Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

L'Allemagne, le divorce européen et le pivotement souterrain

Peu à peu, la réalité crue apparaît : l'Allemagne divorce de l'Europe, et pas seulement d'elle. Un pivotement souterrain est en cours. Beaucoup plus inquiétant que l'autre.

source

Cela passe d'abord par la panne du "moteur franco-allemand", qui était supposé animer la dite "construction européenne". Or, l'Allemagne ne suit plus la France : ni dans la politique économique, ni dans l'architecture européenne, ni dans les affaires stratégiques, et particulièrement en Afrique (Libye, Mali, RCA).

Passons également la montée du parti anti-euro (c'est d'un banal, surtout quand on compare à l'UKIP ou au FN), ou sur le souverainisme sourcilleux de la cour constitutionnelle de Karlsruhe qui "interprète" le droit à tout va, mais toujours dans le sens d'un chauvinisme bien compris.

D'une certaine façon, elle se retire aussi du système atlantiste, à cause de la cavalerie budgétaire américaine : les Allemands sont horrifiés par la dette, la négligence envers le dollar et le quantitative easing en vogue à Washington. Mais ils s'éloignent aussi de l'Otan, dont ils ressentent moins le besoin. Dans la plateforme programmatique CDU SPD, l'Otan arrive après l'OSCE, et juste sous l'angle du "Framework Nation concept", qui vise, si on regarde de près, à régionaliser l'Otan....

Constatons enfin la priorité donnée au pilier économique de la "puissance". Cela amène l'Allemagne aux choix suivants :

  • réorientation de ses exportations hors d'Europe
  • concentration sur un "étranger proche allemand", qui ressemble furieusement à la Mittel Europa
  • Association avec la Russie pour l'accès aux ressources.
  • Association avec la Chine pour bâtir un nouveau système financier et monétaire mondial (mark + yuan contre dollar + livre).

Ainsi, l'Allemagne choisit aujourd'hui une stratégie de heartland alors qu'elle avait longtemps opté pour le rimland. Ce pivotement-là est beaucoup plus inquiétant que le pivotement américain.

Le Chardon

Commentaires

1. Le vendredi 13 décembre 2013, 09:07 par Patrick Saint-Sever ssp consult

Ce Chardon poussé en plein milieu d’automne avait de solides racines. Toutefois disons-le, et ce n’est pas ce papier sur l’Allemagne qui dément ce constat, il est encore plus admirable que la souche précédente.

D’abord relevons que le Chardon, pour coloré qu’il fut, donc authentique belle plante n’en est pas moins épineux, comme la vérité. Vérité que d’évidence il recherche, contournant soigneusement lieux communs et doxa.

Cette pousse d’automne est donc très utile, et nous pouvons, nous devons en remercier l’auteur car « le talent c’est du boulot » comme l’écrit Ben sur mon T Shirt - j’en ai un autre qui l’atteste, je suis unique au monde… lisant le Chardon je suis rassuré, non !

L’Allemagne pivote nous dicte sans faute le Chardon, hors consensus d’autant plus mou que personne ne profère de questions sur l’Allemagne, hormis de revanchardes vociférations sur ses succès industriels. La vision est féconde et puissante, et pour celui qui creuse, flagrante.

Alors pour faire progresser quelques compléments critiques (puisque nous sommes au pays de la dialectique) :

- L’Allemagne, a fortiori après que la paix de 1945 l’eut amputée de … l’Allemagne matricielle, n’est pas dans le heartland mais en bordure immédiate, frontalière au sein du rimland. En cela qu’il soit permis de se poser la question d’une certaine assimilation du concept de Mittle Europa, et d’Heartland. En cela la RFA n’est pas ethnocentrée, égocentrique, mais dans une stratégie de rapprochement avec d’autres, l’autre. Mais plus nous, Français, dont acte. Elle n’est pas un poussah balançant immobile sur son fondement, elle bouge. Et nous ?
- Ainsi dans le Chardon nous trouvons cette idée en forme de constat : l’Allemagne a une stratégie, un « plan » (quelle horreur…). Où est notre stratégie, notre vision (intelligence) et notre instinct vital, à nous, latins portant un nom…germanique ?
- Heartland : la Russie indubitablement, mais Turquie, Proche-Orient (où le BND, dans une discrétion que nous prenons pour une absence, en remontre aux DGSE voire CIA et Mossad…) et partie côtière de la Chine, ne sont-ce point franchement Rimland ? Alors la stratégie germano-vicking (car il n’y a jamais eu la seule Allemagne et l’allemand dans le monde de la hanse et bien avant, et bien après) ne serait-elle pas, là encore, franchement réticulée, articulée, et pas xénophobe comme dirait un ministre du « redressement » dont la productivité est essentiellement vindicative ? Si la RFA est partie du Rimland, le parcourt en vue de lier son sort au heartland, la vision n’est plus la même.
- Et au-delà, le passage du grand nord, pas même inscrit au livre blanc (pourtant hein, le grand blanc….), ce passage ne va-t-il pas vers le Pacifique sans passer (seulement) par la puszta ? Donc, aussi vers (ET contre) les Etats-Unis d’Amérique, autre pivot pivotant…. vers les mêmes zones ? N’oublions jamais (puisqu’on le fait toujours) qu’il n’est pas indifférent que le tribunal international des lois de la mer est implanté à Hambourg. Alors l’horizon de la RFA n’est-il pas celui de tout le monde sauf le nôtre ?
- Ainsi nous atteignons une vue de haut niveau, qui nous rappelle que l’ « Europe » n’existe pas davantage économiquement ou politiquement que géographiquement, a fortiori ce que nous autres Français appelons l’Europe, c’est-à-dire la banlieue de Paris (dont Bruxelles, bien entendu) : elle n’est que l’issue en forme d’impasse atlantique du continent asiatique….
- La Mittle Europa, ce n’est pas à un amateur éclairé de Stefan Zweig que nous le rappellerions, n’a jamais été « allemande » mais au contraire un formidable creuset de tolérances, de langues, cultures, et nonobstant l’artefact de l’épisode révolutionnaire français vite dévoyé en monarchie démocratique et pseudo républicaine, creuset de la mise en œuvre des idées des Lumières, et même du système de l’ « état providence » avant que Truman en fit un outil géopolitique. Alors qui mieux que cette civilisation est capable de « réunifier » (vision française cf. le terme « rassemblement », eux diraient probablement vivifier) la « Mittle Asia »… ?
- Avec une telle vision, on ne peut s’empêcher de ressentir un malaise là où auparavant nous étions confits dans une certitude très « grande nation » : et si ce que nous appelons, nous, « Europe » n’était que le lambeau du rêve napoléonien, qui justement s’est effondré, près du but, du fait de son césarisme doublé d’un sens de la rapine fort latin, et fort peu commerçant/impérial ? Cela nous amènerait alors à critiquer, du moins à ce stade et fors la vue franco-française tournée vers un passé lui-même moins étincelant que nos manuels ne nous l’enseignent, le terme « inquiétant » de l’article du Chardon, un brin moral, un brin ethnocentré ? De quelle « construction européenne » parlons-nous, nous Français ? Surtout quand nous clamons « personne en Europe n’est politiquement ou militairement capable de faire la guerre partout dans le monde, alors désormais payez, bande de pleutres » ?
- À cet égard, et là aussi pour exercer une amicale critique sur le descriptif presque jaloux d’une intégrité nationale si substantiellement menacée dans notre état de format (et pas d’esprit…) jacobin, défendu par les décisions de la cour constitutionnelle de Karlsruhe. Une cour présentée par le Chardon en un terme … spécifiquement français, issu du soldat Nicolas Chauvin, soi disant né dans une ville nouvelle et militaire créée ex nihilo par un munificent Roi qui osait se déclarer « Soleil » et a semé la ruine du pays sous couvert de sa gloire mondiale. N’oublions pas, nous qui clamions (plus aucun bruit en la matière désormais, d’ailleurs…) notre désir d’Europe « fédérale » que la nation dénoncée « chauvine » EST fédérale ; et que la culture de la Mittle Europa est transnationale, multiforme, commerçante, et n’est devenue fédérale qu’avec réticence tant elle considérait cela comme réducteur de ses riches diversités ?

Alors à la fin de la journée, ne faut-il pas, avant de disparaître faute de se poser des questions en cette période de bascule historique, se poser celle-ci: quelle est notre vision ? Et quelle est la vision des autres, à commencer par ceux que nous ne pouvons insulter chaque jour de notre ignorance méprisante, et en l’espèce l’Allemagne, là non plus, ne se trouve pas isolée !

Disons le : merci le Chardon, enfin une touche urticante dans la grisaille de nos certitudes « naufrageuses »…

Le chardon : souvent, l'accusation de chauvinisme ressort. Le mot est français... Mais le français est universel, et pour le coup, il est parlé au repos de Charles.

Je retiens la matrice impériale de l'Allemagne (je n'ai pas dit impérialiste), quand la matrice française est nationo-étatique. Les Allemands ont toujours rêvé de César, les Français du roi. Ils font semblants de vouloir une Europe fédérale, quand ils veulent une Europe étatisée sur le modèle politique français. Les pâles imitations de la décentralisation n'en peuvent mais, ayant développé la corruption (cf. article du Monde de ce soir et l'interview de la présidente de la chambre régionale des comptes de PACA)...

Plus de vision, plus de stratégie. Malheureusement, nous n'avons que des hommes politiques qui ne sont que des ultras tacticiens. Or, la stratégie n'est pas une ultra tactique, elle n'est pas non plus l'accumulation de la tactique ou l'élévation de celle-ci, elle est autre chose. Les palinodies du Livre blanc montrent qu'on en est loin, et qu'on fait comme avant, en moins bien. Et tout d'abord en moins.

La France avait choisie l'Europe après 1962, lorsque son aventure au grand large avait pris fin. Il est temps de choisir le grand large (lequel ? voilà le choix stratégique) et de laisser, pour un temps, l'Europe. On y reviendra, mais ce n'est plus le moment.

2. Le samedi 14 décembre 2013, 18:16 par panou 34

Comme beaucoup trop de Français je ne suis ni germanophone ni germaniste.La réflexion du Chardon est non seulement piquante mais surtout rugueuse.Bonn serait à mon avis plus sensible à des réparties françaises d'une rugosité ''teutonne'' plutôt que d'un piquant''latin''.Soyons rugueux pour être entendus.
_Priorité à l'OSCE:il est étonnant qu'une telle importance soit donnée à une organisation qui s'apparente à la SDN.
_Association avec la Russie et vision Mitteleuropa:économiquement cela est concevable mais politiquement plus ardu.Poutine n'a certainement pas apprécié que le ministre Westerwelle soit allé récemment discourir avec les indignés ukrainiens qui à mon sens connaîtront le même sort que leurs homologues espagnols.Westerwelle imitant BHL vraiment un nouveau style de diplomatie allemande!!!!
Alors certes économiquement nous ne pouvons traiter d'égal à égal mais mettons à profit certaines contradictions germaniques.Au plan militaire,dans un commentaire précédent j'évoquais la possibilité d'abandonner la brigade franco-allemande aussi peu opérationnelle que l'OSCE.Il y aurait là la démonstration d'une rugosité que nous permet la possession de l'arme nucléaire qui a toujours été un sujet de préoccupation pour Bonn puis Berlin.L'épée de Damoclès est une arme....pacifique n'est ce pas?
Les Alllemands doivent comprendre que l'Europe sera peut-être économiquement allemande mais que les consommateurs européens ne souhaitent pas devenir citoyens à la mode allemande et qu'ils n'ont pas dans leurs génes celui de la germanique obéissance de cadavre......surtout les membres du Club Med.
Il y a peu les Grecs se sont montrés rugueux à force d'exaspération en rappelant les souffrances de la 2eme Guerre Mondiale.Résurgence mémorielle qui a été avalée de travers mais avalée.Dans son dernier ouvrage (malheureusement édité sans correcteur efficace) Michel Meyer fin connaisseur de la RFA insiste sur ce complexe du peuple allemand plus admiré qu'aimé et écrit:
'' Il n'y a guére d'Allemands heureux de l'être et la plupart d'entre eux ne savent plus trop où ils habitent et en quoi ou pourquoi ils seraient à nouveau fréquentables''.
Rémédions à nos faiblesse françaises mais n'hésitons pas à mettre à profit celles de nos voisins.

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/2331

Fil des commentaires de ce billet