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A propos de la réunification

Les cérémonies du 9 novembre célèbrent à juste titre une date importante : la chute du mur. La plupart des commentateurs mentionnent deux choses : la fin du système communiste et ses conséquences (URSS, Pacte de Varsovie, démocraties populaires, …), et la réunification de l’Allemagne. Tout ceci est vrai, et finalement assez connu. Que dire donc de plus ?

Que cette date signe une naissance : celle de l’Europe. Bien d’autres que moi ont noté que la vraie réunification était celle de l’Europe, plus que celle de l’Allemagne. L’Union européenne (créée trois ans plus tard, en 1992) est passée de 12 à 27 membres. Mais il faut tirer les conséquences de cette réunification.

En effet, elle prend la place d’un ordre bipolaire, connu sous le nom d’équilibre de la terreur. Or, cet équilibre n’était que l’accumulation de déséquilibres. La fin du système a permis, peu à peu, de sortir de chacun de ces déséquilibres. Plus précisément, la tension intraeuropéenne était « stable » (pensez à un mobile de Calder, que vous pendez au plafond de votre chambre à coucher) à cause de deux énormes contrepoids, l’un à l’ouest (les Etats-Unis), l’autre à l’Est (la Russie). Du jour où la tension disparaît, le mobile n’a plus besoin des contrepoids.

Cet allègement européen a deux conséquences : l’éloignement américain, et le rapprochement russe.

Eloignement américain : d’une part à cause du déclin américain (si l’amplitude fait débat, la tendance fait consensus) ; d’autre art à cause de la relativisation de la notion d’Occident, qui soit dépasse la seule réunion transatlantique (l’occidentalisation du monde), soit ne suffit pas à la décrire. Dès lors, l’Europe découvre que si elle n’est plus la maîtresse du monde (comme au XIX° siècle), elle ne l’est même plus par procuration américaine (comme au XX° siècle).

Rapprochement russe : si cette affirmation peut paraître provocatrice, un an après l’affaire de Géorgie où certains ont fait jouer leurs fantasmes pour évoquer « une nouvelle guerre froide », la tendance est inverse. En effet, on prend conscience que la Russie, débarrassée de ses boudins de protection, est principalement européenne ; que l’Organisation de coopération de Shanghai n’est qu’une diversion, qui n’attire pas vraiment les Chinois ; que surtout, l’Allemagne est dorénavant le relais de cet attrait européen. Quant à l’énergie, Europe comme Russie jouent tous deux à la barbichette, l’une dépendant autant de l’autre dans cette relation commerciale nécessaire pour chacun (à l’instar de la relation américano-chinoise, les déficits américains étant couverts par la bulle de crédit chinoise). Certes, la Russie a encore tendance à utiliser une grammaire ancienne (zones d'influences, signes extérieurs de la force). Qu’on me comprenne bien toutefois : ce rééquilibrage ne signifie pas que la Russie intégrera l’Europe, personne n’y songe. Il est simplement la conséquence de la cure d’amaigrissement russe : ne pouvant avaler l’Europe, Moscou est amené à composer avec Bruxelles.

Allègement européen, dis-je. Car le plus remarquable est justement que ce XXI° siècle paraît plus informel et moins structurel que le XX° : autrement dit, les structures les plus visibles (les organisations) sont les moins signifiantes (malgré le traité de Lisbonne et ce qu'il va permettre,, notamment en matière de PCSD). Or, ce qu’on reproche le plus à l’Europe, récitant à l’envi le mot de Kissinger sur l’introuvable numéro de téléphone de l‘Europe, constitue probablement sa plus grande modernité : le consensualisme. Derrière l’apparente mollesse réside au fond une solidité plus « structurelle » (sous-jacente, dirait probablement Lévy-Strauss) qu’il n’y paraît.

Le grand défaut étant encore l’insuffisante prise de conscience, par les Européens, du nouvel ordre du monde et des chances immenses qu’ils y détiennent.

Il est fini le temps de l’épuisement européen.

O. Kempf

Commentaires

1. Le mardi 10 novembre 2009, 20:41 par

Qu'en est-il du déclin de l'Europe en matières de démographie, de science & technologie et de défense ?

Cordialement

EGéA : Salut Joseph. Démographie : oui, c'est un pb. Science et techno, à relativiser. Enfin, je ne partage pas du tout ton appréciaiton à propos d'un déclin de défense, au contraire (le déclin est plus otanien qu'européen, à mon sens). Pour conclure : je ne dis pas que tout sera rose. MAis que la vision habituellement noire est fausse.

2. Le mardi 10 novembre 2009, 20:41 par

La question précédente était posée par l'auteur du blog Electrosphère et non par celui d'Athéna et Moi. Une telle confusion signifie-t-elle que mon étoile soit en train de monter ? J'espère.

Dès lors qu'on subit une hémorragie démographique (l'Europe étant dans le top 5 en la matière),bcp d'éléments à fortiori de puissance se dégradent lentement et sûrement. Hémorragie démographique qui n'est compensé par aucun apport migratoire, plus par peurs irrationnelles qu'autre chose ( NB: vieillissement démographique = culture du repli et de la conservation). En 2050, l'Europe ne comptera que 23% à 30% de de citoyens âgées de moins de 25 ans. (cf DSI cette fois). Dur de tenir "le rythme des puissances" avec un tel fardeau.

Le vieillissement de l'Europe est aussi l'une des causes majeures de sa décrue dans l'innovation en général, dans le sci-tech en particulier.

Exemple : la totalité des composants nécessaires à la fabrication de la machine sous vos doigts est conçue en Amérique et/ou en Asie. L'exemple des TIC - pris parmi tant d'autres - est révélateur d'une Europe qui n'a PLUS DU TOUT d'industrie informatique hardware, software ou netware. Un handicap (très) sévère à l'heure actuelle comme dans le futur.

Je ne parle même pas de la fuite des cerveaux français/européens vers l'Amérique qui n'est pas prête de s'arrêter: banques et investisseurs n'ont plus la culture du risque nécessaire à l'innovation. Avec tous les effets domino que cela comporte.

Suis-je vraiment pessimiste ou ai-je commis une grossière erreur dans ma vision des choses ?

Ce qui n'empêche point des merveilles comme Airbus ou Ariane, AREVA et consorts.

Côté défense & démographie,faudra donc s'attendre à combattre avec des armées de moins en moins nombreuses (si rien n'est fait pour endiguer l'hémorragie démographique dont même les armées européennes font le triste constat) avec des ennemis "plus au sud", forcément, et surtout plus nombreux. Forcément.

La technologie fait certes des prouesses en matières tactique & opérationnelle, mais seul un nombre suffisant ou élevé de soldats permet de "de tenir le terrain". L'A-stan en est l'une des preuves les plus flagrantes, même si dans ce cas, la démographie n'explique pas tout.

On remarquera, pour qui sait observer et a de surcroît vécu aux States, que les armées américaines sont composées essentiellement de noirs, de latinos, d'asiatiques et depuis environ une décennie d'immigrés africains et asiatiques (ultra-rapidement naturalisés après leur incorporation). Donc, d'une certaine façon, l'Amérique peut se permettre de perdre des hommes (McChrystal en veut 40 000 de +), mais l'Europe malgré ses atouts militech a déjà décroché depuis fort longtemps.

Suis-je également pessimiste sur ce point ?

Cordialement.
Electrosphère

EGéA : CHarles, mille excuses pour la confusion.

Pesssimiste ? je ne sais, puisque tu te prétends réaliste. Donc oui, il y a un déficit européen, mais peut-être ne s'agit-il que d'un retour à la normale, sur l'échelle de temps très longue. Sur l'innovation, je veux bien te croire. Toutefois je note que les seuls endroits où les Français ocnservent un dinustrie, c'est en matière de high tech (défense, aérospatiale, nucléaire). Peut-être pas suffisant, mais peut-être une division du travail. Les Américains ? ils ne font qu'importer l'intelligence des autres (45% de leurs doctorants sont étrangers, à cause de la faillite de ler système éducatif). D'où dans le temps long, c'est la prédominance américaine qui sera mise en cause. D'une certaine façon, l'Euope est déjà rentrée dans le rang.

Quant à l'émergence asiatique, il y a là aussi place pour répartition des rôles, plus que pour simple confrontation. Bref, attention au prisme malthusien. Et surtout à l'interprétation des donnés démographiques, que ce soit pour l'Europe, mais aussi pour l'Asie : il semblerait qu'il y ait qq signes positifs en Europe, quant à l'Asie, elle se prépare des lendemains qui déchantent, par brutalité de sa transition démog :le choc deu vieillissement sera encore plus violent que chez nous.

Une fois que j'ai dit ça, je ne cche pas que "c'est pas gagné" et je te rejoins tout à fait dans la mentalité conservatrice (défendons nos avantages acquis) des Européens.

Bref, je prétends qu'il faut se garder de l'europessimisme, si bien partagé en Europe.

Olivier

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