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2030, la fin de la mondialisation ? par H. Couteau-Bégarie

Ce petit ouvrage est intéressant à plus d'un titre.

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Tout d'abord, il est publié par les éditions Tempora qui viennent de lancer une collection de géopolitique, dirigé par Olivier Zajec que j'ai eu l'honneur de publier dans DNSC. J'ai découvert par hasard son activité éditoriale, et me sens donc d'autant plus libre de la louer.

Ce petit livre (134 pages) se lit aisément. (cinq jours de trajet de bus) : le style est simple et concis, et va à l'essentiel.

De quoi s'agit-il ? de la publication d'une étude de prospective, commandée en 2003 par la DAS à Hervé Couteau-Bégarie (directeur de recherche au CID, et patron de l'institut de stratégie comparée que vous connaissez tous), sur une étude prospective à 30 ans. Elle a été remise à jour pour les besoins de l'édition (et évoque donc la crise du 15 9 08) : bref, elle est toujours très actuelle.

L'introduction méthodologique est bienvenue (pas de jargon, rassurez-vous). Ainsi, il n'y aura pas d'appareil de citation, ce qui allège considérablement la lecture de l'ensemble, d'autant que la taille impose d'aller à l'essentiel. Puis les chapitres se succèdent à un rythme rapide : quelles tendances lourdes ? Quelle mondialisation ? Quelles menaces ? quelles ripostes ? Quelles distribution de puissance ? Quelle place pour la France ?

Le travail est remarquable : l'auteur a beaucoup lu et est un vrai spécialiste, non seulement de stratégie (ce que l'on savait) mais aussi de géopolitique (ce qui constitue une découverte). Les hypothèses sont bien posées, le discours cohérent, et on est loin, très loin des assertions si peu convaincantes de bien des hérauts de la scène médiatique.

Le discours d'HCB contient une évidente prudence : pourtant, il ne tombe pas dans l'écueil normand du ptêt ben qu'oui ptêt ben qu'non, qu'on souvent les spécialistes de RI. Les scénarios proposés sont crédibles, et on appréciera surtout le tableau représentant leur compatibilité, mais aussi l'engagement pris par l'auteur en faveur d'un certain scénario, celui du maintien du leadership américain. Il croit à la persistance américaine, je n'en suis pas si sûr personnellement

J'ajouterai un oubli : HCB ne mentionne pas le scénario des éclatements, qui m'apparaît pourtant plausible : il peut s'agir de l'éclatement des États-Unis, de celui de l'Union Européenne, enfin de celui de la Chine : à coup sûr, ils sont envisageables (ce qui ne signifie pas probables, attention); mais s'ils arrivaient, nul doute que cela affecterait en profondeur l'ordre international des décennies à venir.

Enfin, je tiens à approuver qu'il nuance en permanence ses propos par l'hypothèse, à ses yeux non négligeable, d'une rupture systémique. Plus exactement, il la croit probable mais n'est pas sûr qu'elle interviendra à l'horizon considéré. Le seul livre qu'il cite à deux reprises est le "achever Clausewitz" de René Girard.

Dans son dernier chapitre, on appréciera ces fortes lignes : "il n'y aura pas véritablement d'Europe de la défense, donc d'Europe politique de plein exercice, tant que l'Otan existera. Il faut que l'Otan disparaisse pour que l'Europe prenne en main sa propre destinée. On peut estimer le pari dangereux, c'est l'analyse que font la plupart des membres de l'UE, mais on ne peut prétendre simultanément construire l'Europe politique tout en consolidant le lien transatlantique, les deux sont antinomiques (étant entendu que cette Europe n'a pas vocation à s'opposer aux États-Unis). Il y a là une question majeure, difficile à résoudre : il faut simplement la poser dans sa simplicité brute, la réponse découlant d'une volonté politique". (p. 128).

Et dans la conclusion : "aujourd'hui, en 2008, nous sommes, comme en 1788, à la veille de bouleversements gigantesques. Les avertissements n'ont pas manqué, de celui de Jacques Ellul au livre apocalyptique de R. GIrard. (...) tôt ou tard, il faudra affronter la réalité. Quand ? L'erreur commune des prospectivistes est d'annoncer trop vite des "années décisives"".

Ainsi, un petit livre fort agréable à lire, passionnant par son exposé court et brillant des principales problématiques du moment, sans pour autant être plat. A chaudement recommander pour ce début d'année.

O. Kempf

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