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Égypte : quelques remarques

Ne disposant pas de connexions Internet aussi véloces et fréquentes que désirées, et ayant du même coup raté énormément de fils d'information, je découvre des chocs géopolitiques qui se succèdent en trois jours. Abdication d'Albert II de Belgique, démission forcée de D. Batho (les verts sont indignés et restent donc au gouvernement), et l'accélération des choses en Égypte. Je commenterai surtout cette dernière, allez savoir pourquoi. Des remarques brèves, le temps que j'aille creuser un peu les choses.

En premier lieu, il semble que cette affaire soit d'abord intérieure, principalement. La mécanique proche-orientale n'a pas joué outre mesure, même si ce qui se passe au Caire aura des conséquences régionales, encore difficiles à évaluer.

Le Caire, mais pas seulement. Il semble également que les mouvements aient gagné toute l'Egypte, et pas seulement la capitale qu'on décrivait comme le refuge de libéraux branchés sur l'international. On atteint des chiffres de 13 millions de manifestants, ce qui en fait une des plus grosses manifestations de l'histoire (même si les chiffres sont probablement trafiqués : mais même en divisant pas trois les chiffres des organisateurs, on atteint des sommets).

Cela suggère une colère réelle et répandue contre le gouvernement de M. Morsi. Les frères musulmans (FM) avaient conquis leur légitimité sous Moubarak grâce à une politique de proximité et l'argument du pays réel contre le pouvoir de fait. C'est d'ailleurs grâce à cette posture qu'ils avaient remporté les élections, sans avoir joué un grand rôle pendant la révolution.

Au pouvoir, ils ont tergiversé. Mal à l'aise quant aux mesures économiques, mais aussi sur les mesures politiques, et d'une certaine façon "trop" raisonnables : ne rédigeant pas une constitution excessive ( au sens de pas trop islamiste) , ne faisant pas une chasse aux sorcières des caciques de l'ancien régime (les foulouls), et laissant tranquille l'armée, après avoir cru la mettre au pas, sans toucher aux fondements de son système.

Celle ci avait fait le gros dos. La police, n'étant pas formée aux méthodes policières compatibles avec les droits de l'homme, avait cessé toute activité, laissant ainsi l'insécurité se développer. Dans le même temps, les oppositions se développaient, à droite comme à gauche: salafistes d'un côté, ultra libéraux de l'autre. Et les fouloul, toujours là, attendaient leur heure.

Au fond, les FM ont servi de bouc émissaire, très rapidement. Mais leur principale utilité, celle de catalyser les oppositions, va cesser avec leur mise à l'ecart et rendre le pays encore plus ingouvernable. Car la gauche n' a jamais réussi à réunir les tenants de l'ancien régime et les "libéraux" avides d'un système à l'occidentale, alors que pourtant tous deux exècrent les islamistes de tout poil. Ceux là vont se déchirer entre FM et salafistes, au risque de voir triompher le plus radical.

Enfin, les FM ne cessent de crier " légitimité" et ils ont, d'une certaine façon, raison. Ils ont en effet gagné tous les combats électoraux qui ont eu lieu depuis la révolution. La remise en cause de leur pouvoir, par l'alliance de la masse et de l'armée, démontre une fois encore que les pays sont de plus en plus ingouvernables.

On est d'ailleurs surpris de voir l'empressement des Occidentaux à faire montre de réalisme et à bien accueillir la nouvelle équipe. Sur egea, nous avions explique dés le début que cette révolte ne demandait pas la démocratie, contrairement à ce que racontaient nombre de commentateurs. Il est pour le moins surprenant de voir accepter sans cris ni émotions la remise en cause du processus démocratique qui avait été finalement mis en place...

Dernier point : on ne peut que faire le rapprochement entre l'Egypte et la Turquie. Même pouvoir islamiste légitimé par les urnes, mêmes manifestations de masse, même débat entre l'égalité de la dévolution électorale du pouvoir et sa remise en cause, deux ans plus tard, par le "peuple" mécontent. Résurgente question de la légitimité, et actualité de la remise en cause de la démocratie à l'ancienne, représentative. Sous cette forme, cette structure ne donne plus satisfaction, que ce soit dans les démocraties avancées, ou dans les nouvelles,

D'ailleurs, les peuples se réveillent partout. Mais c'est une autre histoire !

O. Kempf

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