De la reprise des attentats en Irak

A l'approche du retrait américain, on constate une reprise des attentats en Irak (voir par exemple l'article du Monde).

1/ L'explication couramment donnée tient au départ des troupes US. PAr exemple, ledit article propose : "En ciblant la majorité chiite qui domine le pouvoir pour la première fois dans l'histoire de l'Irak, ils poursuivent vraisemblablement trois objectifs. D'abord provoquer le réarmement des milices chiites que le gouvernement a eu beaucoup de peine à réduire en 2008. Réenclencher, si possible, la guerre civile qui a sévi entre chiites et sunnites en 2006 et 2007 avec une moyenne de 2 000 morts par mois. Entraver ainsi le retrait américain ordonné par Barack Obama, en démontrant par le sang que les forces irakiennes n'ont pas, seules, la capacité de maintenir l'ordre. Compromettre enfin la reconstruction de l'Etat, entreprise avec un certain succès par le premier ministre, Nouri Al-Maliki, et empêcher ainsi son éventuelle reconduction aux affaires lors des élections de janvier".

2/ Toutefois, il faut s'interroger : n'y a-t-il pas aussi un lien avec ce qui se passe en Iran ? Deux explications pourraient alors être évoqués (je précise immédiatement que ces explications ne se prétendent pas exhaustives ni totalisantes).

3/ On pourrait ainsi voir la volonté des Al-Qaidistes sunnites de reprendre l'avantage dans la concurrence des intégrismes, alors que la ligne dure iranienne prend le dessus avec le binôme Khamenei-Ahmadinedjad. Il s'agirait de dynamiter l'aire d'influence iranienne, négociée de facto entre Américains et Iraniens, en jouant sur la faiblesse supposée du pouvoir irakien, alors que son mentor se dégage. En forçant un irrédentisme chiite, on accentue la fitna (la grande division entre musulmans).

4/ Une autre explication serait totalement opposée. Il s'agirait cette fois-ci des durs de Téhéran qui joueraient la reprise de la guerre civile, afin de déjouer la réussite (sur le tard) du projet néo-conservateur de démocratisation du Moyen-Orient dont la première pièce serait l'Irak. Relancer la guerre civile permet de démontrer que la baisse des troubles n'est que relative, et qu'elle est due au seul occupant américain. Sur le fond, en relançant l'agitation religieuse, il s'agit de préparer la grande jonction des intégrismes des deux bords, le sunnite (Al Qaida) comme le chiite (le binôme Khamenei-Ahmadinedjad). Ce risque a été décrit dans le récent livre d'A. Adler, "Le monde est un enfant qui joue", que j'avais signalé en son temps et dont je rendrai compte bientôt.

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5/ Ces deux explications (concurrentielles) ont un avantage : elles permettent d'élargir le spectre d'analyse et de ne pas rester sur la seule analyse irakienne, mais d'élever la focale à l'échelle du Moyen-Orient. Comme disent les Anglais, "food for thought". Surtout, cela permet d'élargir le discours habituel sur les COIN en Irak : mais sur ce point là, j'attends avec impatience les suggestions de Stéphane Taillat.

O. Kempf

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