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Afghanistan : un mieux

Quand j'ai commencé ce billet, l'article de Benoit Durieux n'était pas encore paru et je n'en avais donc pas eu connaissance : la coïncidence n'est pas fortuite. Car de quoi s'agit-il ?

Face au pessimisme ambiant et controuvé (du style « mais qu’est ce- qu’on fout là-bas » ou « l’Afghanistan, nouveau Viet Nam »), souvent le fait d’observateurs dont le point de vue ne s’élève guère au-dessus du zinc (je parle du zinc de comptoir, non celui qui s’envole des bases aériennes), il faut dégager les voies de progrès qu’on peut observer en Afghanistan.

carte_afghanistan.jpg

Rappelons tout d’abord le but de guerre des Occidentaux : empêcher que l’Afghanistan ne redevienne une base arrière du terrorisme international. On en dira ce qu’on voudra, mais il s’agit vraiment de cela : dénier à l’adversaire l’utilisation d’un espace géographique.

Quel est l’horizon ? montrer des résultats tangibles d’ici 2012 (élections américaines et française). Résultats, ce qui ne veut pas dire succès, paix, victoire, .....

Par quoi cela passe-t-il ? par : une action soutenue contre les adversaires, l’afghanisation, la reconstruction, et un dialogue régional.

  • S’agissant de l’action contre les adversaires : incontestablement, et quoi qu'on en dise, les Occidentaux obtiennent des résultats. Depuis combien de temps n'a-t-on pas entendu parler de bavure de l'aviation ? les Talebs avaient promis d'empêcher les élections, elles ont eu lieu. Enfin, de façon plus déterminante (que l'on parle d'AfPak, de PakAf ou de PAkPak, selon les tergiversations en cours à Washington), les Pakistanais maîtrisent (plus ou moins, je le concède, mais au moins y sont-ils) le nord-Waziristan, tandis qu'ils viennent de lancer une opération majeure dans le Waziristan du sud. En clair, on exploite les succès de l'été. En clair aussi, les Talebs pakistanais ont fait une erreur d'attaquer Islamabad. Le raidissement pakistanais, amène peu à peu la ligne Duran à se fermer. Et puisqu'on est à comparer avec des guerres d'un autre âge, cela rappelle, mutatis mutandis (et donc par d'autres moyens), la fermeture de ligne Morice entre Tunisie et Algérie il y a un demi-siècle. Il en ressort que l'action sera plus aisée en Afghanistan.
  • S'agissant de l'afghanisation : cela fait longtemps que sur ce blog, j'explique qu'il faut faire confiance aux valeurs que nous prônons. La tenue des élections, et surtout le principe d'un second tour pallient largement tous les défauts que les intégristes démocrates trouveront au processus (corruption, bourrage d'urnes, intimidations, etc.). Au moins, la morale est-elle sauve : plus que Karzaï, ce sont les valeurs occidentales que nous sommes censés soutenir là-bas qui viennent de gagner. Symboliquement, c'est une victoire.
  • S'agissant des deux derniers points (reconstruction et dialogue régional), les résultats tardent à se manifester.

Ce tableau mitigé est donc bien loin du pessimisme grégaire qui a cours et je rejoins ainsi, par d'autres voies, le discours de Benoît. Il permet de comprendre deux choses :

  • d'une part, cela explique largement les hésitations obamiennes à propos de la suite : renfort, combien, et pour quoi faire ? Il falliat que les élections passassent.
  • d'autre part, cela relativise les échecs qui s'annonçaient pour le président Obama, et que j'avais été prompt à mettre en exergue. Il y a peut-être une voie de sortie, ce qui légitimera a posteriori la stratégie suivie. Cela sera d'autant plus éclatant si un accord est trouvé avec les Iraniens. Alors, ces deux succès tactiques permettront de consolider les positions ailleurs : sur la question du système de santé à l'intérieur, sur la question climatique à l'extérieur (à Copenhague, non loin d'Oslo où le président US recevra, à la même époque, son prix Nobel).

Mais c'est une autre histoire.

O. Kempf

Sur la ligne Morice: plein d'images

Commentaires

1. Le jeudi 22 octobre 2009, 22:05 par Jean-Pierre Gambotti

Saluons d’abord cette révolution culturelle dont l’article du colonel Bruno Durieux témoigne, nos chefs en opérations s’expriment ! Ce coin mis, à une période particulièrement sensible et pour un objet opérationnel, dans notre posture intellectuelle trop longtemps craintive, muette, voire autiste, va certainement contribuer à débonder l’institution militaire et ouvrir l’ère des débats, toujours porteurs de progrès.


Sur le fond cet article rompt effectivement avec la doxa actuelle produite, selon vous, par une sorte de pessimisme grégaire que vous dénoncez. Mais cette formule euphémistique dissimule un mal français plus profond : l’atavique incapacité politique et médiatique française à traiter des problèmes de la guerre. Si cette population d’acteurs et de commentateurs voulait disposer de quelque expertise dans le domaine des opérations, je pense que les cours du CID seraient plus adaptés que les conférences de l’IHEDN. Mais ce déficit culturel est un problème gravissime car au lieu d’expliquer la guerre à partir du terrain, de l’observation des opérations et des activités de reconstruction, nos observateurs font dans le sur-commentaire, la mise en abîme et la rhétorique, plutôt que dans l’analyse. Au bilan nous avons deux sphères à peine sécantes, la sphère des opérations, la réalité du terrain, et la sphère du commentaire, une méta-réalité des idées. Et malheureusement c’est cette dernière, cette sorte de vérité « de la caverne », qui est considérée en priorité et qui influence les opinions publiques et ce faisant les décideurs politiques. En conséquence la stratégie opérationnelle peut être aussi fille de l’interprétation de la réalité.


Pour éviter un exemple dans l’actualité, je rappellerai que la guerre de Bosnie a cessé après une campagne aérienne de l’OTAN de quelques heures et l’engagement d’une batterie d’AUF1 consommant moins d’une unité de feux. Ainsi aura-t-il fallu que l’ex-Yougoslavie connaisse quatre années de tueries de masse avant que l’on parvienne à rompre avec la doxa de l’époque qui affirmait qu’on ne gagne pas de guerre dans les Balkans.

Très cordialement.
Jean-Pierre Gambotti

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