Mélanges hebdo 23/13
Par Olivier Kempf le samedi 8 juin 2013, 21:52 - Miscellanées - Lien permanent
Drôle d'époque animalière : Les pigeons, les agneaux, les poussins, les poulets, du cheval dans le bœuf, les corbeaux (délateurs), les pingouins.... Et les dindons, alors ? Et du paon, plein de paon. Bref, nous voici revenus à l'époque de La Fontaine, qui lui aussi utilisait des animaux pour raconter des Fables.
Jour Balte, Alechinsky. Source
Avis, news et bric-à-brac
Bon, discours du ministre sur le cyber à Rennes, et compte-rendus des journalistes, qui expliquent qu'il y a plein de nouveautés. PAs vu une seule. Ils sont pas très précis, ces journalistes. On ne va pas se doter d'une capacité offensive, les gars, puisqu'on l'a depuis une paire d'années et qu'on l'a rendu publique dans le LB de 2008. D'ailleurs, le sénateur Bockel ne cesse de le dire dans son rapport et en conférence publique (aux cris de "On n'est pas des manchots", sic). Le même avait demandé une "doctrine de cyberoffensive" (sur une suggestion de votre honorable serviteur) : là est la nouveauté : dans l'affirmation très nette, et pas au détour d'une page du LB, de cette volonté d’offensive. Inéluctable, d'ailleurs, pour qui a lu mon introduction à la cyber. Enfin, on s'amusera à les voir répéter que c'est le cinquième domaine : ils imitent les US (qui parlent de "domain" et qu'on devrait traduire par milieu) mais ceux-ci évoquent, pour les quatre premiers, terre, mer air et espace. Là, les journalistes disent Terre, mer air et nucléaire.... reprenant ainsi, de façon incomplète, la catégorisation en sphères stratégiques proposée dans le bouquin de référence...
Les grands esprits se rencontrent... L'autre jour, je vous signale que j'ai acquis "Paix et guerre entre les nations" de R. Aron car il me semble important de le lire. Et voici que le brillant Serge Sur (qui anime Questions internationales : le prochain numéro double sort le 19 juin, et est consacré à la France) publie un article sur "Paix et guerre" cinquante ans après, dans Diploweb : chapeau bas ! On remarquera que la deuxième partie de l'article explore le dédain par Aron du droit, et constitue un plaidoyer pour le droit international. Quitte à affirmer ceci qui me laisse songeur : "Comment concevoir les États sans le droit international, puisque leur statut même en découle ?" Fichtre... N'est-ce pas plutôt les États qui précédent le droit international ? voici un grand objet de débat, et dans son plaidoyer pour le DI, monsieur Sur va peut-être un peu loin....
D'un correspondant : pourquoi « nationale » au singulier dans le binôme aujourd’hui consacré (SGDSN, LBDSN) de « défense et sécurité nationale » ? Qu’est-ce à dire ? La défense ne serait pas « nationale » ou, au contraire, comme il tombe sous le sens que la défense ne puisse être que « nationale », on ne le dit pas car on friserait le pléonasme tandis que la sécurité peut ne pas être nationale.
Délire collectif cette semaine : la classe politique et la classe médiatique (oups, pardon, c'est la même) nous ont livré un spectacle encore plus pitoyable que d'habitude du niveau crasse où elles sont tombées. Il reste que les esprits s'échauffent et qu'on assiste à des anathèmes de plus en plus violents qui font, inévitablement, penser à la furie exponentielle (ou, en terme psychologique, à l'escalade de la violence) que constitue la violence mimétique, révélée par Girard : nous voyons poindre un bouc émissaire. Mais comme nous sommes au XXI° siècle, il va être 2.0, multiplié, augmenté... Pour le reste, on lira le billet d'Abou Djaffar, qui dit tout de la déchéance de notre "classe" politique. Sans classe, en fait.
Il ne se passe pas un jour sans, du côté des Etats-Unis :
- soit une reprise en main par l’État américain des grands délinquants financiers (Apple, Liberty surf, grands assureurs, ...)
- soit une révélation d'espionnage intérieur américain (Verizon, FBI,...)
Question annexe : comment se fait-il que certaines de ces entreprises ne gagnent rien et se développent autant et "comment se fait-il que gagnant autant elles ne paient ouvertement aucun impôt ? Génial: le citoyen via ses impôts ou son épargne finance sa propre aliénation.
Articles
- Quand je vous dis que la mode n'est plus à la dérégulation : Aux Etats-Unis, le contrôle des groupes "systémiques" s'étend aux sociétés non-bancaires. Les US ne font pas les choses à moitié. Que va dire la City ?
- Analyse géopolitique de Dubaï, par Jacques Soppelsa.
- Comment la Business INtelligence « in-memory » décloisonne la prise de décision et accélère la capacité d’action (signalé par HC)
- Encore un excellent texte d'Hervé Juvin sur la banque de détail, en train de mourir face à Google et Amazon. Je ne cesse de vous dire que cyber, guerre économique sont liés.. Cette article montre enplus le lien avec le territoire.
Parutions
- Le Laboratoire de Recherche sur la Défense (LRD) de l'Ifri est heureux de vous annoncer la publication du Focus stratégique n° 44, "Cyberguerre, En quête d'une stratégie" par Michel Baud. Télécharger directement le texte en version pdf.
- Le dernier ouvrage écrit par Olivier Terrien poursuit son aventure et se diffuse désormais en anglais sous le titre ‘An Electronic Art of War in 36 Stratagems’. Voir www.36stratagemes.fr.
- A Fierce Domain: Conflict in Cyberspace, 1986 to 2012, par Jason Healey. Je l'ai acquis à la CyCon. Une histoire des cyberconflits depuis 25 ans....
Evénements
18 juin Association Nationale des Auditeurs Jeunes de l'IHEDN organise : "Où va l'économie chinoise ?" avec François BLANC, Chef du service des actions européennes et internationales, FranceAgriMer le mardi 18 juin 2013 19h30 à 21h00 Ecole militaire Amphithéâtre Desvallières. S'INSCRIRE A LA CONFERENCE : : asie@anaj-ihedn.org
18 juin Conf débat de la RDN sur le Caucase du sud (Géorgie, Arménie, Azerbaidjan). Mme Hélène Carrère d’Encausse. Modérateur Général Gilles Gallet. Amphi Louis, 18h00 à 20h00, inscriptions à la RDN.
19 juin Stratégie nationale de lutte contre le terrorisme : 5E Rencontres Parlementaires de la Sécurité Nationale, le 19 juin. Programme. Première table ronde Quelle stratégie nationale pour le Renseignement ? Deuxième table ronde Quelle stratégie de protection des personnes et des intérêts nationaux sur le territoire national et dans le monde ? Troisième table ronde Quelle adaptation du cadre et des outils juridiques et judiciaires ?
Jeudi 20 juin - Conférence-débat - 18h-20h - "Forces et faiblesses de la société française” - Christian Le Roux - Directeur de cabinet du président du Conseil Économique, Social et Environnemental voir ici.
Jeudi 20 juin Forum du futur organise, à 8h30 - "Après le Livre Blanc sur la Défense ?” - Camille Grand - Directeur de la Fondation pour la Recherche stratégique voir ici.
1 juillet A compter du 1er juillet, Le CENZUB deviendra CENZUB – 94e régiment d’infanterie.
Commentaires
Petit commentaire suscité par votre préambule : notre époque est animalière, mais pas plus que d’autres. Les noms d’animaux sont passés dans notre langue parfois depuis si longtemps qu’on en a oublié l’origine. Egea m’a incité à vérifier quelques vagues souvenirs linguistiques :
Le butor (malappris, grossier personnage) est d’abord un oiseau dont le chant est disgracieux. http://fr.wiktionary.org/wiki/butor
On a oublié les bœufs qui sont à l’origine de la biffe. Mais on n’a pas oublié les Marsouins qui accompagnent le bateau sans aider à le faire avancer.
Dans les épreuves difficilement surmontées, on laisse des plumes si l’on n’a pas pu détaler comme un lapin parce qu’on était médusé (ceci est le jeu du « chercher l’erreur »).
Observons aussi que plus de la moitié des opérations militaires françaises portent depuis longtemps des noms d’animaux : « castor » 1953, « oiseau bleu » 1956.
Mais ce sont surtout les femmes qui sont affublées de noms d’oiseau, entre elles le plus souvent, avec le peu de charité qu’on leur connaît : poule, dinde, bécasse, grue et j’en passe.
Dans le cas du renard on trouve un processus contraire : ce n'est pas l'animal qui a fourni un surnom à l'homme mais c'est l’animal anciennement nommé goupil qui est devenu renard en prenant le nom du protagoniste rusé du « Roman de Renart » composé par différents auteurs au moyen-âge http://fr.wikipedia.org/wiki/Roman_...
Pour répondre à votre correspondant qui demande « pourquoi nationale au singulier dans le titre du LBDSN ? » j’ai une hypothèse perso, évidemment contestable, que voici : je suppose que c’est lié au caractère du PR de l’époque (2008). On a déjà parlé ici du fait que les LB (le premier datant de 1972) n’ont jamais la finalité qu’ils déclarent avoir mais résultent de calculs politiciens. http://www.egeablog.net/dotclear/in...
En l’espèce l’introduction en 2008 du terme « sécurité nationale », qui n’apparaît nulle part dans la Constitution, permet au PR (qui est, de plus, le premier de la Vème République à sortir de ses attributions en passant commande d'un LB) de s’écarter encore un peu plus de la Loi Fondamentale et de s’attribuer un rôle de chef de l’exécutif qui n’est pas du tout le sien. Simultanément il fait disparaître le terme « défense nationale » qui lui, se réfère clairement à la Constitution : celle-ci en attribue la responsabilité au Premier Ministre (article 21). La Défense (sans adjectif) n'a pas d'existence constitutionnelle et elle peut donc dépendre de n'importe qui. Ce dispositif qui vise à transférer au Président des prérogatives gouvernementales est complété par la nomination d’un Premier Ministre et d’un ministre de la Défense falots, sans personnalité ni compétences dans le domaine (s’ils me lisent, j’attends avec intérêt leurs observations).
Par conséquent cette petite question d’un petit « s » qui a disparu, ce qui pourrait sembler anodin, résulte d'un dévoiement des institutions qui crée une ambiguïté dans les responsabilités des uns et des autres à la tête de l’Etat.
Ceci est très grave parce que les débâcles (1870, 1940) commencent toujours par un cafouillage gouvernemental qui s’annonçait depuis plusieurs années.
Bonjour,
Sur ce S tombé au champ d'honneur.
Allez, j'balance !
Le député Jacques M...d, à qui je posais la même question il y a quelque 4 ans, me répondit dédaigneusement "mais c'est parce que la défense et la sécurité forment un continuum, alors c'est un bloc, un tout, on n'a pas besoin d'accorder".
Manifestement, la réforme, explicitée par Y.Cadiou, venait doubler celle de l'orthographe et de la grammaire, alors très en vogue.
Une telle leçon de français dans les murs de l'Assemblée... ce devait être un député issu de l'intégration.
O tempora o mores !
(Merci Uderzo et Gosciny de m'avoir, vous, appris 2-3 trucs, je ne dois clairement pas compter sur les députés pour ce faire)./.
Bien à tous,
Colin./.