Ce que le livre n'est pas : ni une étude sur l’Église, puisque l'auteur distingue bien l’Église, objet spirituel, et le Vatican, État et donc sujet et acteur des relations internationales ; ni un traité de théologie ou une revue des questions politico-sociétales qui font souvent débat public et auquel les journaux, même de bonne qualité, la résument souvent. Ce n'est pas enfin une géopolitique de la papauté à travers les siècles : la partie historique est très succinctement évoquée, trop peu traitée à mon goût d'ailleurs.
Le livre montre en revanche comment le Vatican est une puissance, mais différente. Puissance bien que sans divisions (les fameuses divisions de Staline), puissance malgré un territoire extrêmement exigu, mais dont la réalité constitue cependant l'ultima criterio de l’État. Puissance à cause du nombre de ses fidèles qui lui donnent une envergure mondiale (l'auteur fait bien la part entre le "toute la terre" des évangiles, qui faisaient référence alors à l'empire romain contemporain, et l'univers globalisé dans lequel nous nous trouvons depuis le tournant de la Renaissance et des grandes découvertes). Puissance en dépit (à cause ?) des relations ambiguës entre le spirituel et le politique, finalement dénouées à travers l'histoire.
Surtout, puissance à cause du remarquable soft power et de l'influence certaine que le Vatican a auprès des États, de tous les États, pas seulement ceux de marque catholique ou chrétienne. Ce rôle n'est pas simplement dû au réseau diplomatique exceptionnel du Vatican, mais aussi son rôle actif dans la résolution de certaines crises géopolitiques : on pense ici bien sûr à la chute du communisme en Europe ou, plus récemment, aux négociations de paix entre les États-Unis et Cuba, largement permises par l'entremise du Vatican.
Il reste enfin une conception particulière des relations internationales, une Weltanschauung propre qui marquent, peut-être plus que tout, l’originalité du Vatican : c'est probablement cette caractéristique, la moins mentionnée habituellement et la plus significative, qui rend le sujet si intéressant : là est le plus grand mérite de l'auteur que de nous faire comprendre ce soubassement, cette "représentation géopolitique", qui font du Vatican un sujet proprement géopolitique, même s'il s'agit d'une géopolitique aux canons différents que les canons à poudre des autres puissances. Une géopolitique non rivale, en quelque sorte.
Géopolitique du Vatican, Jean-Baptiste Noé, PUF, 20 €.
O. Kempf