Le sujet de la papauté est actuellement très polémique. Essayons de contribuer au débat sans s'emporter.
1/ L'Église s'affirme à la fois divine et humaine. Cité de Dieu, disait Saint Augustin, en opposition à la cité des hommes. Église à l'image du Christ qui avait cette double nature. Ainsi, elle appartient à deux espaces : l'analyse géopolitique paraît invalide pour l'un des deux, celui des cieux. Mais elle peut apporter des lumières à l'autre, l'espace des hommes.
2/ De récentes décisions catholiques ont suscité une vive polémique. L'une vient du pape lui-même et concerne les intégristes. L'autre vient d'un archevêque brésilien (qui a d'ailleurs été désavoué par la conférence épiscopale de son pays) à propos de l'avortement. Je précise que je suis très choqué par la décision de l'archevêque, car il est des moments où la compassion doit prévaloir sur la doctrine, qui ici ressemble à s'y méprendre à de l'idéologie : qui veut faire l'ange fait la bête. Mais là n'est pas l'objet de ce billet. Car si les deux affaires ont un point commun, c'est l'ignorance de l'effet que ces décisions auront dans le public.
3/ L'Eglise ne peut en effet s'abstraire totalement du monde qui l'entoure. Si elle est dans son rôle en affirmant ses principes (qu'on partage ou non, là n'est pas le débat, du moins pas celui de ce billet), elle doit trouver les voies et moyens que ce message soit audible. Il semble que Benoit XVI ne savait visiblement pas les positions négationnistes de Mgr Williamson. Or, s'il est pasteur, il est en même temps chef d'Etat.
Et il ne peut négliger à ce point les techniques communes de gouvernement, qui passent d'abord par une bonne information, et l'analyse des conséquences de ses décisions. A la suite de Saint Paul, et conformément à sa profonde originalité, l'Eglise doit parler aux nations. Elle est catholique, c'est à dire et au sens propre : universelle. Elle peut -elle doit- trouver les paroles pour proposer son message, sans le trahir. Car en le proposant maladroitement, elle l'a, d'une certaine façon, trahi.
4/ L'actuel gouvernement de l'Eglise donne enfin l'impression d'être communautaire. "Pais mes brebis" : certes ! Il reste que ce recroquevillement sur soi trahit une attitude géopolitique : celle de l'obsidionalité (sentiment d'être assiégé) qui n'est pas du meilleur signe. Le repliement verse rapidement dans le communautarisme, et donc l'abandon de l'universalité.
5/ On comprend le projet du pape : en accueillant les "frères séparés", il évitait la scissiparité, l'indépendance, la fragmentation : il prenait les mesures pour recoudre son territoire déchiré. Mais la recherche de la brebis perdue jette le trouble dans le troupeau..... Utilisons un autre vocabulaire : les exemptions données à la province autonomiste menacent l'unité nationale. Le pape, comme beaucoup d'autres chefs d'Etat, est confronté à un séparatisme.
6/ C'est ainsi que sa décision n'est pas si "théologique" qu'on veut bien le dire. C'est pour résoudre ce problème, son problème, très terrestre, celui du séparatisme qu'il a tout tenté pour le recoudre. Au risque d'énormes dégâts collatéraux.
Il n'est jamais simple de faire face à une sécession.
O. Kempf