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Les gamins

Parbleu ! il ne me serait jamais venu à l'idée d'aller voir ce film !!!!! Visiblement, on y a entraîné Yves Cadiou, qui nous fait part de son incompréhension. Que je comprends et qui ne donne pas envie d'aller voir le film. Mais je devine que peu de lecteurs d'égéa en avaient/ont vraiment envie ! Merci à Yves, en tout cas, car au-delà du film, il y a quelques indications sur notre époque.

O. Kempf

« Les gamins » : j’hésite à commenter ce film parce que vous allez encore dire que je suis ronchon. Je ne le suis pas complètement : Sandrine Kiberlain et Alain Chabat sont excellents dans le rôle de deux bobos vieillissants qui n’ont jamais su donner un sens à leur vie. Mais à part ces deux acteurs qui crèvent l’écran dans une comédie qui sans eux serait un navet, c’est un film qu’on peut ne pas aller voir. Pour vérifier ce que je vous dis, empruntez-le à celui qui l’achètera quand il sortira en DVD.

Dès le début on croit deviner qu’à la fin du film la vie de ces deux bobos aura acquis un sens. Mais pas du tout : en fait je m’interroge encore sur cette histoire qui m’a semblé sans queue ni tête. Peut-être n’ai-je rien compris. L’on voit un certain nombre de personnages à qui il arrive un certain nombre d’aventures ou de mésaventures diverses mais des personnages qui n’évoluent pas, dans une situation qui elle-même n’évolue pas. Par moment le spectateur se dit que peut-être quelque chose va se passer mais non : rien ne se passe. C’est sûrement que je n’ai pas compris. Si le but du film est de montrer que dans une vie de bobo il ne se passe rien à l’exception de quelques états d’âmes éphémères, alors c’est réussi.

Un second couple, des jeunes, la fille du premier couple et son fiancé, est à l’aube prometteuse d’une vie qui s’annonce pourtant, au fond, aussi ennuyeuse et décevante que celle des parents. Le spectateur espère qu’à la fin du film ces jeunes auront compris la misère du destin qui les attend et décideront d’y remédier, mais non : là aussi il y a seulement des états d’âmes qui ne débouchent sur rien.

Autour de ces deux couples, beaucoup de personnages secondaires aux caractères variés mais qui ont un trait en commun : une certaine ambiguïté, chacun à sa façon. Plutôt que de l’ambiguïté qui serait voulue par le scénariste, je crains que ce soit tout simplement de l’incohérence.

Une scène pourrait être réellement significative et même centrale si elle était quelque peu développée : rencontré par hasard, un sosie de François Hollande accepte de poser pour une photo avec les fiancés. On prend bien soin de nous préciser que c’est un sosie : c’est écrit au feutre sur la photo souvenir. Le spectateur peut imaginer, mais rien ne l'incite à imaginer, que les jeunes regarderont cette photo aux alentours de la cinquantaine et comprendront enfin, comme les parents devraient comprendre aujourd'hui, qu’il aurait fallu avoir un but dans la vie.

Intéressant aussi et probablement involontaire tant le ridicule en est effleuré, deux clichés sur l’Afrique : 1 dans l’imaginaire des bobos, il faut aller creuser des puits au Burkina-Fasso, sinon comment feraient-ils sans nous. 2 Dans la tête de ceux qui vendent des clips aux jeunes bobos, l’Afrique (à moins qu'il s'agisse du désert du Mexique) c’est du sable, des cactus, des kalachnikov portées par des filles bien faites (des canons, si j'ose dire), un blindé AML : tout ça fait un excellent décor pour enregistrer la prochaine chanson qui sera à la mode dans les discothèques.

Le spectateur, à la fin de 90 minutes d’ennui au cours desquelles il a failli abandonner plusieurs fois, est récompensé de sa patience : le film se termine par deux minutes marrantes, une scène qui arrive là sans vraiment de lien avec l’ensemble du film et qui pourrait terminer bien d’autres films de la même façon : au cours d’une conférence internationale l’ambassadeur iranien, évidemment barbu et incompréhensible et coléreux, est ridiculisé par une traduction fantaisiste de son discours. Ainsi les spectateurs sortent du cinéma en riant, laissant croire que « les gamins » est un film comique.

Si j’apprends, dans quelques semaines, que ce film a eu un succès populaire, alors je retournerai le voir pour tenter de comprendre.

Y. Cadiou

Commentaires

1. Le lundi 22 avril 2013, 12:31 par Xenophon

Bonjour,

Je ne partage pas du tout votre point de vue mais je peux comprendre que son comique reste inaccessible à certains. En réalité, "les gamins" fonctionne comme de nombreuses pièces classiques auxquelles on ajoute un humour de bande dessinée pour que plusieurs niveaux de "lecture" soit possible. Tout comme Molière soulignait une certaine hypocrisie d'église dans Tartuffe, le film fait la satire de l'industrie musicale et de la perversion d'un Rock & roll passé de rebel à vendu. A ce titre, face à la maison de disque et au directeur artistique, Alain Chabat nous livre un Orgon criant d'égocentrisme près à sacrifier son mariage et celui de sa fille pour tendre à une absolution musicale factice. Plutôt que le Prince, c'est Iggy Pop qui vient confondre l'imposteur de la maison de disque, sauvant les deux unions en danger.
L'analogie avec Tartuffe se prolonge sur la satire des bourgeois actuels: les bobos. Bien évidemment, les clichés sur l'Afrique sont volontaires et, pour ma part, j'aurais trouvé très désagréable que la critique soit faite autrement: le spectateur averti est suffisamment fin pour comprendre que les clichés sur l'Afrique sont caricaturaux du discours des bobos qui voient dans le continent un eden négligé.

Bien sur, le tout est assaisonné, parfois à l'excès, de gags plus ou moins réussis. Mais je trouve que l'interprétation parfaite d'Alain Chabas rend cela tout à fait agréable.

Si vous vouliez voir un film engagé, n'allez pas voir les gamins. Mais s'il vous arrive de sourire quand vous entendez dans les transports que, décidément "les français ont perdu le sens des choses vraies" ou que "l'inde est vraiment un pays magnifique et apaisé", vous aimerez découvrir ces personnages devenus caricatures d'eux même qui font notre quotidien.

Bonne continuation.

Xenophon

2. Le lundi 22 avril 2013, 12:31 par yves cadiou

@ Xenophon (n°1) Merci de m’avoir lu. Non, je ne voulais pas voir un film engagé mais plutôt du comique avec signification : le nom de Kiberlain et celui de Chabat évoquent pour moi ce genre de film. Je n’y ai pas trouvé d’humour de bande dessinée, dont je suis friand aussi. Il est vrai qu’au passage le film fait la satire de l'industrie musicale mais il le fait comme tout le reste, en passant et de façon lourdement caricaturale avant de parler d’autre chose. Peut-être s’agit-il d’un bon film que je n’ai pas (ou pas encore) compris, ce qui pourrait alors expliquer la présence de ces deux excellents acteurs.
Pour l’instant, et en attendant d’avoir compris, je classe provisoirement ce film dans la catégorie malhonnête : on attire le client avec deux noms d’acteurs intéressants sur l’affiche et on lui vend 90 minutes de vide et d’ennui garnies d’une succession d’intermèdes et de personnages sans cohérence. A la fin des 90 minutes on annexe un vrai gag (invraisemblable mais on ne remarque plus ce détail) et les spectateurs sortent en riant.

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