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Big data et le stratège

Il faut lire l'excellent article de Philippe Silberzahn (allié) et Milo Jones (Three reasons why Big Data does not make you smarter), qui relativisent l'importance du Big Data.

source

Bon, d'accord, ils abusent de l'expression "Big Data" qui, dans sons sens maintenant courant, ne signifie pas ce qu'ils lui attribuent. Pour eux, le Big data est l'afflux d'informations à la disposition du stratège (quand désormais, le Big Data est l'analyse des goûts et opinions et donc des comportement prévisibles de consommation des internautes à partir de leur activité cybernétique).

Or, l'afflux d'information ne suffit pas à prendre la bonne décision; C'est la critique désormais classique adressée au network centric warfare et à l'accélération de la boucle OODA. L'information n'est pas, finalement, le problème central du stratège. Et ce qui est vrai pour le stratège militaire l'est aussi pour le stratège d’entreprise, ce qui rend l'article de Silberzahn et Jones particulièrement intéressant à mes yeux.

En effet, les théoriciens de la stratégie militaires ont constaté depuis longtemps (Luttwack, Coutau-Bégarie, Yakovlef) que le stratège ne souffre pas fondamentalement d'un manque d'information. Et que parfois, il peut souffrir d'un excès d'information, qui lui cache l'information pertinente.

S et J citent Peter Drucker, qui explique qu'avant tout, la décision est affaire d'opinion : c'est l'opinion préalable (donc non scientifique) qui amène à poser la bonne question. Celle qui est fructueuse et qui va permettre la décision stratégique.

De même, les stratégistes signalent que c'est "l'intuition" (mais pas seulement : il faut aussi beaucoup de réflexion et d'étude) qui permet au stratège de prendre la bonne décision.

Après, tout est affaire de volonté. Là encore, voici un point qui unifie la stratégie militaire et la stratégie d'entreprise : il s'agit de choisir un chemin et de s'y tenir. Le critère stratégique n'est pas, comme on le croit trop souvent, lié au long terme. Il est lié à la volonté de "tenir dans le temps" une décision. Et cela s'applique aux deux champs de la stratégie.

O. Kempf

Commentaires

1. Le vendredi 19 juillet 2013, 22:07 par

Pas du tout compétent pour parler de « big data », je vais quand-même vous contredire sur un point secondaire de votre exposé.
Secondaire et même subsidiaire dans le cas présent, l'intuition est cependant une donnée essentielle pour tout futur décideur qui devra un jour prendre une décision grave et urgente dans des conditions inconfortables où l'on n'est pas au mieux de sa forme : fatigue, carence alimentaire, infection microbienne ou virale, excès de froid ou de chaleur, surprise, danger.
Lorsque vous écrivez « c'est "l'intuition" (mais pas seulement : il faut aussi beaucoup de réflexion et d'étude) qui permet au stratège de prendre la bonne décision », vous sous-entendez entre parenthèses que l'intuition n'a rien à voir avec la réflexion et l'étude. J'ai au contraire la conviction que l'intuition se cultive par la réflexion et l'étude.
J'ai déjà développé cette opinion lorsque vous nous avez amené à parler de la MRT (deux ans déjà) : http://www.egeablog.net/dotclear/in... ainsi que lorsque vous nous avez parlé du « coup d'oeil à la guerre » (décembre 2010) http://www.egeablog.net/dotclear/in...
Vous parlez aujourd'hui de stratégie et je parle de tactique mais au fond le fonctionnement est le même.

L'intuition, qu'est-ce que c'est ? On la confond souvent avec l'instinct qui est totalement irréfléchi (le héron qui se jette sur une grenouille ou le chat qui se jette sur une souris agissent par instinct et non par intuition). L'intuition est un raisonnement tellement rapide que l'on n'a pas conscience qu'il s'opère. Ce raisonnement, comme tout bon raisonnement, est parfaitement rationnel. Mais il souffre d'un défaut : on n'a pas le temps de le vérifier, on n'a pas le temps de la réflexion. Parfois c'est en repensant plus tard aux décisions que l'on a prises pendant l'action que l'on comprend alors le raisonnement inconscient qui s'est produit à ce moment-là. J'en parle ici parce que j'ai connu ce phénomène.
C'est d'ailleurs un point de désaccord que j'ai avec François Lecointre qui était réticent à raconter son assaut sur le pont de Vrbanja, craignant que la narration fausse les faits : pour lui, raconter l'action déforme l'action parce qu'au moment de la narration l'on invente des raisonnements et des motifs qui n'étaient pas là au moment de la décision. Pour ma part je prétends au contraire que les raisonnements et motifs étaient bien là et qu'ils ont fonctionné sans que l'on ait conscience de leur existence.
C'est pourquoi je préconise la pratique de la MRT à l'instruction et au calme parce que la réflexion et l'étude ainsi pratiquées forment l'intuition.

---------------

Ps : sous ce lien, une photo du héron de l'Erdre, philosophe et citadin, à l'affut sur le toit d'une péniche et prêt à plonger par réflexe (non par intuition) sur la grenouille ou le poisson de passage.
http://www.panoramio.com/photo/5056...

Egea : oui, je crois comme vous que l'intuition est rationnelle. Avec un groupe d'amis, nous avons même développé une méthode d'intuition construite. C'est à quoi je faisais allusion en évoquent l'étude préalable. Cela étant, une opinion peut être à la fois une préconception, mais aussi quelque chose de beaucoup plus fugace, qui ressort a ce que les artistes nomment l'inspiration.

Des nouvelles bien faibles du héron. Migrateur? Il aurait dû revenir en nos contrées, alors, puisqu'il fait chaud...

2. Le vendredi 19 juillet 2013, 22:07 par francoisinjapan

Pour avoir fait du "Big data" depuis quelques années (on parlait auparavant de Business Intelligence, dans le sens ou le business était creux, et incapable d'apprendre des sommes d'expériences et d'informations dont dispose l'organisation), le Big Data est comme la prose.
Il s'agit de stocker une grande quantité d'information comme notre cerveau, mais sans discrimination et avec des classifications, puis de créer un maximum de liens, encore une fois comme notre cerveau. Pour les systèmes de Big-Data complets (ou de business intelligence), il y a au dessus des liens la possibilité de créer des analyses statistiques, qui remplacent plus ou moins bien nos "intuitions" (les systèmes neuronaux artificiels consomment beaucoup de ressources mais permettent de reconnaître des similitudes ou fines dans les données observées, qui peuvent être des images ou du son par exemple. les simples regressions sont très efficaces et nous permettent de simuler notre intuition à voir se former un embouteillage ou une crise économique par exemple, ainsi que de faire des erreures grossières car c'est la joie de la simplification. et pour citer une méthode moins connue, les modélisations agents permettent de reproduire notre capacité (ou incapacité pour beaucoup de mauvais dirigeants) à évaluer les motivations individuelles, les mesurer et notre intuition pour voir le résultat total sur une somme de millions d'individus et d'évennement interdépendants).

Pour les lettres et chiffres, c'est avec le temps que la reconnaissance d'une similitude s'est faite. similitude avec les "jeux" d'entrainement à l'esprit que nous recontrons depuis notre plus jeune age. Plus proche du big-data est notre instint à voir que quelqu'un est en train de nous mentir via sa posture, la tention de sa lèvre supérieure, les couleurs qui trahissent le comportement du système interne etc...

3. Le vendredi 19 juillet 2013, 22:07 par Boris Friak

Il me paraît essentiel de distinguer la capacité à accumuler de grandes quantités d'informations au fil du temps de celle de traiter dans des temps très courts (milisecondes) des informations provenant de très nombreuses sources.

Un exemple pour illustrer cette distinction: les compagnies d'électricité savent depuis longtemps traiter a posteriori des millions de relevés de consommation (en capitalisant les relevés de compteurs). Les serveurs, les outils de collecte et les capacités de transmission de l'information permettent à présent de connaître en temps réél toutes les microévolutions des consommations et d'en déduire la nature des appareils utilisés et le profil d'utilisation de chaque type d'appareil pour chaque abonné. Cette masse d'informations a une valeur considérable pour celui qui sait interpréter les données.
En particulier cela permet de faire des prévisions de consommation très fines et d'adapter les moyens de production comme les tarifs.
La valeur de l'information ne réside pas dans la quantité de données (plus j'ai de bottes de foin et plus je trouverai d'épingles...) mais dans la capacité à prendre le premier la bonne décision.

BFR

4. Le vendredi 19 juillet 2013, 22:07 par yves cadiou

« Olivier Kempf m'a demandé de tes nouvelles » dis-je à mon copain le héron de l'Erdre.
Par ces journées de fortes chaleurs, l'aube est le meilleur moment pour flâner. Au lever du jour ce dimanche matin de la deuxième quinzaine de juillet, je peux bavarder avec le héron sans que les passants me prennent pour un fou parce qu'il n'y a personne, excepté bien évidemment le célèbre chat dénommé Potron qui hésite à être encore gris en cette fin de nuit.

Il n'y a personne : les Nantais sont partis dans leurs villégiatures côtières et les touristes venus visiter la ville ne sont pas encore sortis de leurs hôtels.
« C'est gentil de sa part », me répond poliment le héron, sans toutefois se départir de cet air hautain et indifférent qui me fait toujours douter de sa sincérité. « Et pourquoi Olivier Kempf a-t-il demandé de mes nouvelles ? 
---- Parce qu'il apprécie tes observations et pensées, je suppose. Il s'étonnait de ton absence alors que tout le monde sait que tu n'es pas migrateur.
---- Je ne suis pas migrateur mais je suis voyageur, nuance.
---- C'est-à-dire ?
---- Je fais des virées de plusieurs centaines de kilomètres. De préférence par temps chaud comme maintenant parce que je profite des courants ascendants pour moins me fatiguer.
---- Ah, je comprends : le soleil chauffe le sol plus à certains endroits qu'à d'autres, l'air ainsi chauffé se dilate, est donc moins dense et monte.
---- Mais quel amphigouri me sers-tu là ? Moi je sens qu'il y a des endroits où je peux voler sans battre des ailes. Le reste, ce sont des explications inventées par ton Trop Gros Cerveau.
---- Non, c'est un autre TGC qui a inventé ça. Moi je me contente d'essayer de comprendre et de répéter.
---- Mais comprendre, ça ne sert à rien ! Inutile de comprendre pour voler sans se fatiguer !
---- Au contraire je crois que tu comprends sans le savoir : quand je te vois repartir vers la campagne les fins d'après-midi, j'ai observé que tu suis la rivière en évitant de voler juste au-dessus et que tu passes plutôt au-dessus des maisons qui sont en rive : pourquoi ?
---- Parce que c'est plus facile de voler là à cette heure-là.
---- Donc tu as compris, déjà, que c'est plus facile de voler là à cette heure-là. Par conséquent comprendre, ça ne sert pas à rien : dans ton cas ça sert à moins se fatiguer.
---- Arrête, tu me fais peur ! J'aurais compris quelque chose, moi ?
---- Ben oui. Tu as l'intelligence qu'il te faut pour comprendre ce qu'il t'est utile de comprendre. Qu'est-ce qui te gêne ?
---- Mais je ne veux pas comprendre ! Je ne veux pas être intelligent ! Je ne veux pas ressembler à un TGC ! Je vous aime bien, j'apprécie votre compagnie si ça n'est pas trop près, mais je ne veux pas être laid comme vous avec vos grosses têtes ridicules et vos bras sans plumes qui gesticulent pour rien.
---- Non, rassure-toi : tu n'as pas compris grand' chose, tu as seulement compris que c'est moins fatiguant de voler dans de l'air qui monte. C'est déjà bien mais tu es loin d'être un TGC.
---- Ouf. C'est vrai que je ne vous envie pas avec votre handicap cérébral qui vous oblige à vouloir tout comprendre au lieu de profiter de la vie.
---- C'est peut-être un handicap. Mais moi, je trouve que c'est bien. Par exemple il n'y a rien qui m'émerveille autant que de voir un jeune enfant regarder autour de lui et essayer de comprendre ce qu'il voit et ce qu'il entend. Et puis un jour il commence à parler.
---- Oui, j'imagine : c'est comme moi quand je vois mes héronneaux commencer à voler. N'empêche que j'aimerais qu'à l'avenir tu ne me dises plus que j'ai de l'intelligence : même très peu, ça me fait peur.
A part ça, on te voit aux fêtes de l'Erdre, cette année ? On parlera de courage intellectuel entre deux charleston, c'est beaucoup plus marrant.»
http://www.egeablog.net/dotclear/in...)

égéa  : Le héron n'est pas un TGC, mais possède une VS (vraie sagesse). Ce que les humains appellent de "l'instinct". D'ailleurs, l'instinct me semble la sagesse animale. En aucun cas, je ne crois à l'instinct humain (ou plutôt, ce que les gens appellent de "l'instinct humain" m'apparaît être une "intuition", qui est le résultat de leur expérience).

Fêtes de l'Erdre ? Mais je suis sûr qu'il y a plein de monde. Je suis un peu comme le héron, ou le promeneur de l'aube : je goûte la compagnie des autres à petites doses, surtout en vacances. Je préfère les tête-à-tête (je ne sais pas s'il faut mettre un "s", je le laisse donc invariable, comme souvent les mots composés). Autrement dit, je crains de ne pas assister à ces fêtes nantaises.

Heureux de voir que le héron voyageur est encore dans nos contrées. Mes amitiés, donc.

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