Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Manières du monde, Manières de guerre

Voici un livre important. J'avoue avoir été sceptique, quand je l'ai eu entre les mains. Et puis je me suis mis à le lire, et ai été enthousiasmé. Bien écrit, englobant, expliquant réellement toutes les contradictions contemporaines, et réussissant à lier l'intérieur à l'extérieur. Une vraie réussite. Du coup, j'ai contacté l'auteur pour l'interviewer.

source

NB : j'en profite pour vous adresser mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année.

Madame,

1/ Vous venez de publier un livre qui interroge le rapport contemporain à la guerre. Son titre annonce d’ailleurs sont articulation générale : « manières du monde, manière de guerre ». Est-ce à dire que le monde a tellement changé que la guerre a changé ?

Oui. La façon de l’Occident de penser et de mener les guerres a sensiblement évolué depuis la fin de la Guerre froide. Il y a eu une véritable rupture à la fois concrète et psychologique dans la façon de concevoir la guerre, sous l’effet d’un faisceau de phénomènes d’ordre sociologique et politique conjugué à une accélération technologique tous azimuts. La numérisation et la virtualisation progressive du monde, grâce à l’explosion des NTIC, jointe à l’illusion d’une maitrise possible de la violence politique (amorcée dès la première guerre d’Irak en 1991 puis en Serbie en 1999) ont permis à un Occident enivré par sa domination soudaine (fin du peer competitor soviétique), puis brutalement confronté à une contestation radicale de sa puissance (attentats de septembre 2001, désanctuarisation du territoire américain, montée agressive de modèles concurrents de puissance) de s’imaginer grâce à la technologie militaire et à la numérisation du champ de bataille (info-dominance, etc transformation, etc … ) avoir trouvé la martingale stratégique pour mettre au pas les foyers de contestation.

On a donc assisté (ou participé) à des guerres de pure destruction, en rupture avec la tradition clausevitzienne, des guerres de sanction, de vengeance, sur-moralisées et qui ont précipité pourtant dans les faits l’Amérique et l’Occident dans un discrédit moral profond. Car le prosaïsme des intentions et des intérêts dissimulé sous les oripeaux moralisateurs est devenu trop visible du fait de la domination parallèle des medias mondiaux ; les masques sont tombés et on ne s’en remet toujours pas.

2/ Votre premier constat est pourtant de dire que la mondialisation est belligène. Pourtant, il n’y a jamais eu moins de conflits interétatiques depuis cinquante ans… Paradoxal ?

La mondialisation est belligène car elle produit, certes, l’enrichissement d’une frange de ses bénéficiaires, ceux qui peuvent jouer du système, mais aussi de l’envie, du désespoir, des désillusions devant le spectacle de disparités qui paraissent insoutenables et irrattrapables à la plupart des citoyens du monde privés de leurs anciennes appartenances, mais livrés plus que jamais à la fatalité sociale et économique d’un ordre du monde en mutation dont les mécanismes de contrôle leur échappent.

Par ailleurs, mondialisation rime avec normatisation des comportements, des goûts, des standards politiques et moraux des identités. Cette réduction autoritaire posée a priori comme un progrès, engendre des refus et des crispations identitaires. Par ailleurs, la dévalorisation dogmatique de l’idée de frontières au nom d’une indifférenciation positive et d’un idéal commun monocorde est une erreur tragique et ne fait pas recette partout. Les Balkans des années 90 n’y résisteront pas.

Pendant la bipolarisation de la seconde moitié du 20eme siècle, les conflits interétatiques étaient des manifestations indirectes bien contenues de la rivalité russo-américaine qui surdéterminait l’espace de manoeuvre global des relations interétatiques. Des clientèles s’affrontaient et on faisait finalement aisément rentrer les diables dans la boites quand les deux Grands considéraient s’être suffisamment mesurés ou défiés par ce biais. Les conflits post Guerre froide sont plus dangereux car ils manifestent une entropie géopolitique globale. La multiplication des nouveaux acteurs, leur refus de s’aligner, leurs ambitions politiques ou économiques troublent un jeu international beaucoup plus ouvert.

3/ Vous associez l’individualisme forcené à la perte de notion de bien commun : mais n’est-ce pas justement le nouveau bien commun ? Surtout que vous dénoncez ensuite « la démocratie réelle en danger » : n’est-elle pas justement fondée sur l’individu ?

l’idéal démocratique d’une communauté d’hommes remettant une partie de leur liberté à des représentants chargés de faire valoir leurs intérêts et d’incarner des valeurs politiques et sociales qui donnent sa chair à l’idée de Nation autour d’une histoire commune notamment a disparu. Le rejet de l’exigence personnelle, le refus de valeurs communes contraignantes, le relativisme intégral au nom du libre arbitre, le matérialisme ont abouti à l’évanouissement, la désincarnation des idées de Nation et de bien commun. Les populations ne font plus peuples ou nation. Ce sont des masses atomisées, non plus de personnes mais d’individus désorientés, qui rejettent tout ce qui pourrait en fait dépasser la prise en considération de leurs seuls intérêts propres et immédiats. Cette dérive de la personne vers l’individu pervertit l’idée de démocratie.

Les logiques économiques et matérielles de la démocratie de marché ont abouti à isoler les individus qui sont de moins en moins citoyens, livrés aux sollicitations incessantes du marché et évidemment plus ou moins capables de faire des choix sensés et optimaux. Le bien commun disparait à partir du moment où chacun se perçoit à la fois comme libre de tous ses choix et en même temps parfaitement seul au monde. Il en résulte une brutalisation générale des rapports humains qui affaiblit évidemment la démocratie. Tout comme le dogmatisme moral ou l’ethnocentrisme ont produit de la confrontation, l’égalitarisme a tué la possibilité d’une équité et remis en action plus que jamais les anciens mécanismes de division et de hiérarchie sociale.. Au bout de ces égarements, ni lien, ni efficacité politique ou sociale. Juste des individus plus ou moins préservés de l’abrutissement satisfait et de l’ignorance en fonction de l’importance et de la réalité de leurs réseaux relationnels (familiaux, religieux, économiques, etc…) de ce point de vue, et c’est aussi un paradoxe, l’ennemi no 1 de la démocratie, c’est précisément le leurre d’une mise en équivalence et en relation de chacun avec tous les autres qui saisit et enserre les individus en leur faisant prendre des connections anonymes pour des liens ou de la surinformation pour de la connaissance..

4/ Vous écrivez « Moralisation outrancière, désarroi éthique, déréliction du droit » : ainsi, vous associez la contradiction entre plus de morale et moins d’éthique à une question de droit : y a-t-il une telle confusion des normes ?

Effectivement, sauf à tenir l’éthique pour une morale universelle intrinsèque à l’homme mais dont les canons ne seraient pas extérieurs à lui, il apparait de plus en plus clairement que la moralisation outrancière des affrontements, notamment armés (mais c’est la même chose en matière sociale ou économique) ne conduit qu’à radicaliser les positions et à rendre impossible tout compromis ou rapprochement. En matière internationale, en plus, le discours sur « les bons et les méchants » ne passe plus la rampe du cynisme structurel des politiques étrangères des Etats quels qu’ils soient. Chacun voit désormais sans peine que l’occident en perte de vitesse relative en matière d’influence cherche par ses engagements armés à contrer les Etats ou les groupes politiques et religieux qui défient son ordre résiduel.

C’est à mon sens un combat d’arrière-garde qui nous décrédibilise tragiquement au plan politique. Face à ce caractère si évidemment contingent de la morale et de ses commandements soit disant universels… qui varient selon la position des acteurs, l’éthique renvoie à une identité profonde commune au-delà des propositions conflictuelles du monde, à quelque chose de commun à tous les hommes qui leur permet, s’ils le souhaitent, de pouvoir se rapprocher ou se tolérer sans vouloir toujours anéantir toute altérité ou prétendre détenir la vérité. S’agissant du droit, international par exemple ou « positif » en général, il s’inscrit toujours, comme la morale, dans une historicité politique et sociale qui rend son caractère universel essentiellement rhétorique et de pure forme. L’extension de son domaine d’application traduit au mieux la dominance d’un groupe d’Etats et d’intérêts à une époque donnée.

5/ Dans votre deuxième partie, vous commencez par parler de l’Amérique. Est-elle vraiment toujours un « creuset » ? n’est-elle pas plutôt en déclin, n’étant justement plus le modèle qu’elle prétendait être ?

Quelles que soient les difficultés ou les défis politiques et géopolitiques que connait l’Amérique depuis le tournant du siècle, elle demeure le paradigme dominant de la culture militaire occidentale. Son ultra-puissance militaire, le gigantisme de ses moyens, la capacité étonnante des armées américaines à se réformer demeurent pour nous fascinantes. Mais l’Irak et l’Afghanistan sont tout sauf des succès ; mais l’Amérique ne gagne toujours pas les guerres qu’elle entreprend, mais son Ubris technologique joue à plein …contre elle. Bref, Elle ne parvient pas à transformer sa surpuissance militaire en légitimité politique et met même en danger sa crédibilité militaire globale. Cette « impuissance de la puissance », comme la nécessité de redonner de « l’utilité à la force » ont déjà été identifiées, mais les Américains ont du mal à tirer les conclusions de leurs travers tant ils sont profondément façonnés par leur conception de la guerre comme rupture et donc sanction d’un échec du politique.

6/ Vous écrivez ensuite « la manœuvre globale française, ou le retour du facteur humain » : cela suscite énormément l’intérêt, car on n’a pas l’impression, à Paris, qu’il y ait une telle stratégie intégrale, ou une telle mise en valeur du facteur humain, malgré ce que nous aimons nous dire… Pouvez-vous détailler cette affirmation ?

Du côté français, notre histoire militaire, notre valorisation ancienne de la dimension humaine du soldat et de l’officier mais aussi notre passé colonial, notre tradition politique et aussi, ironiquement, les limites budgétaires de nos moyens consacrés à la défense, nous préservent encore d’un tel égarement. Mais la tentation est aujourd’hui grande, au nom de la préservation d’un outil militaire crédible, d’en venir à diminuer les formats, notamment terrestres, pour préserver les programmes d’équipement. C’est une quadrature du cercle dangereuse. En effet, sans forces terrestres suffisantes, c’est notre crédibilité militaire globale qui s’évanouit, ainsi que le montrent les plus récentes engagements. Je plaide donc pour un dosage savant et prudent entre les apports indéniables des avancées technologiques en matière de protection des forces ou même de connaissance du champ de bataille et l’indispensable consolidation de la « pâte humaine » qui seule permet de prendre la mesure de la guerre que l’on mène, de pouvoir durer et convaincre, sans spectacle ni cocoricos indécents, mais avec efficacité … et surtout de profiter de nos engagements extérieurs pour créer ou consolider des points d’appuis politiques en termes d’influence.

Cette manoeuvre globale, pour réussir, requiert évidemment une ré-articulation du politique et du militaire que les réformes actuelles paraissent mettre en péril en renforçant le dessaisissement progressif de la haute hiérarchie militaire sur les gestion de ses hommes et de ses matériels…avec des conséquences très préjudiciables sur le moral des armées et l’attractivité du métier militaire donc sur le recrutement futur. De ce point de vue, le poison numéro un, poison lent mais sûr dont il faut d’urgence imaginer l’antidote, semble être la banalisation de la fonction militaire qui mine les fondements même de sa légitimité sociale et politique.

7/ Vous évoquez ensuite « le mythe destructeur de la guerre juste » : au fond, vouloir incorporer trop moraliser la guerre, n’est-ce pas retirer la morale de la guerre ? Comme une variation de la confusion des normes que vous évoquiez précédemment ?

Au gré des « affaires », mal et souvent sur-médiatisées, les derniers théâtres de déploiement de nos forces ou de celles de nos alliés ont mis à mal la confiance populaire pourtant ancienne et solide en la moralité militaire. Aux yeux des opinions publiques, la « lutte contre le terrorisme » et les guerres asymétriques ne sauraient tout justifier. Quelle que soit la férocité du combat et des bad guys d’en face, elles ne doivent pas rendre nos soldats inhumains. Les affaires de traitements inhumains ou dégradants depuis la 2ème guerre d’Irak, les multiples « bavures » et « dommages collatéraux » imputables à nos soldats ou à nos armements les plus pointus ( aviation de chasse, drones armés pour ne parler que d’eux), pourtant censés permettre des guerres « propres » voire « morales », ont progressivement brouillé l’image du soldat occidental, ou même moderne au sens large, qui pourtant essaie toujours de remplir au mieux sa mission avec au coeur le principe d’humanité.

C’est d’ailleurs ce discrédit concret de la Morale qui fait le lit du renouveau de la notion d’Ethique. Observateurs et penseurs cherchent à améliorer la compréhension de cette notion et son partage dans un monde à la fois sur-moralisé et immoral, un monde où la morale du plus fort fait loi, bien souvent pour le pire, et échoue à produire des relations harmonieuses ou a minima vivables entre les individus comme entre les groupes humains.

L‘ultra moralisation artificielle des affrontements politiques et économiques, qui renoue avec une tentation idéologique que l’on croyait déchue (Guerre contre La terreur, Djihad, mais aussi environnementalisme, alter-mondialisme, théorie du genre etc…) est lourde de conséquences : ensauvagement, ultra individualisme, brutalisation des rapports humains, déshumanisation de la figure de l’Autre. Tous ces processus semblent donner implicitement un blanc-seing à l’action de force impitoyable et disproportionnée permise en Occident par l’ultra-sophistication des armements.

Il résulte de cette évolution des modes d’action militaires vers la dissymétrie (que ce soit via l’ultra-violence terroriste ou via l’usage immodéré de la supériorité technologique) une dévalorisation concrète de la notion de Morale, dont chacun mesure désormais la nature non universelle. En fait, on peut même dire que les relations internationales dans leur ensemble illustrent l’instrumentalisation politique de plus en plus explicite de la notion de Morale. Le démenti des faits est quotidien et flagrant. La défiance est profonde face à un Occident qui parle de morale et de valeurs communes et croit ainsi restaurer son influence tout en manifestant sa puissance de manière massive et sans appel. La morale se trouve donc exposée à la perversion du moralisme, de la moralisation et, in fine, ainsi qu’on peut l’observer quotidiennement, à l’instrumentalisation politique de ses attendus idéaux.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, on n’ose plus intervenir militairement sans un discours tonitruant sur la légitimité de l’écrasement par certains acteurs (les plus puissants) de la souveraineté d’autres Etats. On tient plus que jamais à ce que nos guerres soient « morales » et on se donne beaucoup de mal pour en convaincre nos opinions publiques. Les Etats déploient à cette fin toute une rhétorique moralisante et juridique afin de justifier leurs interventions (« droit d’ingérence », « responsabilité de protéger » les populations, nécessité d’un aval de l’ONU avant de lancer une intervention, instances internationales « indépendantes » de jugement des criminels d’Etat, telle la Cour pénale internationale (CPI), qui ne contraignent pourtant que ceux qui se hasardent à en signer les traités fondateurs, etc…). Il s’agit d’enserrer l’intervention opportune dans un réseau de raisons, une guerre devenant « juste » si elle peut « donner ses raisons » et se mener au nom d’objectifs honorables (empêcher un massacre, sécuriser une zone, protéger une population civile, promouvoir la démocratie).

Chez les néoconservateurs américains notamment, cette fascination pour les « guerres morales » justifiera l’exercice par le camp du « Bien » de la violence la plus extrême et ira, dans le cas de la lutte anti-terroriste, jusqu’à considérer la torture comme légitime, un mal pouvant s’avérer nécessaire pour un plus grand bien (sauver des vies, obtenir des informations cruciales)… Cette tentation n’épargne pas toujours nos vieilles démocraties européennes et bien sûr étreint le monde de la radicalité religieuse islamique, dans une totale identification du moral, du politique et du religieux, confusion qui s’incarne dans un dogmatisme ultraviolent.

L’intention morale est donc bien là, plus que jamais sans doute, et pas toujours sous l’angle du simple cynisme. Dans les faits, force est pourtant d’admettre que la « morale » oscille au gré des rapports de force et se confond le plus souvent avec l’imposition d’un modèle correspondant aux intérêts des nations ou des acteurs économiques dominants.

Une morale, quelle qu’elle soit, et quelle que soit sa prétention politique à incarner une universalité, s’inscrit donc toujours dans un contexte social et culturel. Elle est contingente par essence. Elle se veut idéalement une et universelle. Dans les faits, elle est au mieux générale.

8/ Vous évoquez enfin « la mort du héros », déjà signalée depuis longtemps par E. Luutwak. Mais vous en faites une lecture politique, en l’associant à la perte de cohésion nationale. Le lien est-il si direct ? et croyez-vous qu’on puisse revenir aux temps des héros ? La fin de la guerre n’entraine-t-elle pas la fin des nations, comme Hegel ou Nietzsche l’avaient déjà pressenti ?

J’ai cherché à montrer dans cette partie de l’ouvrage les conséquences délétères et de moins en moins rattrapables du double choc de la professionnalisation des armées et des évolutions plus globales de nos sociétés qui, à force d’indifférenciation dogmatique et d’égalitarisme, plongent les Nations dans la déliquescence de ce qui les constitue et les préserve : le partage de valeurs et d’idéaux, notamment de puissance et d’influence dans le cas français. Le soldat de métier devient un professionnel comme un autre. Quand il vient à mourir, ce sont « les risques du métier ». Il est une victime ordinaire. On ne sait plus très bien pourquoi il meurt d’ailleurs. Nos concitoyens ne saisissent plus vraiment la valeur de son rôle, le fait qu’il agit malgré tout en leur nom, et sont presque plus reconnaissants de son dévouement au pompier volontaire, dont l’héroïsme incontestable leur parait plus tangible. La disparition du rôle social des armées dans l’intégration et la socialisation de certaines franges de la population a consolidé celle de la Nation tout court. En bout de chaine, c’est la légitimité du politique qui en pâtit et le contraint à n’engager des forces qu’a minima, comptable de toute perte qu’il lui faut désormais justifier et « réparer », c’est-à-dire, prosaïquement, payer en donnant un prix à la mort du soldat.

9/ Dès lors, au fond, la guerre n’a-t-elle pas disparu ? ne s’est-elle pas logée dans d’autres champs : guerre économique, cyberguerre, guerre indirecte par drones et attentats suicide qui sont des violences politiques, mais non des guerres duels ? Quelle stratégie pour ce nouveau temps, par conséquent ?

La guerre n’a pas disparu, bien au contraire mais à force d’expliquer qu’elle coûte toujours trop cher et qu’il est possible de vaincre sans combattre, elle a peu à peu déserté la conscience des citoyens tant elle parait lointaine et finalement superflue. Elle ne met plus aux prises des armées comparables et constituées, mais c’est précisément notre dissymétrie quantitative et qualitative via l’accélération technologique, irrattrapable pour nos challengers, qui a produit ce décrochage. C’est aussi le fait que l’affrontement est désormais presque systématiquement porté au coeur des populations enjeux et otages des affrontements. Elle se mène « hors limites » tous azimuts, sur tous les fronts. Le vecteur militaire de déploiement militaire de la force n’est plus que l’une des lignes d’opération concourant à « l’effet final recherché », de nature politique, qui est celui d’une pesée importante sur les mécanismes de contrôle, de régulation, d’édiction des normes et de captation des ressources sur la scène du monde. Celle-ci est plus que jamais un champ de bataille où tous les coups sont permis et où les Etats ne sont qu’une catégorie d’acteurs parmi d’autres.

L’influence, c’est rayonner mais c’est aussi naturellement cultiver sa capacité de nuisance. C’est articuler nos valeurs et nos intérêts et les promouvoir sans culpabilité ni états d’âme. C’est structurer un modèle de puissance alternatif attractif pour de nouveaux pays ou ensembles régionaux qui rejettent la polarisation ancienne, mais recherchent des alliés ou des inspirateurs. C’est une feuille de route difficile et enivrante.

Madame, je vous remercie très sincèrement pour ce riche entretien.

O. Kempf

Commentaires

1. Le lundi 30 décembre 2013, 19:34 par Olivier SASTRE

Je ne connais pas l'auteur, mais la richesse de l'ITW donne envie de lire ce livre. Merci Olivier et bonne année 2014. Fraternellement O...X

OK : Bonne année très cher !

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/10

Fil des commentaires de ce billet