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Belgication européenne

Les élections européennes se sont donc tenues dimanche dernier, en même temps que les élections libanaises (voir l'éditorial d'AGS sur le sujet).

Et pourtant, plus que d'une libanisation (découpage électoral selon des communautés fondées sur l'appartenance religieuse), j'ai plutôt l'impression que le scrutin européen témoigne d'une belgication.

Qu'est-ce à dire ?

Que la Belgique a échoué à construire un cadre politique national à partir du moment où les partis n'étaient pas trans-communautaires, mais spécialisés dans chaque région (flamande, wallonne, bruxelloise et eupenoise). Du coup, le système électoral a forcé des ressorts régionaux (qui préexistaient, j'en suis d'accord) au lieu de pousser à une intégration nationale, selon un modèle suisse.

S'agissant de l'Europe, c'est la même chose. Les listes sont nationales, du coup les thèmes électoraux sont nationaux. Cela favorise mécaniquement les extrêmes (plus ou moins racistes et xénophobes, c'est selon) ou les partis anti-européens. Pas conséquent, à mesure que le temps passe, le désintérêt pour la chose politique européenne s'amoindrit, puisqu'on vote selon des critères nationaux pour désigner un corps politique qui n'est pas national : là est la cause majeure de l'abstention grandissante, à mon sens.

Si l'on voulait lutter contre l'abstention, il faudrait forcer des listes multinationales. Illogique ? pourquoi, puisqu'il s'agit d'un critère fondamental pour la formation des groupes parlementaires au PE. Chaque liste devrait se présenter dans un nombre minimal de pays (quatre ?) avec des candidats venant d'au-moins ces quatre pays, et dans des positions éligibles (selon un critère démographique, par exemple). Par conséquent, le programme développé se ferait sur des thèmes européens, et motiverait l'intérêt.

La solution paraît donc simple. La seule question tient à sa faisabilité, comme on dit maintenant. Pour le coup, rien n'est moins sûr.....

O. Kempf

Commentaires

1. Le jeudi 11 juin 2009, 22:29 par

Ne faisant pas du tout la même analyse que vous sur les causes de l'abstention (les chiffres de la participation aux élections nationales ne sont pas tellement plus glorieux, on ne peut se voiler les yeux...), j'aurais une vision plus radicale: ni libanisation ni belgication mais pire.

Donc la réflexion doit être poussée beaucoup plus loin. Bien plus que sur un décalage entre la nature du vote (national ou européen), l'intérêt et les propositions qui sont faites. Il faudrait réfléchir sur le désir de changement en opposition avec la maigre conviction que ce changement peut venir des élections.

Mais là encore, une source de réflexion en perspective car on construit rien de bon sur des ruines donc il faut trouver un autre voie pour ne pas dire un "juste milieu".

EGEA : Quitte à être pire, on peut également penser une absence de conscience politique compte tenu d'un vocabulaire "démocratique" daté : le vote, la campagne électorale, la candidature, le projet ont-ils encore un sens à l'heure d'Internet et de la tyrannie de l'émotion ? J'ai ce genre deréflexions cafardeuses, parfois......

2. Le jeudi 11 juin 2009, 22:29 par Belge

Attention à ne pas tout confondre Monsieur Kempf.
Les partis belges étaient nationaux auparavant. Ils ne le sont plus depuis les événements communautaires des années 1960, et il n'y a aucune chance qu'ils le redeviennent. Nous sommes allés d'un état unitaire à un état fédéral et nous évoluons de plus en plus vers le confédéralisme...à la suisse justement.
Et dans tous les cas, lors d'élections régionales, des partis régionaux répondent le mieux aux besoins belges. Donc je ne suis pas votre raisonnement.

Par contre, pour les élections européennes, je m'en rapproche même si j'ai du mal à croire à quelque chose qui aille réellement au-delà d'une convergence de partis, plutôt que d'une fusion (pour des raisons pratiques et économiques).

EGEA : mais je suis tout à fait d'accord avec vous sur les faits, malgré une interprétation différente : les partis étaient "nationaux" à cause d'une certaine tradition politique de l'Etat-Nation, selon un modèle d'inspiration française. La régionalisation était logique si ce modèle s'affaiblissait, ce qui fut le cas (y compris à cause d'un besoin flamand à retrouver plus d'influence). Ce ne fut pas entravé par une loi électorale qui aurait obligé à des listes "nationales" ou "bi-communautaires" : le parallélisme avec l'Europe est d'autant plus frappant que l'Europe n'a même pas le modèle "français" comme référent... Les listes restent donc, si on met à l'échelle, communautaires (puisque nationales) et conduisent à un certain fractionnement.

Par ailleurs, ne vous laissez pas abuser par les mots : la Suisse n'a de "confédération helvétique" que le mot : c'est clairement, dans les faits, une fédération, peut-être même plus intégrée que les Etats Unis ou l'Allemagne.... On n'a d'ailleurs pas d'exemple historique pour illustrer le modèle politique de la confédération, qui ne paraît qu'une vue de l'esprit, transitoire.... (les cas germaniques usuellement cités peinant à convaincre).

3. Le jeudi 11 juin 2009, 22:29 par

Analyse très intéressante; les conclusions sont bien-fondées mais leur mise en œuvre représentera un projet dantesque, voici quelques exemples:

- les Libéraux Démocrates britanniques (LibDems) sont souvent plus au centre gauche dans leurs propositions que les Travaillistes britanniques (New Labour), et pourtant leurs groupes parlementaires européens respectifs, ADLE et PSE sont dans des schémas inversés au PE (ADLE étant plutôt libéral avec des unités de vues plus faciles avec le PPE; le PSE étant rattaché aux partis socialistes et sociaux-démocrates, et depuis récemment les démocrates italiens);

- le Parti Socialiste français représente une minorité au sein du PSE, bien plus archaïque que les autres partis politiques sociaux-démocrates de ce groupe; les autres partis membres du PSE sont plus en phase avec ce que représente le MoDem en France par exemple (ce dernier étant membre de l'ADLE, pour combien de temps encore?)...

- les eurodéputés UMP français sont très divisés entre fédéralistes et souverainistes, ce qui correspond à une réalité croissante au Parlement Européen avec la scission probable du PPE d'une part et des conservateurs eurosceptiques britanniques, tchèques et polonais; mais comment scinder entre membres d'un même parti politique français?

Bref, la recherche de cohérence continentale est nécessaire, mais les groupements européens existants ne reflètent pas toujours le panorama politique national de chaque Etat membre. Imposer des partis européens qui ont un centre de gravité politique très éloigné du centre de gravité du parti national membre du groupement, risque d'accentuer la désappropriation de la chose politique par les citoyens européens, surtout dans les Etats membres les plus eurosceptiques.

Un décalage existe aussi entre les forces politiques en Europe de l'ouest et Europe de l'est, visible par la voie de l'abstentionnisme, mais aussi d'un eurosceptiscisme "mainstream" grandissant... nous n'en sommes qu'au début du processus de refonte des partis politiques européens (visible lors de la refondation des groupes parlementaires à chaque élection européenne), seront-ils capables d'affronter un suffrage continental en l'état?

Un autre problème existe avec l'émergence de nouvelles forces politiques. C'est le cas par exemple du PD italien, qui aura fini par rejoindre dans sa totalité le PSE (pour former l'ASDE), bien que la fusion originale de forces ex-socialistes / ex-communistes et ex-chrétiens démocrates, mériterait un groupe à lui tout seul... des règles de représentation nationale empêcheront l'émergence de nouvelles forces politiques, pourtant essentielles pour renouveler le paysage politique continental.

En somme, même si l'idée a du mérite, cela risque d'être un peu tôt. Une donnée à garder en tête: l'abstention lors des élections fédérales américaines était en 2008 de 37%, le plus bas depuis 1960 (élection de Kennedy), en temps normal il est de 50%; il est à noter qu'une élection (législative) où l'exécutif ne change pas engendre plus d'abstentionnisme. Une solution probable pour faire baisser l'abstentionnisme dans l'UE sera celle de l'élection au suffrage universel de l'exécutif européen, que ce soit par la voie d'un vote parlementaire subséquent aux élections législatives (mais nettement plus direct qu'avec les Traités de Nice ou Lisbonne), ou par la voie directe simultanément aux élections législatives.

EGEA : eh ! revoilà Arnaud sur les ondes...... Welcome back, l'ami....

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