Afghanistan : alentours géopolitiques

Je signale cet excellent article de F. Bobin, qui traite d'une "nouvelle" géopolitique de l'Afghanistan.

Bien évidemment, ce n'est pas la géopolitique qui est nouvelle, elle est au contraire tout à fait traditionnelle. ce qui est en revanche nouveau, c'est la façon de le présenter publiquement dans un média de grande diffusion.

Pourquoi classique, pourquoi nouveau ?

1/ Classique, parce que l'auteur parle de puissances : les États-Unis qui sont en retrait, l'Iran qui s'intéresse à son voisin (et notamment à la minorité chiite, avec les hazarates qui représentent 15 % de la population, et se trouvent notamment dans le centre du pays, et non à l'ouest (Herat) comme je le pensais. l'Iran renoue ainsi avec un grand jeu du XVIII° siècle, celui d'avant, quand la Perse s'opposait à l'empire moghol... La Russie revient plus finement qu'autrefois, grâce à la légitimité de son investissement de longue date, et d'acteur d'Asie centrale. La Chine, enfin, que le réveil Ouïgour du mois dernier a davantage encore amené à s'intéresser à son voisin occidental. Bref, on est bien loin de l'AfPak qu'on nous présentait traditionnellement (attention : cela ne veut pas dire que l'AfPak est faux : juste qu'il est incomplet). On est dans un pays, entouré de frontières, avec au-delà des frontières des "voisins" qui ont des actions.

2/ Car là est le "nouveau" : justement dans cette volonté de ne pas s'enfermer dans une opposition (pardonnez mon simplisme) Occident contre talibans, qui est la poursuite de la victoire stratégique de Ben Laden d'il y a huit ans : être et demeurer le "grand ennemi" de l'Occident - au moins de l'Amérique, à lire le dernier discours de B. Obama. Bref, variation subtile du "eux et nous", du "choc des civilisations", du "la drogue et l'extrémisme" qui est si convenu et qui fait qu'on a bien du mal à expliquer ce qu'on fout là-bas.

Et si on admettait qu'on a des intérêts ?

NB : Par rapport au discours habituellement défaitiste qu'on entend depuis quelques mois, félicitons nous des succès remportés de l'autre côté de la ligne Duran : le leader des talibans pakistanais tué, et le porte-parole du mouvement TTP arrêté (voir ici). Sans qu'on s'en rende compte, la Pakistan est en train de changer le cours de la guerre, en privant les afghans d'arrière-cour. C'est une excellente nouvelle, qui doit être confirmée dans la durée et qui devra être rétribuée dûment. Peut-être est-ce là l'amorce d'une victoire (ou plutôt, d'une non-défaite) du côté de Kaboul.

O. Kempf

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