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Bazeilles (Guy Sallat)

Voici un livre tout en fougue. L'auteur, lieutenant colonel retraité, a été bien sûr marsouin, ce qui explique le choix de son sujet. Peut-on dire pourtant qu'il ne s'agit que d'un prétexte à bien plus qu'un "simple" livre d'histoire ?

D'histoire, il en est bien question cependant car l'auteur nous rappelle la politique du second Empire, ne cachant pas l'affection qu'il porte à Napoléon III, malgré toutes ses maladresses : on sent qu'à ses yeux, l'empereur avait tout de même le sens du bien commun, même s'il manqua parfois de discernement (l'isolement de l'Italie,donc de l'Autriche, laissant la place à une Prusse expansionniste). Surtout,il ne sut pas s'entourer et laissa faire un marigot qui s'adonna aux délices des basses manœuvres politiques.

Autant dire que le bien commun fut largement mis de côté, aux dépens de la hauteur de vue mais aussi de la froide organisation d'un outil militaire, quelles que furent les vertus expéditionnaires de l'armée impériale.

Histoire aussi, celle de la montée à la guerre, du piteux enfermement de Bazaine dans Metz, des hésitations de Napoléon III et Mac Mahon du côté de Chalons, des pressions comminatoires des politiques de Paris, de la tentative de débordement par le nord, de l'enfermement dans une boucle de la Meuse. Les combats de Bazeilles sont décrits avec mitraille, fumée, détonation, canons, fusillades, charges et contre-charges désespérées, dans "la gloire, le sang et le feu" (selon le sous-titre du livre). Viennent enfin la bizarre (et néfaste) prise d'autorité de Wimpffen qui anéantit les ultimes chances de forcer la nasse, le retour sur Paris, les manœuvres politiques misérables qui continuent, le siège de Paris, la semaine sanglante.

Histoire, donc, mais qui n'est qu'un prétexte à l’auteur pour filer deux idées fortes.

La première consiste à se mettre du côté du soldat et de ses vertus, montrant la noblesse du troupier qui met son honneur à servir et donner son sang et sa vie, malgré les erreurs du commandement. Il y a là de belles pages enflammées qui raviront quiconque a porté quelque temps un uniforme et été émerveillé du dévouement, du courage et de la générosité de ces "petits". Rien que pour ça, le livre vaut d'être lu par tout jeune officier ou aspirant à la carrière des armes.

La seconde est à double détente : pointant les erreurs du commandement et surtout les atermoiements entre les différents chefs, il montre surtout les manipulations des politiques, responsables du désastre non seulement dans la préparation de la guerre, mais aussi dans sa conduite, e qui est moins connu. Or, ce que l'auteur dit là résonne très clairement dans la situation actuelle : on y sent le même mépris pour le soldat (gradé ou non), la même incompétence crasse devant les affaires stratégiques, la même satisfaction devant les belles paroles (aujourd'hui, on dirait le flux médiatique), le même défilement devant les responsabilités.

Lire le livre avec cette grille de lecture permet à la fois l'enthousiasme pour les belles paroles dédiées au soldat, et l'amusement devant la critique sous-jacente de nos mœurs stratégiques contemporaines, comme si nihil nove sub soli. Rien de neuf, certes, mais la comparaison entre le désastre d'hier et la situation actuelle, la répétition des mêmes erreurs malgré des environnements apparemment si différents, voilà qui devrait inquiéter. C'est là que le livre sort de l'histoire pour rejoindre l'actualité, alertant sur le risque de devoir à nouveau verser le sang par défaut de préparation, de réflexion et surtout de hauteur d'âme et de volonté.

Bazeilles, par G Sallat, éditeur : Observatoire des dynamiques contemporaines

O. Kempf

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