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Un G 20 pas si historique

Le sommet de Londres a donc rassemblé les vingt plus importantes puissances économiques du monde. Plusieurs remarques s'imposent, de deux ordres : géopolitiques, et économiques.

1/ Géopolitiques

11/ Il faut tout d'abord noter que la notion de puissances relatives entre dans la réalité. On ne parle plus de monde unipolaire, ni même multipolaire. Évoquer des puissances relatives, c'est rendre à l'Etat un rôle que les théoriciens de la mondialisation lui avaient dénié. C'est aussi sortir de la toute puissance américaine. Nous sommes enfin sortis du XXème siècle. A cause du retrait américain, rendu visible par le discours de M. Obama.

12/ D'ailleurs, cette discrétion américaine a été sensible. Plusieurs explications sont possibles, pas forcément exclusives : tout d'abord, la moindre influence US, à cause de la crise dont chacun voit l'origine en Amérique ; ensuite, la posture obamienne, faite d'écoute et d'ouverture, selon cette attitude discrète qui contraste si fortement avec le discours de son prédécesseur ; enfin, l'amorce d'un certain néo-isolationnisme, l'Amérique se concentrant sur ses seuls problèmes et délaissant au monde les affaires du monde, refusant d'y porter un fardeau prédominant : cette dernière explication est bien évidemment la plus contestable, mais elle est plausible.

13/ Ensuite, on remarque le retour du politique, prenant le pas sur l'économique. Là encore, on est sorti de l'idéologie de la mondialisation, qui prétendait que l'économie était la seule source de vérité. Avez-vous d'ailleurs remarqué qu'on parle beaucoup moins de géoéconomie, qui avait prétendu en son temps remplacer la géopolitique ? Toutefois, il n'y a pas de quoi se rouler par terre, ainsi qu'on le verra en deuxième partie.

14/ Enfin, il faut bien sûr apercevoir le bruit de la Chine : non pas son rôle, puisque chacun a pu remarquer l'importance de ce dernier depuis cinq ou six ans ; mais le fait qu'elle sorte du bois et accepte enfin de s'exprimer publiquement : les journalistes ont ainsi noté que M. Hu s'exprimait sans ses notes, et que Pékin avait publiquement mis en cause l'hégémonie du dollar avant le sommet : cela eut été impensable il y a deux ans. La Chine ne fait pas que profiter de l'évolution du monde : elle s'affirme, ce qui est contraire à ses traditions isolationnistes. On peut le ressentir de façon positive ou négative : soit qu'elle accepte une responsabilité mondiale, soit qu'elle cherche à devenir une super puissance, au risque de provoquer l'ire de ses voisins et une coalition des craintifs.

2/ Economique

21/ Que n'a-t-on pas entendu : sommet historique, etc. Derrière ces déclarations flamboyantes, on discerne tout d'abord que le capitalisme cherche à se sauver; et qu'il a peur d'y passer pour se laisser aller à de telles orchestrations médiatiques. Derrière l'enflure et l'emphase, il faut garder raison.

22/ C'est un sommet qui n'est pas inutile, car il a permis certaines avancées qu'on aurait jugées impensables il y a deux ans. L'idée d'une certaine régulation est ainsi entré dans le discours, alors que ce n'était pas gagné. Toutefois, j'ai l'impression que c'est insuffisant.

23/ En effet, un certain scepticisme me gagne. Sur les paradis fiscaux, la fameuse liste existait déjà il y a dix ans, et rien ne permet de croire qu'elle sera plus efficace, surtout si on sort de la crise comme les optimistes cherchent à nous en convaincre. Pour le reste, tout repose sur une certaine collaboration des pays visés, qui ne coopéreront que si les pays requérants font part d'indices suggérant une fraude fiscale. Je ne crois donc pas que ce sera efficace.

24/ S'agissant de la relance, M. Brown arrive à un total de 1000 Mds$, additionnant visiblement et si j'ai bien compris des choux et des serviettes. Quant aux 500 M$ attribués au FMI, il faut bien voir que c'est une ouverture de crédit, en clair de la planche à billet.

25/ Dès lors, si la crise est aussi profonde qu'on l'a cru, ce sommet ne sert à pas grand chose. Si elle est en voie de résorption, cela suffira comme sparadrap, qui ne change rien d'essentiel. Or, l'essentiel n'est pas là.

26/ En effet, ce sommet est d'abord un sommet de la confiance. J'ai suffisamment dit par ailleurs que cette crise était d'abord une crise de la confiance pour devoir juger le G20 à cette aune là. Ceci explique les tonnes d'optimisme des déclarations des participants à l'issue, des premières statistiques favorables qui sortent simultanément, des cours de bourse qui remontent, tout cela comme par hasard : on a le sentiment d'une grande opération de propagande pour inciter à reprendre confiance. Après tout, pourquoi pas ? Mais on n'a touché ni aux actifs toxiques, ni aux monnaies.

Toutefois, pouvait-on espérer plus ? Certes, une action coordonnée, qui n'est pas contracyclique, c'est bien le moins. Mais de là à estimer que c'est un sommet qui entrera dans l'histoire, il y a un pas que je ne franchirai pas. Tout juste y voit-on l'esquisse d'un nouveau cours.

Au fond, c'est cela : non une perspective, ni même une eau forte, à peine une ébauche....

Olivier Kempf

NB : désolé, en bas débit, impossible de mettre des photos, c'est trop long.

Commentaires

1. Le mardi 7 avril 2009, 17:51 par Morbihan

J'ai bien peur que vous ayez raison. Nous n'en sommes qu'à l'esquisse d'un monde moins dépendant de Wall street et de la City. Près de deux siècles de domination ne se gomment pas si facilement...

2. Le mardi 7 avril 2009, 17:51 par

Je te rejoins assez sur cette analyse, sauf un point. Je ne crois pas que le politique ait vraiment pris le pas sur l'économique. Tout reste question de croissance.

EGEA : Disons que le politique reprend du poil de la bête (comment expliquer Obama autrement?) même si l'économique reste dominant (comment expliquer un G20 finalement si peu ambitieux?). OK

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