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Hybrides hebdo 48/13

Succession de succès russes cette année : La Géorgie qui se débarrasse de Saakachvili et amène au pouvoir une équipe plus conciliante, Snowden qui s’installe à Moscou, le coup de maître sur les armes chimiques de la Syrie, l’Ukraine qui refuse le partenariat européen, l’accord nucléaire avec l’Iran, autant de victoires plus ou moins éclatantes qui marquent le triomphe d’une diplomatie à la fois rustique et habile. Rustique parce qu’elle a des objectifs clairs et permanents dans le temps et qu’elle les met en œuvre sans états d’âme, au besoin en utilisant la force (cf. les pressions sur l’Ukraine). Habile car il s’agit vraiment de diplomatie, jouant ici de la capacité de bloquer temporairement, là d’user de stratagèmes (comme dans l’exemple syrien). Quoiqu’on pense des objectifs de la stratégie russe, chapeau sur les moyens et méthodes de sa mise en œuvre. Cela illustre à quel point la « stratégie » repose sur l’alliance entre un objectif clair et une mise en œuvre constante. Oui, je sais, ce n’est pas monnaie courante.

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Sinon, pas mal de choses à découvrir cette semaine.

Pensées fugaces

Cette semaine, bal des cocus : l’UE en Ukraine, la France en Iran.

Ashton, une résurrection : elle a signé l'accord Serbie-Kosovo il y a six mois, et maintenant elle est une des vraies victorieuses de l'accord nucléaire signé avec l'Iran. Enfin une "victoire" européenne. Même si les plus fervents Européens ne l'ont pas forcément aidée sur ce coup là.

Au fond, nous avons de plus en plus de leaders (c’est un bien grand mot, je vous l’accorde) politiques qui ne sont que des ultra-tacticiens. C’est ce qu’il y a de désespérant dans nos politiques étrangères : l’ultra tactique permanente.

Bon 2S à tous ceux qui vont le fêter cette semaine. Oh ! Pékin de bahut, nous t'attendons tous ...

Rassurante, la décision américaine d’envoyer 2 B-52 survoler la zone de contrôle aérien décidée unilatéralement par la Chine au-dessus des îles Senkaku. Pékin ne déteste pas le « fait accompli » ni la friction pour tester les lignes de l’autre. Le test est probant : les États-Unis sont toujours présents en mer de Chine, et ils soutiennent Tokyo. Cela ne devrait pas porter à conséquences. A abrupt, abrupt et demi. Accessoirement, cela démontre la réalité du pivot. Non qu’il y ait plus de forces américaines en Asie, mais surtout, Washington ne renâcle pas là-bas aux démonstrations de force, alors qu’il a choisi une option « lead from behind » au Moyen Orient, où certains alliés traditionnels (Israël, Arabie Saoudite) se plaignent du désengagement états-unien. En Asie, pas de désengagement. Du côté chinois, cela relance le nationalisme, pain béni pour assurer la cohésion à l’heure où les premières fissures de la bulle commencent à apparaître…

On apprend la baisse des productions de gaz de schiste aux États-Unis. C'était attendu, mais la concomitance de cette "nouvelle" avec l’accord iranien susurre une hypothèse : celle d'une manœuvre Shale gas, orchestrée pour faire chuter les cours et vendre une sécurisation des approvisionnements qui permette de se désengager d'alliances trop contraignantes au Moyen-Orient, tout en déstabilisant des ennemis producteurs ou consommateurs: une véritable guerre économique. Autre coïncidence, l'émergence de ce gaz de schiste simultanément au discours sur le pivot.

Livre reçu, acheté, paru ou lu (ou un peu de tout ça)

L'Ifri publie le Focus stratégique n° 48 "La fin du régiment ? Trente ans de déstructuration de l’organisation tactique régimentaire" par André Thiéblemont. Télécharger directement le texte en version pdf. Je l'ai lu ce jour, il est indispensable comme souvent les écrits de Thiéblemont, même s'il est mal vu des autorités de l'armée de terre. Et pourtant, force est de constater qu'entre la généralisation des GTIA l'invention de la PEGP et la mise en place des bases de défense, le régiment a perdu toute cohérence opérationnelle, technique ou administrative.

  • La nouvelle organisation des forces terrestres rompt avec un ordre tactique séculaire : celui du régiment. Sa conception naît des contraintes de la politique, souvent présente dans l’histoire du régiment. La construction de l’ordre régimentaire accompagne l’édification de l’Etat-Nation. La IIIe République l’investit de fonctions politiques, sociales et culturelles. Or, aujourd’hui, l’instauration d’une organisation dite modulaire de l’armée de Terre qui bouleverse le principe régimentaire procède également d’une dynamique politique. Celle-ci se noue au début des années 1980. Prise en étau entre une demande politique densifiant ses actions extérieures et la rareté des effectifs disponibles pour ces actions, l’armée de Terre est contrainte de bricoler des organisations de fortune. Il s’ensuit une déstructuration de l’organisation tactique régimentaire : le corps de troupe, démembré, est transformé en « réservoir de ressources ». A la fin du siècle, une politique militaire de rareté conduit à normaliser et rationaliser ce procédé dans cette organisation tactique « modulaire » qui puise dans le régiment de quoi constituer des formations de circonstance pour des expéditions lointaines. Dans le même temps, cette politique contraint à mutualiser dans des bases de défense interarmées les moyens qui conféraient au régiment son autonomie d’action. Le chef de corps n’est plus maître de son corps. Est-ce la fin du régiment ?

Parution de l’édition 2014 du Choiseul Energy Index : Réalisé par l’Institut Choiseul, en partenariat avec KPMG, le Choiseul Energy Index offre une évaluation unique, indépendante et objective de la compétitivité énergétique des États. Il permet un regard global, à l’échelle de la planète, sur la réalité des politiques énergétiques suivies par quelque 146 États répartis sur tous les continents. Vous trouverez ici la synthèse de ce classement unique

Culture

Je viens d'acheter "Londres en péril", de la série Lefranc, initialement dessinée par Jacques Martin. Série classique bien que relativement méconnue, je viens de découvrir qu'elle est poursuivie par de nouveaux dessinateurs et scénaristes (comme les Blake et Mortimer ou, récemment, Astérix). Les premières pages de cet opus (publié en 2008) sont très convaincantes.

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Découvert le Caol Ila (say "Cull Ee-la", est-il écrit sur la bouteille). Un islay que je ne connaissais pas, beaucoup plus léger que le Laphroaig, avec pourtant énormément d'arômes. Un malt important...

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Articles ou liens ou sites

Événements

6 décembre IFRI Vendredi 6 décembre 2013 de 9:00 à 17:30 Où en est la puissance américaine? Ifri - Salle de conférence, 27 rue de la Procession 75015 Paris Inscrivez-vous en répondant à usa@ifri.org

9 décembre Forum du futur : conférence-débat organisée avec France-Amériques, le lundi 09 décembre 2013 de 18h00 à 20h00 dans les salons de France-Amériques. Elle traitera du thème "Iran, la nouvelle donne internationale?". Avec Le Professeur Bernard Hourcade, Directeur de Recherche émérite au CNRS et Maître Ardavan Amir Aslani, spécialiste de la géopolitique du Moyen-Orient sur le thème : Iran : la nouvelle donne internationale ? Modérateur : Maître Jean-Claude Beaujour

10 décembre IHEDN PAris. UNE CRISE A GÉRER : LA CRUE CENTENNALE À PARIS Colloque Amphithéâtre FOCH à l'école militaire. ails : Détwww.ihedn-arparisidf.org Twitter : IHEDN_ParisIDF #crueparis

10 décembre ANAJ IHEDN Un Conseil européen pour sauver l’Europe de la Défense ? Vice-amiral d’escadre Xavier PAITARD Vice-Président "Affaires publiques" EADS France Ancien représentant militaire de la France auprès de l’UE et de l’OTAN Mardi 10 décembre 2013 19h30 à 21h00 Ecole militaire Amphithéâtre Des Vallières. Inscription http://link.simple-mail.fr/c/443/9c970b45a70296cf873dd69fdf95164d3b02e05318f29c8d304194813681f2f5

12 décembre Forum du futur : conférence-débat organisée avec Minerve,le jeudi 12 décembre 2013 de 18h00 à 20h00 à l’École Militaire. Elle traitera du thème "Quel avenir pour l’EURO?" avec M. Jean-Paul Betbèze, Président de Betbeze Conseil Membre de la Commission Economique de la Nation et M. Jean-Marc Daniel, Professeur associé à l’ESCP Europe. Cette conférence se tiendra à l’École Militaire Amphithéâtre LOUIS

Le Chardon

Commentaires

1. Le lundi 2 décembre 2013, 07:42 par yves cadiou

La fin du régiment ? C'est oublier que depuis quarante ans (et non trente) ce ne fut pas de la « déstructuration » mais de l'adaptation permanente. Le régiment y a joué un rôle essentiel et le jouera encore dans les adaptations futures.

Le régiment possède deux qualités fondamentales qui sont, curieusement, oubliées par Thiéblemont et par le Chardon : le régiment est un expert technique et une référence morale.

Mais d'abord, dès le titre, l'étude est entachée d'une erreur qui dévoile une mauvaise connaissance des éléments sur lesquels elle se fonde : c'est dans les années 70, et non dans les années 80, que les régiments ont commencé à fournir des GTIA. J'y étais. L'oubli s'explique par le poids de l'antimilitarisme soixante-huitard : à cause de celui-ci régnait une omerta sur toutes nos activités opérationnelles. La loi de 1972 disait que la mission des armées était de « préparer et assurer par la force des armes la défense de la Patrie et des intérêts supérieurs de la Nation » mais dans la presse les critiques ou les insultes plus ou moins voilées fusaient à chaque fois que l'on voyait des militaires faire autre chose que nettoyer les plages polluées ou ramasser les poubelles des grévistes. Il n'y eut qu'une exception, tardive, quand en 1978 la Légion sauta sur Kolwezi. En dehors de ça, c'était profil bas sur les activités opérationnelles et c'est pourquoi la documentation est rare. Les cahiers du retex le reconnaissent à demi-mots : « Parfois la description d'une opération reste sommaire car bon nombre d'informations ont disparu”. Les témoignages se trouvent dans les archives des Amicales régimentaires. Il faut rappeler cette époque qui, nonobstant les difficultés d'alors, est à l'origine de notre organisation actuelle.

Alors qu'aujourd'hui une dizaine de blogs annonceraient la nouvelle, la création du 6ème BIMa à Libreville le 1er janvier 1976 passa totalement inaperçue. Ce bataillon était un GTIA permanent : il reprit le Drapeau du 6ème RIAOM de N'djamena dissous. Depuis plusieurs années, il était administrativement un détachement du 6ème RIAOM, une sorte de bataillon fantôme qui fonctionnait un peu comme les GTIA d'aujourd'hui : il comportait une petite compagnie de soutien, permanente, et deux compagnies de renfort qui se relayaient tous les quatre mois, fournies par des régiments basés en métropole. Sa première compagnie était elle-même un SGTIA aux ordres d'un capitaine (dont votre serviteur), avec deux sections d'infanterie et un groupe mortiers fournis par le 3ème RIMa, ainsi qu'un peloton de cinq AML fourni par le RICM. Ce système avait le double avantage d'alléger les charges (et les risques en cas de troubles) à Libreville parce que les familles ne suivaient pas et l'avantage pour les régiments en métropole de motiver les personnels à l'instruction par la perspective d'un séjour opérationnel. Mais tout cela se faisait dans la discrétion la plus absolue, au point que les relèves se faisaient en tenue civile pour ne pas montrer de militaires en treillis dans les salles d'embarquement des aéroports. Il est regrettable que de cette discrétion résulte aujourd'hui un oubli qui conduit à conclure, à tort, à la fin du régiment. C'est lors de l'opération Tacaud au Tchad en 1978 que les GTIA furent systématiquement formés, chaque régiment en métropole fournissant les unités de sa spécialité.

Certes on peut, avec une sorte de mépris, écrire que le régiment est “un réservoir de ressources” mais c'est escamoter deux traits essentiels : son expertise technique et la référence morale qu'il constitue. Il est enraciné dans l'histoire de France ancienne ou récente, s'appuyant sur une Amicale qui manque encore pour quelque temps aux régiments les plus récemment professionnalisés, s'appuyant aussi sur une garnison qui fait tout pour le garder. S'il y a eu “déstructuration”, elle est due à la disparition totale de certains régiments mais surtout, inexcusable parce que résultant de petits calculs politiciens, à des changements de garnison qui ont, inutilement et même nocivement, coupé des régiments de leurs racines.

L'expertise technique : le régiment détient un savoir-faire qui résulte de la théorie et de l'expérience. Ce savoir-faire se transmet non seulement par les séances d'instruction programmées mais aussi par les conversations de popote où les trucs du métiers,écrits nulle part, se racontent aisément. En sa qualité d'expert, le régiment est le plus qualifié pour faire évoluer la technique : voyez les pas de géant qui ont été fait en quarante ans avec le VAB : véhicule amphibie conçu dans les années 70 pour transporter un groupe de combat destiné à combattre à pied dans une manoeuvre retardatrice sur la plaine d'Europe centrale entrecoupée de cours d'eau, le VAB a cependant pu devenir, grâce à l'expertise des régiments, un engin de combat dans les montagnes d'Afghanistan comme dans les sables et rocailles du Sahel.

La référence morale : nos armées recrutent des jeunes issus du Peuple, souvent d'origine sociale modeste et en quête d'intégration. La présentation au Drapeau, à la fin de la formation initiale, l'enseignement de l'histoire du régiment et à travers elle de l'histoire de France, donne des repères à des jeunes qui en manquaient.

Sur ces bases, expertise technique et référence morale, le régiment permet toutes les évolutions en les appuyant sur l'expérience.
Préservons nos régiments.

Ce qu'il faut craindre, c'est qu'en lisant que c'est la “fin du régiment” sous la plume d'un officier supérieur (exceptionnellement l'avis du militaire sera pris en considération) , une commission de civils absentéistes chargée d'un prochain Livre Blanc reprenne l'idée brute pour conclure que des économies sont faciles. Ce Livre Blanc sera ensuite voté par quelques parlementaires somnolants sur les travées clairsemées d'assemblées où aucun quorum n'est requis. La disparition de ces organismes essentiels que sont les régiments sera alors programmée.

Réfléchir, c'est bien. Mais quand on publie en précisant son grade et ses titres, il ne faut pas oublier qu'on sera lu, certes par des gens très bien, mais pas seulement : aussi par n'importe quel incompétent en quête d'économies.
Tourner sept fois sa plume dans son encrier avant d'écrire et de publier.

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