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La construction nationale, un problème militaire

Le dernier édito de Stéphane sur AGS est éclairant.

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"En revanche, la violence revendicative et la violence prédatrice sont plus difficilement gérables. Au demeurant, la “Reconstruction” et la “Réconciliation” entreprises par les Américains et par le Premier Ministre ne se ressemblent guère. Si les premiers ont tenu à présenter la dynamique conflictuelle comme une guerre civile dont ils pouvaient être les arbitres, le second a manœuvré pour se constituer une clientèle au-delà des clivages ethnoconfessionnels et partisans. En revanche, la question de l’intégration nationale reste au cœur des difficultés actuelles du pays. Fragmentée par le pouvoir clanique de Saddam Hussein, la société irakienne a été victime de l’approfondissement des clivages confessionnels et ethniques à partir de l’occupation américaine, clivages qui ont été instrumentalisés après avoir été réactivés par les entrepreneurs politiques au cœur des communautés. On ne peut exclure de réelles difficultés à gérer et à atténuer cette violence: les succès militaires de la Coalition n’ont pas accouché des succès politiques promis."

Conclusion que j'en tire : la grande difficulté contemporaine consiste à trouver les voies et moyens d'une construction nationale, sur des bases qui ne soient pas simplement linguistiques ou religieuses. Autrement dit, d'un consensus politique qui rassemble, au-delà des clivages idéologiques. Or, cette question (proprement géopolitique) est devenue un problème militaire, ou plus exactement, pour les militaires.

Ceux-ci ne peuvent désormais se passer d'appréhender les questions politiques. C'est la vraie conclusion à tirer des discours actuels sur la "guerre au milieu des populations". N'y a-t-il d'ailleurs pas confusion de plus en plus fréquente entre le politico-militaire et le stratégique ? et la doctrine Petraeus n'est-elle pas le mise en œuvre de cette approche politique des actions militaires ?

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 30 juin 2009, 17:25 par

Tout à fait cela. Le partage des tâches entre militaires et politiques a pris une tournure "non-clausewitzienne" surtout à partir de la fin de la 2nde guerre mondiale. Par conséquent, le passage des "guerriers aux gestionnaires" (titre de la thèse, en anglais, de mon directeur de mémoire de M2, le professeur Michel-Louis Martin de l'IEP de Toulouse)avait produit l'impression que la guerre était certes une continuité de la politique par d'autres moyens mais que, pour paraphraser Clémenceau, elle était une affaire trop sérieuse pour être confiée aux militaires. Et de fait, cette approche particulière a entériné le divorce entre l'action des militaires et l'action politique. La "guerre au sein des populations" a au moins le mérite de montrer que l'action politique est AU COEUR de l'action militaire, quand bien même il s'agirait de missions "conventionnelles" (entendons, guerrières au sens où certains militaires préféreraient des missions idéales où l'ennemi et la mission sont clairement identifiés).
Néanmoins, il faut se déprendre d'une autre tentation, que je vois poindre à l'horizon avec le retour en force de la "guerre révolutionnaire" y compris au sein de la réflexion française: la tentation de l'activisme politique.. Je trouve que les procédures et les concepts que nous avons hérités de l'après-Algérie lors des différentes OPEX menées par nos troupes sont plus intéressantes: elles cherchent à équilibrer l'action de coercition et l'action politique, alors que la "guerre révolutionnaire" se présente comme un projet politique sans les hommes politiques (voire contre eux)...
Un vaste débat.
Je terminerai par une réflexion sur la construction nationale: dire que c'est une tâche pour les militaires me paraît censé, d'autant que de nombreuses forces armées (dans le Tiers-Monde surtout) se sont retrouvées les seuls acteurs modernisateurs et réformateurs aptes à construire une Nation. Toutefois, il faut nuancer: cette action doit être menée en coordination avec les civils (le fameux concepts d'interagences). Cette synergie est nécessaire. Mais il reste à trancher la question de la légitimité de la construction nationale par les Américains dans un pays comme l'Irak...

2. Le mardi 30 juin 2009, 17:25 par

Pour titiller certains...
Il est intéressant et nécessaire de relever les difficultés d'articulation dans l'action de la sphère militaire et de celle politique. C'est seulement un premier pas que d'alerter des possibles dérives, du manque à gagner et des défaits qui guettent.
Il faut pourtant aller plus loin que le constat.

Des politiciens, des décideurs, etc. lisent-ils ce genre de blog et d'analyse ou alors est-ce plutôt réservé à des spécialistes et des amateurs du fait militaire? Là est sans doute le problème.

Car plus d'une fois, ce dangereux décalage du militaire qui veut faire de la politique et du politique qui ne fait pas de militaire a été relevé.

Il faudrait donc faire suivre ces débats à l'ENA, dans les cercles de décision et ailleurs mais hors du champ militaire. Un beau challenge que d'y réussir! Sinon le risque de brasser du vent est probable et on pourra seulement dire après "on était prévenu". Et, les solutions je ne les ai pas.

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