Nous voici donc face à des situations assez classiques : la grande organisation, le héros qui sauve le monde, etc. C'est d’habitude lassant à cause de l'invraisemblance des situations. C'est ce qu'on craint au début de la lecture : que le livre soit banal dans l'exploitation de codes utilisés ad nauseam.
Heureusement, le traitement est plus fin. D'une part, l'action se place dans un temps légèrement décalé, une anticipation d'une dizaine d'années qui permet de gommer les invraisemblances les plus flagrantes tout en restant dans un univers psychologique très proche de la société que nous connaissons aujourd’hui. D'autre part, cette vraisemblance fait que l’omniprésence du cartel n'est pas absurde. L'auteur prend un malin plaisir à lancer des allusions aux grandes puissances de ce temps, GAFA, NATU et autres BATX.
C'est d'ailleurs ce qui donne un intérêt croissant au livre. Derrière la fable du roman d'espionnage, Thierry Berlanda dresse le portrait d'une société fliquée et eugéniste où les ressorts habituels de pouvoir s'estompent et où les libertés individuelles s'affaissent. C'est ce qui rend le roman très attachant. Il est d'ailleurs évident, à le lire, qu'il n'aurait pas pu être écrit par un Américain.
Bref, un vrai plaisir de lecture en même temps qu'une fable habile qui en fait un peu plus qu'une distraction.
A recommander chaudement.
Olivier Kempf