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Clausewitz (III,7) La persévérance

Clausewitz continue son discours contre la mathématisation de la guerre. "Le lecteur s'attendait qu'on l'entretienne d'angles et de lignes? il ne rencontre que des gens du commun". (p. 194).

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Car "à la guerre, les choses défient nos attentes, et leur apparence de près diffère de leur apparence de loin" : on se pose alors la question : comment planifier ? A cela, CVC ne répond pas par une méthode, mais par un tempérament : "Le chef de guerre est constamment submergé par les informations, vraies ou fausses ; par les erreurs (...), par la désobéissance (...) et par des accidents imprévisibles". Or, "s'abandonner à ces impressions, c'est renoncer à toute entreprise. La persévérance dans une ligne choisie en est l'indispensable contrepoids, tant qu'une raison majeur ne milite pas pour un changement".

Ces lignes résonnent curieusement alors que je suis en train de lire l'ouvrage de J. Henrotin sur la technologie militaire : en effet, un des ressorts de cette technologisation vise à donner au chef une meilleure connaissance de ce qui se passe sur le terrain, afin de dissiper le "brouillard de la guerre". On a l'impression que CVC dénonce par avance cette illusion : là ne gît pas l'essence de la victoire.... mais bien plutôt dans les qualités morales de la troupe et surtout du chef :

"Alors que la faiblesse physique et morale incite toujours à l'abandon, il faut toujours et encore pour atteindre le but une volonté de fer, une endurance qu'admirent le monde et la postérité" (p. 195).

Les ordinateurs donnent-ils de la volonté ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le dimanche 29 mars 2009, 21:22 par Jean-Pierre Gambotti

Malgré son préambule explicatif ce Livre III, intitulé De la stratégie en général, doit être considéré avec beaucoup d’attention car Clausewitz fait un double amalgame : dans la sémantique d’abord en nommant stratégie à la fois la conception et la conduite des opérations, en intégrant ensuite dans les éléments de la stratégie, les qualités intrinsèques du prince. Pour appuyer cette remarque je citerai trois extraits (page 171),
1- « … la stratégie est l’usage de l’engagement aux fins de la guerre. Quoiqu’elle ne s’occupe que de l’engagement la théorie de la stratégie doit englober l’armée, qui est le vecteur de l’engagement. Elle englobe l’armée, en elle-même et dans ses rapports avec d’autres facteurs, car c’est l’armée qui livre l’engagement, qui exerce ses effets en retour sur elle »,
2- « La théorie stratégique doit donc étudier l’engagement au point de vue de ses résultats possibles, et de ses forces intellectuelles et morales, qui en sont les principaux facteurs »,
3- « La stratégie doit donc être elle-même présente sur le terrain pour pouvoir disposer chaque chose en son heure et intégrer au plan d’ensemble les changements sans cesse exigés par les circonstances ».


Nous accepterons donc le discours syllogistique de Clausewitz : la persévérance a toute sa place dans ce Livre III car bien que d’essence personnelle elle fait partie des forces intellectuelles et morales de l’armée vecteur de l’engagement, lui-même outil de la stratégie….
Je dois avouer que ces premières remarques ne semblent pas mener très loin sauf qu’elles permettent de justifier l’apparent mélange des genres de ce Livre III … entre la hardiesse, l’économie de forces ou la loi dynamique de la guerre !
Mais je voudrais en venir plus précisément au fond. Pour ma part je pense que Clausewitz traite une nouvelle fois de la friction dans ce chapitre et propose pour solution dans l’action, la persévérance raisonnée. Personne n’imagine que la guerre sera conduite dans sa totalité selon la planification élaborée à froid, mais il existe une voie dans l’action entre la pusillanimité et l’obstination, voie étroite certes, mais disons celle de la raison confortée par une excellente maîtrise de la stratégie. Foch à la Marne par exemple: « Pressé fortement sur ma droite ; mon centre cède ; impossible de me mouvoir ; situation excellente. J’attaque. » La persévérance de Foch dans l’offensive l’a mené à la victoire mais je vous accorde qu’on peut s’interroger sur la validité de cet exemple tellement il est excessif !
Avec vous je doute aussi de la capacité de la « machine » à lever le brouillard de la guerre, mais je pense que le challenge consiste aussi à éviter ou contourner ce brouillard qui n’est d’ailleurs pas tout d’aléas et de fatum. La machine dans son infinie capacité de calcul peut ouvrir de nombreux champs à l’action et permettre de construire une planification d’une arborescence extrêmement fine, donc permettant d’anticiper l’action dans un panel très large d’hypothèses. Je ne donnerai que l’exemple de la définition des points décisifs et de l’élaboration des lignes d’opérations avec ses « sequels» et « prequels » répondant au fameux « what if ? ».
Finalement, bien que je sois persuadé de l‘importance des forces morales dans l’action en général et dans l’action de guerre en particulier, je crois aussi aux vertus de l’ordinateur pour gagner les guerres, car s’il ne « donne pas de la volonté » il est un bel instrument de synergie pour les intelligences qui doivent raisonner en collaboration.
Très cordialement
Jean-Pierre Gambotti

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