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Quelques livres sur l'opération au Mali

Ce printemps, trois livres sont parus sur l'opération au Mali : trois témoignages d'acteurs de premier plan : le général Barrera, qui commanda la brigade ; le colonel Goût, qui commanda le bataillon hélico; le colonel Verborg, qui commanda le détachement hélico en Libye mais aussi un Groupe aéromobile à Serval. On l'aura compris, les lire à la suite permet ce que les œnologues appellent une dégustation verticale.

Opération Serval, notes de guerre (général Barrera)

Le général commandait la 3ème Brigade mécanisée, à Clermont-Ferrand. Fantassin depuis toujours, il dirigeait cette grande unité jusqu'à être engagé, dans l'urgence, au Mali. Le livre raconte brièvement ces moments d'avant, ce qui permet de bien faire comprendre le décalage entre l'entraînement quotidien et le brusque engagement en opération. L'essentiel n'est bien sûr pas là, mais dans le récit de cette opération et de son incroyable montage, mélange d'engagement politique, d'improvisation, d'adaptation, de ténacité, de volonté de vaincre et de poursuivre l'ennemi jusqu'à la victoire. On devine à quel point cela fut confus : pas simplement le brouillard de la guerre mais surtout la conséquence de la vitesse, qui au fond constitue la marque principale de Serval.

A côté des événements, j'ai surtout apprécié trois choses : comment le dialogue s'organise avec "Paris", toujours pressant, avec lequel il faut discuter ("dialogue de commandement") et auquel il faut parfois opposer des refus fermes, parce que le terrain l'exige. Oh! bien sûr, cela reste discret mais la communication entre le tactique et l'opératif et le stratégique intéresse le lecteur.

Ensuite, la façon dont le général explique sa prise de décision, motivée à la fois par des expériences historiques mais aussi par la mise en œuvre de principes stratégiques, étudiés depuis qu'il est entré dans la carrière, muris à Saint-Cyr ou à l'école de guerre, peaufinés par l’expérience. Il ne s’agit pas simplement de raconter la campagne, mais aussi les principes stratégiques qui l'animèrent.

Enfin, on devine l'auteur amateur d'histoire non seulement dans les livres, mais voulant la relier à une histoire plus intime, plus militaire, raccrochant le combat du jour à des combats passés et à des soldats tombés, autrefois, pour la France, qu'ils viennent d'une expérience familiale ou de celle des unités qu'il commanda. Inscrire Serval non pas dans la durée, mais en héritage d'une tradition militaire, afin de lui donner un sens qui dépasse la seule région sahélienne.

Libérez Tombouctou

J'ai eu beaucoup d’attachement pour ce livre. Tout d’abord parce que Frédéric est un excellent ami, mais aussi parce que j'ai reconnu les difficultés que peut rencontrer un chef de corps, au quartier comme en opération. Certes, l'aventure qu'il a vécu est hors normes et dépasse de loin ma très modeste expérience mais je n'ai pu m'empêcher, tout au long de la lecture, de penser "bien sûr" ou "j'aurais réagi pareil".

Pour le reste, comme je connaissais l'histoire (je l'ai lu après celui de Barrera), j'ai surtout été attentif à la manœuvre aéromobile : la chose est passionnante, réunissant aussi bien hélico d'appui qu’hélico d'attaque (j'espère qu'on dit encore comme ça), mais aussi des dispositifs extrêmement éclatés qui m'ont rappelé la cavalerie légère d'antan. Enfin, je lui suis très reconnaissant d'avoir insisté sur le rôle crucial de la logistique, trop souvent négligée et ici bien mise en valeur.

Notons enfin les conditions de vie extrêmement éprouvantes : non seulement les siennes mais aussi celles des paras et des marsouins qui nettoyèrent l'Adrar des Ifoghas.

Envoyez les hélicos

Ce troisième livre est plus composite. EN effet, une grosse moitié traite de l'engagement des hélicos lors de l'opération au Mali, à partir du BPC Tonnerre. Là encore, des conditions d'engagement exceptionnelles, très rarement préparées et jamais utilisées avec une telle ampleur, au combat. La coopération interarmées est ici bien mise en valeur.

L’auteur fait alors une pause pour évoquer la "splendeur et misère du métier ds armes" : il s'agit là de réflexions sur le commandement, avec des exemples très concrets tirés de situations opérationnelles. J'ai apprécié cette volonté de revenir sur l’essence du métier, se dégager de l'expérience pour en tirer des enseignements. Le jeune chef y trouvera quelques ficelles qu'il pourra adapter à sa situation propre de commandement.

La dernière partie évoque le Mali, sous les ordres du bataillon hélico : il y a là moins de surprise si on a lu les deux premiers, bien sûr.

Voici donc trois livres très différents, même s'ils racontent un peu la même histoire. Mais justement, les comparer est quelque chose qui mérite le détour.

Au-delà, on peut s'interroger sur cette profusion de témoignages : ce qui vient à l'esprit est assez évident. En effet, voici une opération que la France a menée seule, pariant sur la vista et les qualités d'adaptation de ses soldats, remportant enfin une victoire très nette contre un ennemi "asymétrique" qui avait posé, sur d'autres théâtre, bien des difficultés.

On se reportera à d'autres livres comme celui de Notin (La guerre de la France au Mali) ou le collectif Mali, une paix à gagner (auquel j'ai contribué) pour terminer l'enquête sur cette belle page d'histoire militaire.

O. Kempf

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