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Croatie, Albanie et corruption

Voici deux pays qui viennent de faire l’objet d’attention : la Croatie parce qu’elle est devenue membre de l’Union Européenne (le 28ème, si je ne m’abuse), et l’Albanie à la suite d’un dimanche électoral qui a vu l’alternance se produire.

source

Deux pays bien différents de cette zone balkanique sur laquelle il faut revenir.

La Croatie participa directement à l’éclatement de la Yougoslavie, en 1991-1992. Elle soutint activement la minorité croate de Bosnie Herzégovine, avant de s’en détacher quelques années plus tard. Depuis, elle a mené à marche forcée les étapes vers l’adhésion, tant à l’UE qu’à L’OTAN. Le déclencheur fut la remise à la justice internationale d’Ante Gotovina, qui permit de lever l’obstacle politique principale à ces adhésions. De même, le différend avec la Slovénie a-t-il été résolu grâce à un arbitrage international.

L’Albaniea, quant à elle, toujours joué un rôle indépendant et s’est toujours gardé de se mouiller dans les tourments de ses voisins. Il s’agit d’un héritage probable d’Enver Hodja, leader indépendantiste qui réussit à se fâcher avec tout le monde, dans un rêve communiste épuré qui n’a séduit que la Corée du Nord. Aussi, lors des guerres balkaniques et tout particulièrement de la guerre du Kosovo, l’Albanie est restée en retrait et n’a jamais manifesté un quelconque intérêt pour la minorité albanaise du Kossovo. En récompense, elle a rejoint l’Otan sans vraiment l’avoir demandé, et n’insiste pas plus que ça pour rejoindre l’UE.

Or, les deux pays qui bordent, entre Venise l’italienne et Corfou la grecque, toute la côte orientale de la mer Adriatique (sauf une minuscule enclave bosnienne à Neum) souffrent d’un même mal : la corruption. C’es à cause de la corruption que Sali Berisha n’a pas été réélu, c’st à cause de la corruption que la Croatie a mis tant de temps à rejoindre l’UE (sans que le problème soit définitivement réglé). Et l’on ne peut que penser aux manifestations monstres qui se déroulent en Bulgarie, et qui dénoncent, là encore, la corruption des élites politiques.

Corruption : voici le mot maudit des Balkans. Mais ne touche-t-il que les Balkans ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le mercredi 3 juillet 2013, 21:28 par yves cadiou

Votre question finale est évidemment provocatrice et chacun connaît la réponse. Une vraie question serait : « dans quelle mesure la corruption pose-t-elle un problème ? » Cette question n'est jamais posée et l'on a tort de ne jamais la poser. Je m'explique.

{ Mais d'abord je fais un petit hors-sujet. Le lendemain du présent billet, vous écriviez : « les verts sont indignés et restent donc au gouvernement ». On sait que selon vous l'indignation sert à remplacer l'action, voire à camoufler l'inaction. Vous avez raison et j'ajoute que l'absence de réaction d'EELV se comprend : avec 2% à la présidentielle, la campagne électorale n'a pas été remboursée. Deux ministres qui cotisent et qui le cas échéant passent des marchés, ça aide. Le chef du gouvernement est un politicien professionnel et sait que le financement des partis est le nerf de la démocratie dite représentative. Pour les ministres ça s'appelle « solidarité gouvernementale » et pour les parlementaires « discipline républicaine ».
Au fond je ne suis pas sûr d'être hors-sujet. }

La corruption, somme toute, est un marché gagnant-gagnant entre un acheteur (le corrupteur) et un vendeur (le corrompu). Il y a un perdant mais il est tenu à l'écart : c'est l'employeur du corrompu, celui-ci trahissant celui-là. Lorsque le corrompu appartient à un service public (en qualité d'élu ou de fonctionnaire) l'employeur, c'est-à-dire vous-et-moi, peut se demander si le corrompu travaille pour l'intérêt général comme il doit le faire. Parce qu'au fond, l'intérêt général et l'intérêt personnel ne sont pas nécessairement toujours incompatibles.

On a parlé récemment sur ce blog (13 mai) de la déstabilisation de la Libye :
http://www.egeablog.net/dotclear/in...
On sait par ailleurs que le Sahel est une zone de passage de tous les trafics : les marchandises à destination de l'Europe y arrivent par avion car l'espace aérien n'y est pas contrôlé et les zones de poser discrètes sont nombreuses. Ensuite les marchandises montent vers le nord par voie terrestre puis maritime. Jusqu'à ce que la Libye soit anéantie en 2011, la côte méditerranéenne, surveillée par des polices efficaces c'est-à-dire dangereuses ou chères, était un passage difficile. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et c'est pourquoi l'on peut se demander si en France la décision d'utiliser les moyens de l'Etat pour abattre le régime libyen répondait à des motifs d'intérêt public.

Cette interrogation en amène une autre. Encore une fois l'on doit observer que nos institutions, telles qu'elles sont peu à peu devenues, ne sont pas satisfaisantes : élire pour cinq ans une sorte de monarque absolu qui n'est responsable ni devant le Parlement ni devant la Justice, et qui n'est même plus responsable devant les électeurs lors de son deuxième mandat, c'est ipso facto jeter la suspicion sur ce personnage quel qu'il soit. C'est une fragilité institutionnelle grave.

Voici la réflexion qu'amène l'innocente question finale de votre billet, mais ce n'est pas tout : puisque vous en parlez, élargissons à l'UE où la corruption est officialisée sous l'appellation de « lobbying ». Corrompre (pardon : faire du lobbying auprès de) la Commission qui produit des directives que les Parlements nationaux sont ensuite tenus de transformer en lois, c'est moins coûteux que d'acheter 27 parlements nationaux et bientôt 28. Ce que j'écris là n'est pas une fable, j'ai vu le cas quand je travaillais dans une mairie. L'exemple que je donne date de 1997 ou 98, je l'indique pour le lecteur qui voudrait faire une recherche documentaire : la Commission produisit une directive, bientôt transformée en loi, concernant les normes de sécurité des jeux pour enfants dans les squares municipaux et les cours de récréation. Alors qu'il n'y avait jamais eu aucun accident avec les anciens équipements aux normes françaises, toutes les communes de France ont dû acquérir de nouveaux équipements dont une seule entreprise en Europe détenait le brevet. Le lobbying est un investissement rentable.

La corruption, même si on l'appelle lobbying, est évidemment une activité choquante et punissable mais ce n'est pas toujours grave. Avec une question de type « dans quelle mesure... » le lecteur s'attendait certainement à une conclusion nuancée comme celle-ci.

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