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De Columbia au G20 et à la Guadeloupe : fiscalité et démocratie

1/ Le district de Columbia est le seul territoire fédéral des Etats-Unis, puisqu’il accueille la ville de Washington et toutes les institutions gouvernementales. Il constituait jusqu’au mois dernier une curiosité juridique : en effet, s’il envoyait un représentant à la chambre, celui-ci n’avait pas le droit de vote. Au point que les autocollants fleurissaient sur les voitures : je paye mes impôts sans être représenté. Cela vient d’être modifié puisque le dit représentant a enfin obtenu le droit de vote.

2/ Cela nous rappelle le lien fondamental, et trop souvent oublié, entre la fiscalité, le territoire et la démocratie. Dans ses analyses, le géopolitologue doit absolument en avoir conscience.

3/ La fiscalité est à la source de la démocratie, en même temps que l’armée, la police et la justice. Pourquoi ? Parce que ces trois fonctions permettent à l’Etat d’organiser le monopole de la violence. Celui-ci doit être financé, d’où la procédure de taxation. Dans les temps féodaux, il y avait une compensation claire entre le service rendu par le seigneur et la taxation de la commune. Avec le temps, les seigneuries se sont agrandies et on a perdu le sens de cet échange féodal. Ce qui était admissible à une époque le devenait de moins en moins. Regardez l’histoire : en Angleterre, en France ou en Italie, les formes proto-démocratiques sont toutes liées au consentement à l’impôt. Le mécanisme d’échange est toujours le même (je paye pour avoir la sécurité), mais se complique par le contrôle : comme je paye mes impôts, je veux contrôler leur emploi. De là vient le système représentatif, fondement de nos démocraties. La démocratie légitime le monopole étatique de la violence qui s’exerce sur un territoire. Il y a concordance entre les limites de l’Etat et le territoire où il peut lever l’impôt. Max Weber peut émettre sa loi du monopole de la violence légitime.

4/ Les fonctions de l’Etat se sont agrandies avec le temps et l’histoire, conjointement d’ailleurs avec le développement démocratique d’une part, et l’agrandissement territorial d’autre part.

5/ C’est pourquoi les politiques de défiscalisation sont dangereuses : qu’elles viennent des libéraux, aux fins de « réduire l’Etat » ; ou qu’elles viennent des gens de gauche, au motif de l’exemption fiscale des bas revenus. Ce faisant, elles affaiblissent toutes deux l’essence démocratique du système.

6/ Dernière remarque : ce fondement fiscal de la démocratie explique aussi pourquoi, malgré tous les appels à une action internationale, les plans de relance ne peuvent être que nationaux : l’impôt pèse sur un territoire, à l’intérieur duquel il est déjà difficile de faire exercer une solidarité financière. Il faut en effet faire admettre à tous qu’il est dans l’intérêt commun de payer pour les compatriotes qui en ont besoin, surtout quand ce besoin se localise sur un sous-territoire. Alors viennent immanquablement les revendications séparatistes : soit d’une province riche qui veut se séparer du grand ensemble considéré comme plus pauvre (si le niveau étatique n’a pas fait preuve d’équité, cas yougoslave) ; soit d’une collectivité plus riche qui promeut la séparation d’une province pauvre, le jour où celle-ci réclame trop : les appels d’une certaine droite à l’indépendance des Antilles en sont le signe le plus évident. D’ailleurs, les Antillais devraient faire attention à ne pas porter trop haut leurs revendications (quelqu’en soit leur légitimité par ailleurs) car ils risqueraient de ne plus bénéficier de la solidarité nationale.

Voici ce qu’on pouvait dire du District de Columbia (le fameux D.C. de Washington D.C.), qui nous emmène aussi bien au G20 de Londres qu’en Guadeloupe…..

Olivier Kempf

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