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Mélanges hebdo 29/13

Publication tardive de ce billet, pour cause de FILM à Coetquidan, et d'un retour tardif à la maison Mais nous sommes en vacances, n'est-ce pas ? FILM (Festival International du Livre Militaire), donc, où il y avait un peu moins d'exposants. Surtout, les mili rencontrés (je ne parle pas des élèves officiers, qui ont la pêche) m'ont fait l'effet de ne pas avoir grand moral, de façon très marquée. Ce n'est qu'un témoignage anodin, qui n'a pas de valeur de norme, mais qui participe à l'impression de "blues" dont on parle de plus en plus dans les gazettes. Le pire est que les civils ont désormais conscience du moral en berne des militaires : ça, c'est la première fois ! Pour le reste, il est toujours passionnant de rencontrer les lecteurs, et de leur dédicacer ses ouvrages.

source

Ici un compte-rendu du dernier ouvrage de Thomas Rid (Cyberwar will not take place), mais aussi le dernier texte de Libicki qui relativise les délires cyber-Pearlharbouriens qui existent aux États-Unis. S'il s’agit de dire que la notion de cyberguerre est archi discutable, nous en sommes bien d'accord (et l'avons expliqué dans ICS). Mais de là à proposer une vision irénique (tout va très bien, madame la marquise, juste un peu de technologie qui rend notre monde plus agréable), c'est aller un peu vite en musique et oublier que le cyberespace est un espace de conflictualité. Cyberguerre, non (quoique), mais cyber-conflictualité, certainement.

Puisqu'il n'y a plus de menace en Europe, alors pourquoi les Européens s'accrochent-ils autant à l’alliance avec les États-Unis. Probablement parce qu'ils ont peur d'eux-mêmes. La menace n'est pas extérieure à l'Europe, elle est en son sein.

Je constate une montée en puissance des tensions "idéologiques". Je mets le mot entre guillemets, car il ne me paraît pas approprié. Il faut dire que j'ai été éduqué dans un temps antédiluvien (au moment de la guerre froide) où la notion d'affrontement idéologique avait une signification solide. Car il y avait bien deux "idéologies" qui se faisaient face à face, même si, dans le "monde libre", nous avions le sentiment de "défendre la liberté" face à l'idéologie du "camp d'en face". Autrement dit, nous percevions bien la nature idéologique du communisme, qui d'ailleurs énonçait une doxa bien établie, celle du marxisme léninisme. Il y avait une oeuvre de référence (Manifeste du parti communiste, le Capital, les écrits de Lénine), une explication du monde, des modèles applicatifs (soviétique, socialismes est-européens, maoïsme, cubisme - euh, non, à Cuba ce n'était pas du cubisme). En face, s'il n'y avait pas de programme aussi "scientifiquement établi", on défendait la liberté, la démocratie, la libre entreprise, les libertés individuelles : tout un faisceau de valeurs qui avait un relent idéologique certain.

Aujourd’hui, il s'agit d'autre chose. Des postures sans discours et sans construction intellectuelle, pour dire les choses simplement. Une inaptitude au débat, c'est-à-dire à l'écoute de l'autre et à l'estime qu'il peut avoir des arguments recevables et discutables. Chacun désormais a tendance à s'exaspérer et à faire parler les sentiments (les passions) avant la raison. Il s'agit probablement d'un effet de la bulle médiatique dans laquelle nous vivons, et où les médias cherchent à agir d'abord sur l'émotion, car "l'émotion c'est l'audience". Il s'agit également de notre mode de consommation de ces médias (zapping audiovisuel, twitter en 140 mots, billets facebook où la réaction offerte est "je like" ou je passe. Les livres sont plus courts, les chapitres plus brefs, les actions plus segmentées : et il ne s’agit pas seulement des romans, les essais aussi raccourcissent.

A force de nous demander d'aimer ou pas en un quart de seconde, on abandonne le recul, la distance, la profondeur. Cela affecte le débat public et renforce la montée aux extrêmes passionnels. Bref, de la passion quasi idéologique, sans idéologie.

Entendu, sur une radio, un entretien avec O. Hassid et J. Marcel, auteurs d'un ouvrage sur Colombine, Oslo, Toulouse : tueurs de masse , Un nouveau type de tueurs est né. Je ne me serai probablement pas intéressé au sujet, et cet interview m'a fait changer d'avis. Car ces tueurs de masse sont un phénomène qui va croissant, et qui est la pathologie de nos sociétés modernes. Or, à bien y regarder, il n'y a pas d'idéologie, sauf dans le cas des home grown terrorists, qui n'est qu'une variante du "tueur de masse". Ils sont isolés, psychiquement fragiles, et accèdent à l'existence médiatique grâce à leur crime. Bref, des criminels psychopathes, l'idéologie ne servant, qu'au cas par cas, à justifier vaguement leurs actes. D'où la question : ces gars là sont-ils des terroristes ? leurs actes sont-ils anticipables ? Justifient-ils toutes les mesures de surveillance prise au nom de la lutte anti-terroriste ?

5 chapitres : ça avance, même si ça ne va jamais aussi vite qu'on l'avait prévu.

Articles

  • Inde, cybersécurité et géopolitique (par Si vis Pacem)
  • Quand Defense news passe en revue les politiques européennes de cyberdéfense, et oublie la France....
  • Le jugement des linguistes : ou comment la linguistique paraît nécessaire pour comprendre les défis du cyber, et des échanges d'information.
  • L'interview du Gal Desportes : entre volume et technologie, il faut choisir les volumes : "On n’a pas besoin d’une frégate multi-mission à un milliard d’euros pour dissuader des pirates au large de la corne de l’Afrique, ni d’avions extrêmement sophistiqués pour faire de l’appui au sol. Gagner une guerre, c’est contrôler l’espace. Pour cela, il faut engager des volumes de forces adéquats, donc rendre les bons arbitrages sophistication-volume. Il faut pouvoir déployer des matériels plus rustiques en quantité suffisante. En Afghanistan, la coalition n’a jamais atteint les volumes de forces suffisants pour espérer l’emporter". C'est au fond un nouveau choix technologique qu'il recommande. Car vient un moment où la technologie ne compense plus l'absence de volume.
  • La NSA, c'est comme la Stasi ? L'auteur estime que non parce que la NSA est légale... je trouve l'argument bien primaire ! dommage, car l'article est intéressant, avec le rappel des méthodes de la Stasi. Même ambition générale, mais moyens bien plus limités.
  • La victoire militaire ne suffit plus pour imposer la paix par Beatrice Heuser. Cet article a fait pas mal couler d'encre sur Facebook, ainsi que son livre qui vient de sortir ("Penser la stratégie de l'Antiquité à nos jours", éditions A & J Picard (432 p., 39 €). Je viens juste de le recevoir, et attendrai de le lire pour en parler, même si sa bibliographie est, par certains côtés, surprenante.

Publications

Assemblée nationale : Rapport d’information relatif à une revue capacitaire des armées - jeudi 18 juillet 2013.Rédigé par MM. Yves Fromion (UMP, Cher) et Gwendal Rouillard (SRC, Morbihan).

  • Ce rapport conclut les travaux de la mission d’information créée par la commission de la défense le 13 novembre 2012. Il dresse un état des lieux, sous un angle capacitaire, de l’application de la loi de programmation militaire 2009-2014, contrariée dès 2008-2009 par une grave crise économique. Pour ce faire, il examine les capacités militaires sur le terrain, en opérations extérieures comme en métropole et en outre-mer, vérifie dans quelle mesure les armées ont disposé des moyens d’entretenir leurs matériels et s’interroge sur les capacités industrielles du pays. Il souligne les risques de ruptures capacitaires pour la marine, l’armée de terre et l’armée de l’air.
  • En conduisant cette analyse capacitaire de la façon la plus objective possible, les rapporteurs entendent contribuer à éclairer l’examen de la loi de programmation à venir par le Parlement, en réaffirmant que l’ambition stratégique de la France implique qu’elle conserve un outil de défense totalement crédible, à même de trouver sa place dans une Europe de la défense à la hauteur de ses responsabilités.

O. Kempf

Commentaires

1. Le samedi 20 juillet 2013, 20:13 par Ph Davadie

L'article de B Heuser est surprenant...
Est-on certain que les armes nucléaires aient modifié les notions de guerre et victoire ? Car la guerre sur le sol européen a été gagnée sans arme nucléaire, et la paix qui s'ensuivit fut pour le moins bancale.

"Depuis la fin de la guerre froide, l'incapacité à vaincre les forces insurrectionnelles et autres guérilleros par une puissance de feu écrasante et une supériorité technologique a entériné cette prise de conscience : la guerre doit se donner pour objectif la paix, plutôt que la victoire militaire." C'est, à peu de choses près, ce qu'a dû se dire Napoléon lorsqu'il rêvait en espagnol.

Quitte à rester dans la littérature d'outre-Manche, je préfère l'analyse de Rupert Smith dans "l'utilité de la force" où il explique bien mieux que les guerres actuelles ne sont plus des guerres industrielles mais des guerres au milieu de la population qui peut être acteur, enjeu ou victime des guerres modernes.

2. Le samedi 20 juillet 2013, 20:13 par

« Entre volume et technologie, il faut choisir les volumes »  dit le Général Vincent Desportes.
Il a parfaitement raison.

Evidemment notre industrie d'armement n'est pas d'accord parce que sa logique est purement commerciale. Elle préfère fournir du technologique cher (et invendable hors du marché captif que constitue l'armée française) plutôt que du rustique pas cher. Rustique qu'en fait elle ne fournirait pas si l'on pouvait acheter ailleurs. Pour ne citer qu'un exemple : Embraer, Brésilien, construit d'excellents avions d'appui-feu, des « camions à bombes » à hélice qui feraient parfaitement l'affaire des opérationnels mais qui n'ont pas leur équivalent en France.

Malheureusement au Ministère, c'est l'avis des industries d'armement qui prévaut, au détriment de l'efficacité de nos armées et souvent au détriment de la sécurité des opérationnels. C'est ainsi que ceux de l'opération Tacaud (78/80), dont j'étais, roulaient dans des camionnettes SIMCA à essence totalement inadaptées au désert ; c'est ainsi que nous avons été dotés de LRAC ultra-perfectionnés mais défectueux dont les roquettes n'explosaient pas à l'impact ; c'est ainsi que nous nous sommes équipés de kalachnikovs prises à l'ennemi pour remplacer les pétoires MAT49 que le complexe politico-industriel nous obligeait à utiliser jusqu'à ce que le scandale de troupes françaises équipées de kalachnikovs emportât la décision d'importer quelques SIG 5.56 ; c'est ainsi qu'aujourd'hui on fait la guerre dans le désert avec des véhicules conçus comme amphibies il y a quarante ans parce que c'était, à l'époque, ce que l'industrie d'armement voulait vendre aux armées.

Lorsqu'il apprend qu'au ministère de la Santé les industries pharmaceutiques ont une influence excessive, le monde politico-médiatique s'offusque. Avec la même logique les mêmes commentateurs politico-médiatiques trouvent normal que le ministère des Transport n'ait aucun lien avec l'industrie automobile ; trouvent normal que la société nationale des chemins de fer français soit libre de s'équiper au Canada.
Mais dans le même temps les armées, et les civils oublient d'en faire scandale, ont l'interdiction d'importer le matériel dont elles ont besoin.

Pour être cohérent il faut par conséquent abolir la mainmise de l'industrie d'armement sur le ministère de la Défense. Pour commencer, il faut changer le nom de celui-ci qui devrait s'appeler « ministère des forces armées ».
En attendant que le personnel politique soit capable de réfléchir et de prendre des décisions conforme à l'intérêt du Pays, le Général Vincent Desportes (et il n'est pas le seul) prêche dans le vide. Je crois que nous sommes de plus en plus nombreux, parmi les militaires, anciens militaires et sympathisants qui représentent un bon 10% du corps électoral, à penser que ça ne va pas durer.

3. Le samedi 20 juillet 2013, 20:13 par

""Pour le reste, il est toujours passionnant de rencontrer les lecteurs, et de leur dédicacer ses ouvrages.""

Je confirme, j'ai eu plaisir à parler avec vous.

égéa : bien joué, Diogène : pas vu qui vous étiez, ce que je regrette, car j'apprécie votre blog, que je trouve utile : on aurait pu discuter. By the way, l'histoire de la diffamation me semble ahurissante... Take it easy, and keep going.

4. Le samedi 20 juillet 2013, 20:13 par diogene le cynik


Pas eu le temps de vous expliquer ma vision de la décadence. Une autre fois. Il y aura d'autres triomphes et d'autres filleuls...
Merci à vous pour votre appréciation de mon blog, j'étais persuadée que vous ne l'aimiez pas.

égéa : je me souviens, une discussion sur le déclin. Réalité, ou discours du déclin ?

Pour le blog, si, j'aime bien. J'aime bien les gens qui s'expriment, en fait, même si je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'ils expriment. Et pas toujours opposé, remarquez.

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