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Interventions récentes autour de l'OTAN

Il se trouve qu'à l'occasion de la deuxième édition de mon dernier livre, l'OTAN a été la cause de plusieurs interventions :

  • Tout d'abord, j'ai publié un article sur le "Sommet de Galles, significatif sans être exceptionnel" : il est paru dans la RDN (numéro de novembre) mais aussi dans les cahiers de l'IDRP (automne 2014). Vous trouverez ci-dessous l'introduction ainsi que la troisième partie.
  • J'ai également répondu à un entretien vidéo en trois questions sur l'OTAN, posées par l'IRIS
  • Vous trouverez enfin une critique positive par le quotidien Présent de l'ouvrage

source

Article sur le Sommet de Galles

Les chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance atlantique se sont réunis les 4 et 5 septembre 2014 au pays de Galles. Exceptionnellement, les commentateurs n’ont pas affirmé, comme à leur habitude lors de ces sommets, que l’Alliance est à la croisée des chemins » ou qu’elle « doit trouver un nouveau rôle ». L’actualité géopolitique particulièrement dense à cause des crises ukrainienne et irakienne a principalement retenu l’attention. Pourtant, un certain nombre d’enjeux cruciaux étaient à l’ordre du jour. Le sommet a donc conjugué les réponses aux défis très visibles et aux questions sous-jacentes. Sans qu’il soit exceptionnel, le résultat est significatif et retient l’attention.

(...)

III Des enjeux structurels

Il y a un an, lorsque les experts commencèrent à préparer le sommet, ils s’inquiétaient : qu’allait-on pouvoir dire au sommet qui ne soit pas interprété négativement ? De ce point de vue, les deux crises ukrainienne et moyen-orientale constituèrent de bons vecteurs pour organiser les travaux. Ceux-ci devaient répondre à trois questions de fond.

La première est celle de l’engagement opérationnel. En effet, fin 2014, l’Alliance quittera l’Afghanistan. Au-delà de la question afghane (au sommet, la crise de l’élection présidentielle n’était pas encore résolue), la fin de la FIAS clôturait un cycle opérationnel commencé il y a vingt ans en Bosnie et qui avait constitué un facteur essentiel de la transformation de l’Alliance. L’OTAN est désormais confrontée à la question du « post-expéditionnaire ». Il ne s’agit pas seulement de « fatigue des opérations » (même s’il s’agit aussi de cela) : au fond, comment entretenir l’acquis opérationnel acquis en deux décennies, comment répondre au cœur de mission qu’est la défense collective, comment enfin se préparer aux défis opérationnels de demain qui seront certainement surprenants ? Depuis vingt ans en effet, les armées occidentales n’ont cessé d’être engagées de façon non-anticipée et, fort logiquement puisqu’il s’agit d’une constante de la guerre, n’ont cessé d’être surprises et de s’adapter. S’il est une leçon à retenir, c’est qu’on ne connaît pas la prochaine opération et qu’elle soulèvera des problèmes opérationnels à peine entrevus aujourd’hui.

Pour répondre à ce défi, l’Alliance a pris un certain nombre de décisions : le plan d’action « réactivité » doit d’abord être compris à cette aune, avant même la crise ukrainienne. De même, la mise en place de l’initiative d’interconnexion des forces (CFI, art. 69) ou le discours sur la guerre hybride (art 10 à 13) participent de cette logique. Au passage, l’utilisation de l’expression « guerre hybride » prête à confusion : rappelons qu’elle fut inventée à l’occasion de la guerre entre Israël et le Hezbollah en 2006. À considérer la manœuvre opérative mise en œuvre par V. Poutine en Ukraine, elle fait davantage penser à la « guerre hors-limite » théorisée par des stratèges chinois dès 1999. Quant aux Russes, ils évoquent une doctrine Gerasimov exprimée en 2012 et parlant de « guerre non-linéaire ».

Enfin, pour revenir à l’Afghanistan, les dirigeants adoptaient une déclaration particulière qui signalait le partenariat de long terme avec le pays et la mise en place d’une mission de formation et d’entraînement (non combattante) à partir de 2015, « Resolute Support ».

La deuxième question de fond était celle du lien transatlantique. En effet, la priorité américaine depuis deux ans est celle du pivotement, c’est-à-dire de la priorité stratégique donnée à l’Asie. Deux raisons à cela : l’émergence du challenger chinois et le désintérêt envers les Européens accusés de ne pas faire assez d’efforts en matière de défense. Ce pivotement suscitait une très grande inquiétude sur la rive orientale de l’Atlantique. En effet, si l’Europe n’était plus ni un problème ni une solution, la relation stratégique transatlantique, comprise par quasiment tous les Alliés comme étant la responsabilité de l’Alliance, risquait de s’évanouir. Au fond, le vieux thème du découplage se manifestait à nouveau, évidemment sous une autre forme mais traduisant la même difficulté.

De ce point de vue, les événements servirent l’Alliance. Les deux crises qu’on a évoquées ramenèrent, volens nolens, l’attention de Washington sur les questions européennes ou, plus exactement, péri européennes. Vu de Washington, l’Alliance constituait un outil politique et éventuellement militaire qui pouvait être utilisé. Toutefois, les Américains insistèrent pour mettre les deux flancs, est et sud, sur le même pied : il ne s’agissait pas d’un retour à la Guerre Froide, malgré ce que crurent certains observateurs. Aussi dans la déclaration, les paragraphes touchant à la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient comptent huit articles (GEI, Irak, Syrie, Libye, Mali). De même, les chefs d’État et de gouvernement adoptèrent une déclaration sur le lien transatlantique.

La troisième et dernière question était celle des ressources. Une des raisons de la désaffection américaine tient au manque d’investissement européen dans les affaires de défense. Certains grands pays consacrent en effet seulement 1 % de leur PIB aux budgets de défense, d’autres tombant même à 0 ,6 %. Régulièrement dénoncée par les Américains depuis trois ans, cette attitude de passager clandestin s’était aggravée avec la crise économique depuis 2008. D’une certaine façon, le lien transatlantique dépendait aussi de cette question des ressources. Là encore, on retrouvait un des vieux débats structurels de l’Alliance, initié dès les années 1960, celui du partage du fardeau.

Est-ce un hasard si juste après l’annonce de la déclaration transatlantique (art. 2) et l’énoncé du plan d’action « réactivité » (art 5 à 13), la déclaration évoque cette question des ressources dans son article 14, avant donc la question ukrainienne ! Les dirigeants « recommandent » deux cibles : consacrer 2 % du PIB aux budgets de défense et, parmi ces dépenses, au moins 20 % aux dépenses d’équipement. Certes, il n’y a pas d’engagement formel mais, pour la première fois dans une déclaration de sommet, de tels chiffres sont mentionnés.

Pour être complet, il faudrait également évoquer les autres sujets de la déclaration, touchant au nucléaire, à la défense anti-missile, à certaines décisions capacitaires (forces 2020 - art. 63), aux partenariats, à la coopération internationale. Signalons quelques points qui méritent d’être relevés parmi d’autres : le placement de la cyberdéfense sous le couvert de l’article 5 du traité (art. 72 & 73 : voir www.egeablog.net du 22 septembre 2014), l’adoption du concept de nation-cadre proposé par l’Allemagne (art. 67), la rénovation de la stratégie maritime (art. 71), la mise en place de « super-partenaires » désignant cinq pays particulièrement actifs dans le partenariat avec l’Alliance (Australie, Finlande, Géorgie, Jordanie et Suède - art. 88), l’absence d’invitation à l’adhésion de certains pays candidats (ainsi, Géorgie, Ukraine et Monténégro voient leurs espoirs déçus - art. 93 sqq.), une initiative de renforcement des capacités de défense et de sécurité (art. 89), enfin une mention des questions d’environnement (art. 110).

Interview IRIS :

  • En quoi l’OTAN est-elle, avant toute chose, une alliance géopolitique ?
  • En quoi l’implosion du bloc soviétique ainsi que la dissolution de l’URSS ont-elles conduit l’OTAN à se réinventer ?
  • Quelles conséquences peut-on tirer du dernier sommet de l’OTAN à Newport sur le futur de l’organisation ? La crise ukrainienne va-t-elle contribuer à un maintien de l’organisation actuelle ou bien au contraire à une refonte complète de celle-ci ?

Critique par Présent :

Conseiller éditorial de la revue Défense nationale, Olivier Kempf livre, avec L'OTAN au XXIe siècle, la synthèse la plus complète à ce jour d'une institution, parfois décriée, mais qui nous a sauvés — il ne faut pas I oublier - de l'horreur communiste Loin des caricatures que l'on trace aujourd'hui d'une Alliance en mutation constante depuis la fin de la guerre froide (mais toujours prête à se réchauffer si on en juge par les événements ukrainiens) Kempf montre bien que cette organisation occidentale ne néglige rien des nouvelles menaces à 1'encontre de l'Occident cyberdéfense, défense anti missiles et, surtout, terrorisme multi-formes. Sans complaisance et sans jamais verser dans des polémiques stériles, Olivier Kempf pose de vraies questions et apporte de vraies réponses L'ouvrage est remarquablement préfacé par le général d’armée aérienne Jean-Paul Palomeros.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 18 novembre 2014, 21:01 par SN

Bonjour,

pourriez-vous décrire les 3 types de guerre que vous évoquez dans l'article à savoir guerre hybride, guerre non-linéaire et guerre hors-limite ?

Merci pour votre réponse.

Egea : Guerre hybride : notion émise dès 2006 à propos de la guerre entre Israël et le Hezbollah, recyclée cet été pour décrire l'action de Poutine. Guerre non-linéaire : notion proposée par Gerasimov, Chef d'état-major russe, en 2013. Guerre hors limite : Proposée par deux colonels chinois en 1998, cf fiche de lecture proposée sur ce blog.

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