Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

Géopolitique du Vatican (JB Noé)

Voici un bel ouvrage de la nouvelle collection de géopolitique lancée par les PUF. L'auteur, historien et géopolitologue, ouvre un beau sujet, rarement traité. Car si on a souvent évoqué la géopolitique des religions ou du christianisme, le Vatican en tant que tel est un impensé de la discipline. Il faut dire que l’Église est tellement frappée de représentations diverses qu'il est difficile de s'éloigner des poncifs et d'éviter un portrait à charge, ou à décharge. Le pari est bien tenu par l'auteur qui montre une érudition vaste et convaincante et pointe des caractéristiques rarement mentionnées. En cela, il s'agit de vraie géopolitique puisqu'il s'attache à un sujet, de façon dépassionnée, en abordant les divers points de vue. La confrontation des angles me paraît en effet un des critères de la discipline.

Ce que le livre n'est pas : ni une étude sur l’Église, puisque l'auteur distingue bien l’Église, objet spirituel, et le Vatican, État et donc sujet et acteur des relations internationales ; ni un traité de théologie ou une revue des questions politico-sociétales qui font souvent débat public et auquel les journaux, même de bonne qualité, la résument souvent. Ce n'est pas enfin une géopolitique de la papauté à travers les siècles : la partie historique est très succinctement évoquée, trop peu traitée à mon goût d'ailleurs.

Le livre montre en revanche comment le Vatican est une puissance, mais différente. Puissance bien que sans divisions (les fameuses divisions de Staline), puissance malgré un territoire extrêmement exigu, mais dont la réalité constitue cependant l'ultima criterio de l’État. Puissance à cause du nombre de ses fidèles qui lui donnent une envergure mondiale (l'auteur fait bien la part entre le "toute la terre" des évangiles, qui faisaient référence alors à l'empire romain contemporain, et l'univers globalisé dans lequel nous nous trouvons depuis le tournant de la Renaissance et des grandes découvertes). Puissance en dépit (à cause ?) des relations ambiguës entre le spirituel et le politique, finalement dénouées à travers l'histoire.

Surtout, puissance à cause du remarquable soft power et de l'influence certaine que le Vatican a auprès des États, de tous les États, pas seulement ceux de marque catholique ou chrétienne. Ce rôle n'est pas simplement dû au réseau diplomatique exceptionnel du Vatican, mais aussi son rôle actif dans la résolution de certaines crises géopolitiques : on pense ici bien sûr à la chute du communisme en Europe ou, plus récemment, aux négociations de paix entre les États-Unis et Cuba, largement permises par l'entremise du Vatican.

Il reste enfin une conception particulière des relations internationales, une Weltanschauung propre qui marquent, peut-être plus que tout, l’originalité du Vatican : c'est probablement cette caractéristique, la moins mentionnée habituellement et la plus significative, qui rend le sujet si intéressant : là est le plus grand mérite de l'auteur que de nous faire comprendre ce soubassement, cette "représentation géopolitique", qui font du Vatican un sujet proprement géopolitique, même s'il s'agit d'une géopolitique aux canons différents que les canons à poudre des autres puissances. Une géopolitique non rivale, en quelque sorte.

Géopolitique du Vatican, Jean-Baptiste Noé, PUF, 20 €.

O. Kempf

Ajouter un commentaire

Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

La discussion continue ailleurs

URL de rétrolien : http://www.egeablog.net/index.php?trackback/2076

Fil des commentaires de ce billet