix stratégique de privilégier les SSBNs à long terme sur l'aéronautique navale.
A l'heure des coupes budgétaires dans l'outil de défense, il est salutaire de rappeler les causes de la guerre tout en saluant la volonté de gagner le conflit de l'Iron Lady.