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Clausewitz (III, 17) Du caractère de la guerre moderne (CVC et la guerre irrégulière)

Clausewitz évoque la guerre moderne (titre du chapitre, je sais, cette introduction a énormément de sens!). Ce qui est intéressant (et justifie le rajout entre parenthèse du titre) et qu'il s'agit d'un aperçu de CVC sur la guerre irrégulière.

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1/ Il passe d'abord par les constats : "des États de première grandeur abattus d'un seul coup par la bonne fortune et la hardiesse de Bonaparte" (p. 227).

2/ Mais "la lutte acharnée des Espagnols a montré la puissance du peuple en armes et de l'insurrection à grande échelle, même si elle est faible et instable à petite échelle". Ah! voici donc CVC évoquer enfin la guerre irrégulière. Pour lui, tout est une question d'échelle. Il voit surtout les masses en armes, l'émergence nationale, la nouveauté de ce grand mouvement géopolitique qui mène au changement de légitimité (la source venant désormais de la nation et non plus du droit divin). Remarquons toutefois, à propos de la guerre d'Espagne, que le soulèvement était soutenu par le Portugal et par le Royaume-Uni, et que les hostilités ont duré six ans.... Comparaison n'est pas raison, et il faut se souvenir de ce facteur essentiel si on veut comparer l'Espagne et l'Afghanistan contemporain.

3/ La campagne de Russie montre "qu'il n'est pas possible de conquérir un empire de très vastes dimensions". "La Prusse a montré en 1813 qu'un effort soudain peut sextupler la force d'une armée, grâce à la mobilisation de la milice, laquelle est aussi efficace hors des frontières qu'au pays même".

4/ Quelle conclusion en tire CVC ? "Tous ces événements ont montré la part colossale du cœur et de l'esprit des nations dans la puissance de l'État". Dès lors, "il saute aux yeux qu'une guerre où les énergies nationales s'affrontent avec toute leur puissance sera conduite avec d'autres méthodes que les guerres anciennes" (p. 228).

5/ Ces lignes sont à la fois très datées, et encore actuelles. Datées, d'une certaine façon, parce que CVC ramène tout à l'Etat. C'est d'ailleurs en ce sens que certains aujourd'hui estiment qu'il est obsolète pour l'analyse des guerres irrégulières contemporaines, au motif qu'un des belligérants ne s'appuie pas sur une structure étatique. Cela reste partiellement vrai en Irak (à partir du moment où les États-Unis ont négocié en sous-main avec l'Iran pour contenir les chiites, ils ont réussi à faire alliance avec les chefs de tribu sunnites pour contenir l'insurrection intérieure). Cela reste en partie faux en Afgha, puisque la base arrière du mouvement taliban se trouve géographiquement au Pakistan, et a longtemps bénéficié d'un soutien de l'ISI.

6/ Mais elles sont actuelles car il y a incontestablement, à chaque fois, tentative plus ou moins réussie de canaliser l'énergie nationale (n'est-ce pas d'ailleurs ce qu'expliquent Mao, Trinquier et Galula?). En Irak, on assiste à la lente réémergence d'un sentiment irakien, qui dépasse le seul fait religieux (chiite vs sunnite) ou linguistique (kurde). En Afghanistan, la grande difficulté consiste à savoir séparer le fait idéologique (pour simplifier : Al Qaida) du fait national (pour simplifier : les taleb et au-delà, les Pachtounes).

L'important, désormais, demeure d'abord "la part colossale du cœur et de l'esprit des nations". La "puissance de l'Etat "viendra plus tard.

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